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"L’occupation me fait honte"

lundi 25 août 2008 - 06h:59

Ana Carbajosa

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À six heures, Hanna Barag est déjà en route. Elle a 72 ans et ressemble à une sympathique grand-mère à la retraite bien méritée.

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Hanna Barag

À six heures, Hanna Barag est déjà en route. Elle a 72 ans et ressemble à une sympathique grand-mère à la retraite bien méritée. Elle pourrait rester au lit ou à lire le journal comme beaucoup, mais cette femme menue est une patriote israélienne qui consacre une grande partie de sa vie à dénoncer les abus commis par les soldats de son pays sur les check points et à essayer d’atténuer une partie des souffrances des Palestiniens pris au piège par la bureaucratie de l’occupation.

"Les jeunes Israéliens ne veulent pas savoir ce qui se passe sur l’autre côté du mur, ce que font leurs soldats ne les intéressent pas. Moi, oui. C’est mon pays, ce sont mes impôts, c’est notre avenir. L’occupation me fait honte."

Elle se considère comme une vraie sioniste qui désire vraiment un pays juste
Les postes de contrôle militaires pour lesquels Barag se démène sont les mêmes que la communauté internationale a condamné, parce que, disent-ils, ils minent le développement économique des Palestiniens et limitent l’arrivée de l’aide humanitaire, selon une plainte récente de l’Union européenne il y a juste un mois . Le gouvernement israélien les considère, comme essentiels à la sécurité d’un État qui vient de se fêter ses 60 ans et qui dans sa maturité réfléchit à sa survie.
Barag est juive et d’origine allemande.

La plupart de sa famille a réussi à échapper à l’horreur nazie et s’est installée en Israël émue par le projet sioniste. Certains, comme ses oncles, n’ont pas réussi à fuir et ont terminé leurs jours à Auschwitz. Elle est née et a grandi en Israël, où la menace a été différente, des attaques palestiniennes vécues de trop près (une fois, un kamikaze a laissé la charge explosive dans le jardin de sa maison à Jérusalem). Mais même vivre sous la menace lui a fait perdre le nord, parce que Barag est de celles qui pensent que les raccourcis pour appliquer la loi ne fonctionnent pas.

À 8h00, Barag est déjà au deuxième poste de la route qui a été identifié. C’est celui qui contrôle l’entrée dans la ville palestinienne de Naplouse. Là, hommes, femmes et enfants s’entassent comme du bétail dans les couloirs de barbelés. À la fin de ces tunnels, les soldats contrôlent les papiers des Palestiniens et décident s’ils les laissent passer. Les travailleurs sortent du contrôle avec la carte dans la bouche, les bottes pleines de plâtre et à moitié habillés. Ils se recoiffent et continuent leur long périple jusqu’à l’échafaudage.

Barag, maigre et vêtue de pantalons à festons avec des fleurs et des chaussettes blanches impeccable, observe et note tout dans son carnet. Un garçon au tee-shirt vert s’installe dans la queue de l’autre côté du contrôle. Il lui faut une heure pour passer.

Les postes de contrôle sont devenus des microcosmes avec une vie propre dans lesquels les femmes accouchent, les gens s’agenouillent pour prier, on dort dans la file d’attente sur des cartons dans l’attente de l’aube et où naissent des amitiés et des querelles dues à la tension de l’attente et à l’urgence de parvenir à temps au travail.

Postée à la sortie de l’un d’eux, Barag reçoit des menaces d’un soldat. "Sortez d’ici, je vais immédiatement appeler la police." Elle ne bouge pas. Elle connaît les règles sur le bout des doigts et sait où elle peut être ou pas. Elle n’a pas peur des soldats et ne tient pas compte de leurs cris comme "retourne dans ta cuisine, grand-mère." Son travail est un travail de fond.

À ce stade, après sept ans passés à parcourir les territoires occupés, Barag a établi des relations avec tous les secteurs de l’armée. Ils reçoivent ses plaintes et elle leur demande également des faveurs, en laissant passer des centaines de Palestiniens qui ont recours à elle pour assister à leur propre mariage, pour accoucher dans un hôpital ou même pour mourir à la maison. Parfois, un miracle se fait et ils l’écoutent parce que, après tout, elle est une des leurs, elle parle leur langue et pourrait être leur mère, en exigeant d’eux un bon comportement.

Barag, comme ses 500 compagnes de l’organisation qui Machsom Watch soumettent chaque jour les soldats des postes de contrôle de toute la Cisjordanie à leur regard, elles ne correspondent pas au profil classique d’activistes. Ce sont des femmes âgées, plutôt de classe moyenne et de haute qualification académique.

Professeurs, chimistes et médecins, constituent cette armée de vérificateurs des droits de l’homme à qui le bon sens et le désir de vivre dans un pays meilleur tient à coeur . Par conséquent, Barag rit de ceux qui la considèrent comme une gauchiste dangereuse. Elle se considère comme une vraie sioniste qui désire une pays juste, en accord avec les valeurs que dicte la foi juive.

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20 aoû 2008 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elpais.com/articulo/ulti...
Traduction de l’espagnol : Charlotte


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