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La forte croissance de la population arabe met Israël en état d’alerte

samedi 9 août 2008 - 23h:27

Ana Carbajosa - El Païs

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Les derniers chiffres ont mis en alarme toute la classe politique israélienne, ce qui a conduit Olmert et beaucoup d’autres à imaginer la création d’un Etat palestinien non pas comme un cadeau, mais comme condition de survie du projet sioniste.

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Est-ce la raison pour laquelle les enfants Palestiniens sont régulièrement la cible de la politique criminelle de l’état israélien dans les Territoires Occupés ? - Photo : Reuters

Le premier ministre israélien, Ehud Olmert, s’en va. Dans quelques mois, il quittera le gouvernement, poussé vers la sortie par un des nombreux scandales de corruption qu’il accumule. Olmert s’en va, mais subiste la conviction qu’Israël ne sera pas un État viable le jour où les Palestiniens seront la majorité à l’intérieur de ses frontières comme dans les Territoires Occupés. Les hommes politiques en lice pour succéder à Olmert partagent la conviction que les projections démographiques, qui mettent en évidence la forte croissance de la population arabe et en même temps une baisse du nombre d’immigrants juifs, devront dicter les politiques à adopter dans cette région du monde, y compris la création d’un État palestinien.

Dans l’aspect démographique, comme presque partout, Israël est un cas unique. C’est un pays qui en 60 ans a multiplié sa population par cinq. On compte aujourd’hui un peu plus de sept millions d’habitants, contre les 650 000 qui y habitaient en 1948 lorsque l’État a été créé. La croissance rapide a été rendue possible par un taux de natalité élevé et par le débarquement de trois millions d’immigrants juifs.

Le changement qui se profile pourrait être tout aussi rapide, seulement cette fois-ci, à l’encontre des intérêts du projet sioniste, selon les mises en garde des démographes et selon ce que commencent à montrer les statistiques. D’une part, les juifs sont de moins en moins nombreux à faire leur aliya (le rassemblement des exilés dans leur patrie), ou alors ils émigrent d’Israël : 2007 a été la première année depuis 1989 où le nombre d’émigrants juifs n’a pas dépassé les 20 000 .

D’autre part, la population arabe, tant à l’intérieur des frontières de l’État d’Israël que dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, a eu une croissance deux fois plus rapide que la population juive, selon les données traitées par Sergio Della Pergola, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem et qui est une autorité en la matière. Ces données mettent en évidence que les familles juives ont en moyenne 2,7 enfants, alors que la moyenne des Palestiniens tournent autour de 4. « Dans une vingtaine d’années, la population arabe vivant en Israël atteindra 30% [contre 20% aujourd’hui]. Une nation avec une minorité de 30% n’est plus une société unifiée, mais binationale », explique Della Pergola.

Mais les politiciens israéliens sont préoccupés par les statistiques qui concernent non seulement les tendances démographiques à l’intérieur des frontières de l’État d’Israël, mais aussi dans les 28 000 kilomètres carrés séparant la Méditerranée du Jourdain ou en d’autres termes, la Palestine du Mandat britannique. « Si nous ajoutons la population de Gaza et la Cisjordanie au million et demi d’Arabes qui vivent en Israël, et le comparons au nombre de juifs israéliens, la différence est minime. Mais si l’on tient compte de la rapidité avec laquelle la population arabe augmente, ils seront bientôt plus nombreux », ajoute Della Pergola.

Ce sont ces chiffres qui ont mis en alarme toute la classe politique, à gauche comme à droite, et qui a conduit beaucoup d’entre eux, y compris Olmert, à imaginer la création d’un Etat palestinien non pas comme un cadeau, mais pour la survie du projet sioniste. En effet Olmert affirme que le jour où le nombre des Arabes sera supérieur à celui des juifs, l’existence même d’Israël sera en danger. « Si arrive le jour où la solution des deux États [un israélien et un palestinien] échoue, et que nous sommes obligés de faire face à une lutte pour l’égalité des droits dans le style de l’Afrique du Sud, ce jour-là l’État d’Israël sera mort », a déclaré Olmert à Washington après la conférence d’Annapolis qui devait déboucher sur la création d’un État palestinien. Yossi Beilin, du parti de gauche Meretz, partage cette vision avec Olmert. « Une minorité de Juifs qui domine une majorité palestinienne, ce serait comme l’ex-régime sud-africain. Le monde ne le tolérerait pas. »

Les candidats à la succession d’Olmert analysent aussi le conflit au Moyen-Orient à travers le prisme démographique, mais ils proposent des solutions très différentes.

« Pour les trois [Tzipi Livni, Netanyahu et Shaul Mofaz] c’est une question cruciale », a déclaré Arnon Soffer, le prophète de « la menace démographique arabe », Professeur en géostratégie à l’Université de Haïfa. Les trois hommes politiques ont défilé dans ses cours et se sont laissés imprégner par ses prédictions, indique Soffer.

Nétanyahou à la tête du Likoud d’extrême-droite et en tête selon certains sondages, l’a sollicité à nouveau pour le consulter sur la question, selon le professeur. Pour Netanyahou, contrairement à Olmert ou Livni, la préoccupation démographique ne l’amène pas à défendre la nécessité de la création d’un Etat palestinien dans les plus brefs délais. Au contraire, des sources proches du candidat ultra-conservateur ont expliqué que « bien que les données démographiques soient une question critique, il pense qu’il est impossible de parvenir à un accord avec les Palestiniens dans les circonstances actuelles, avec le Hamas au pouvoir à Gaza. » Mais on soupçonne des mesures visant à empêcher les Arabes israéliens de diluer la nature juive de leur pays.

Mais si une grande partie de la classe politique israélienne est si pressée de voir aboutir un accord conduisant à la création d’un Etat palestinien, ou au moins de fixer quelques frontières définitives, pourquoi les faits sur le terrain, comme l’expansion des colonies, vont-ils dans le sens opposé ? Parce que comme l’explique Calev Ben-Dor, un analyste de Reut, un groupe de réflexion de Tel-Aviv, « une chose est de vouloir un Etat palestinien et une autre est qu’il y ait un consensus sur ce que les frontières doivent être, de ce qu’il faut faire de Jérusalem ou avec les réfugiés. » Et conclut Beilin : « Tout le monde sait que le statu quo n’est pas viable et que nous devons aller vers le partage, la question est de savoir si nous avons des dirigeants disposés à le faire. »

La chasse à l’émigrant

L’Agence Juive est chargée de recruter les Juifs dans le monde et de les amener en Israël. Ils viennent pour réaliser leur rêve religieux, sioniste ou tout simplement pour améliorer leur situation financière. La loi du retour leur permet d’émigrer en raison de l’histoire familiale juive, et d’obtenir un certain nombre d’avantages, parmi eux la citoyenneté, les cours d’hébreu gratuits, un logement temporaire ou 15 000 US dollars (9700 euros) dans le soi-disant « panier d’intégration ».

Par le passé, le projet a très bien réussi pour trois millions de juifs qui ont fini par s’installer en Israël. Le problème se pose aujourd’hui, la plupart des Juifs dans le monde vivant dans des pays où ils ne se sentent pas menacés et où ils bénéficient d’un bon niveau de vie.

La solution était un moment en Russie. L’ex-Union soviétique a été la plus grande réserve de juifs dans le monde. En 1990, avec l’effondrement politique les portes se sont ouvertes et, depuis lors, un million de soviétiques se sont installés en Israël. Mais chaque année, il y a un millier de russes en moins que l’année précédente. "Le niveau de vie en Russie s’est beaucoup amélioré et c’est la raison pour laquelle les juifs du pays ont moins d’intérêt à venir, » explique Michael Jankelowitz, porte-parole de l’Agence Juive.

Par conséquent, ils ont décidé de se tourner vers les États-Unis, pays qui a la plus grande communauté juive dans le monde et qui bénéficie d’un bon niveau de vie, et où il y a de nombreux candidats à l’émigration pour des motifs religieux. Pour séduire les juifs américains afin de compenser la baisse d’entrée des russes, l’Agence Juive a lancé des campagnes par voie terrestre, maritime et aérienne.

L’un de ses programmes invite chaque année 10 000 enfants américains à passer un semestre dans une université israélienne avec l’idée que certains d’entre eux finiront par s’y installer de manière permanente. Ils envoient également en camps d’été 1500 jeunes appelés « émissaires » de l’autre côté de l’Atlantique pour que « depuis une perspective sioniste ils expliquent le rôle que joue Israël dans leur vie », dit Jankelowitz.

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6 août 2008 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction de l’espagnol : Charlotte


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