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Casser les règles du jeu

mercredi 11 juin 2008 - 06h:27

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

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Le Hamas est à l’offensive dans Gaza, essayant d’imposer la fin du blocus alors que les conditions paraissent plus favorables, écrit Saleh Al-Naami.

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Une fillette palestinienne tient la photo d’un de ses parents emprisonnés dans une prison israélienne, pendant une manifestation devant les bureaux de la Croix-Rouge à Gaza - Photo : AFP

Yuav Galant, le général israélien commandant l’armée pour la zone sud était chez lui pour assister à une fête de famille dans l’après-midi de vendredi dernier lorsque ses superieurs lui ont demandé de retourner immédiatement au sud de la bande de Gaza. En effet, des dizaines de milliers de partisans du Hamas s’avançaient vers le poste-frontière commercial de Sufa à la frontière entre Gaza et Israël pour protester contre le blocus. La direction de l’armée israélienne ne voulait prendre aucun risque, traitant la situation comme si les manifestants voulaient franchir la frontière. Des milliers de soldats ont été appelés pour un déploiement le long de la frontière sous la protection d’hélicoptères Apache et d’avions sans pilote.

Les chefs de l’’armée israélienne ont confirmé que bien que le Hamas ait menacé plusieurs fois de se rendre à la frontière et de tenter de la franchir, ils ne s’attendaient pas à ce qu’il puisse réussir à organiser une si grande manifestation à seulement 500 mètres de la frontière dans un secteur considéré comme très sensible — en raison de sa proximité avec plusieurs colonies israéliennes à l’est. Bien que la manifestation ait été stoppée, le message est passé et l’armée israélienne a commencé à prendre au sérieux les menaces du Hamas de forcer le passage. Récemment, la direction du Hamas avait fait savoir que puisqu’elle acceptait l’initiative égyptienne pour une trêve, cela lui donnait le droit « de tout faire » pour faire lever le siège contre Gaza. Les menaces des dirigeants du Hamas indiquent que le mouvement n’a pas abandonné l’idée de forcer la frontière égyptienne, ni d’intensifier les activités armées contre Israël. Mais le Hamas préfère à ce stade que ses menaces poussent le Caire à être plus persuasif vis-à-vis de Tel Aviv pour que soit levé le blocus de Gaza.

Yehia Moussa, directeur adjoint du bloc du Hamas au Conseil Législatif Palestinien, estime qu’en préparant un futur mouvement vers la frontière avec l’Egypte, le Hamas en viendra à considérer l’Egypte et le Président palestinien Mahmoud Abbas comme des complices dans l’imposition du siège contre le peuple palestinien. Ce sera le cas, dit-il, si ceux-ci ne s’activent pas pour la réouverture de la frontière de Rafah après que le Hamas et d’autres organisations de la résistance aient accepté l’initiative égyptienne pour une trêve. Dans les informations fournies à Al-Ahram Weekly, Moussa a indiqué qu’après que le Hamas et d’autres factions palestiniennes aient accepté l’initiative égyptienne pour aller dans le sens des intérêts nationaux palestiniens, la poursuite du siège signifierait l’annihilation du peuple palestinien. Moussa a indiqué aussi que le Hamas avait montré « de hauts degrés de flexibilité » en acceptant l’initiative arabe, et que c’est son droit et son devoir d’ ?uvrer par tous les moyens pour casser le siège imposé aux Palestiniens.

« Personne ne devrait nous blâmer de prendre des initiatives dans toutes les directions pour briser le siège. Toutes les options sont ouvertes dans notre combat national et moral pour casser le blocus. Personne ne devraient s’attendre à ce que nous acceptions la sentence de mort placée sur nos têtes sans que nous réagissions, » dit-il encore. Moussa insiste sur le fait que la frontière de Rafah est une frontière palestino-égyptienne, comme l’Egypte l’a reconnu, et qu’elle peut être rouverte par un simple accord entre le gouvernement égyptien et le président Abbas. N’importe quelle partie qui continuerait à bloquer la frontière alors que les organisations palestiniennes ont accepté l’initiative égyptienne pour une trêve « s’entend et conspire avec Israël pour détruire le peuple palestinien et faire dispaarître sa cause nationale, » explique Moussa.

Moussa soutient qu’il n’est pas concevable que la nation arabe reste les bras croisés alors que le peuple palestinien souffre et est menacé de destruction, parce qu’il ne peut pas vivre dans de telles conditions. D’autres dirigeants de Hamas abondent dans le même sens. Moussa indique que le chef des services de renseignements égyptiens, Omar Suleiman, a promis plusieurs fois aux responsables du Hamas que l’Egypte rouvrirait unilatéralement Rafah si Israël rejetait l’initiative égyptienne.

Mahdi Abdul-Hadi, président de la Palestinian Academy for Policy Studies basée à Jérusalem, propose une explication à la mobilisation du Hamas. Il pense que le Hamas n’a d’autre choix que d’abattre toutes ses cartes, parce que il n’a rien à perdre tant que le siège qui l’étrangle se poursuit. Mais Abdul-Hadi explique également qu’à travers sa récente mobilisation, le Hamas essayait de bénéficier de développements internationaux, régionaux et nationaux, non seulement pour faire lever le siège contre Gaza mais pour gagner aussi la plus grande reconnaissance possible en procédant ainsi. Dans une entrevue avec le Weekly, Abdul-Hadi a expliqué que le Hamas a noté un recul dans l’influence américaine sur les évènements dans la région alors que Bush en est à sa 11e heure. En même temps, des acteurs régionaux sont intervenus pour éteindre les flammes dans la région de peur qu’elles ne s’étendent — comme cela a été le cas récemment à Doha, en solutionnant la crise libanaise dans un sens contraire aux intérêts déclarés du gouvernement des États-Unis.

Abdul-Hadi met en évidence que plusieurs développements régionaux ont fait comprendre au Hamas jusqu’à quel point le rôle des USA a perdu en influence. L’un de ces développements est l’intervention de la Turquie dans les contacts entre Israël et la Syrie, alors que l’administration Bush s’opposait fortement à l’idée que Tel Aviv reprenne des négociations avec Damas. Le Hamas a également noté un début de rapprochement saoudien-iranien, manifesté par la décision de bientôt tenir une réunion entre le roi saoudien Abdullah et le dirigeant iranien Hashimi Rafsanjani. Abdul-Hadi estime aussi qu’à travers sa mobilisation, le Hamas veut capter l’attention des puissances régionales, qu’il s’agisse d’alliés ou non, pour leur rappeler qu’ils doivent contribuer à résoudre la crise due au siège à l’encontre de Gaza. En insistant sur son accord par rapport à l’initiative du Caire, le Hamas veut faire passer le message selon lequel la prochaine étape que Caire doit appliquer est de rouvrir la frontière de Rafah.

Abdul-Hadi pense que le Hamas est également attentif aux évolutions dans l’arène israélienne, qui déborde de contradictions et spécialement depuis la révélation de l’affaire de corruption dans laquelle a trempé le premier ministre israélien Ehud Olmert. De nombreuses indications suggèrent que sa carrière politique est sur le point de se terminer. Abdul-Hadi indique aussi que le Hamas a commencé à réaliser que les considérations personnelles des responsables israéliens — à ce stade en particulier — étaient parmi les facteurs les plus importants en ce qui concerne la situation palestinienne. En intensifiant les activité de la résistance contre Israël, le Hamas veut faire comprendre aux responsables israéliens qu’il est en mesure d’influencer les discussions à l’intérieur d’Israël et placer les chefs israéliens dans des positions compromettantes. Il veut prévenir les dirigeants israéliens à l’égard d’une escalade militaire aux résultats incertains, et suggérer qu’il vaudrait mieux pour eux accepter l’initiative égyptienne et mettre fin au siège.

Toujours selon Abdul-Hadi, le souhait du public israélien pour le calme et la fin des tirs de missiles sont un élément supplémentaire de pression sur les dirigeants israéliens pour qu’ils acceptent l’initiative égyptienne et mettent fin au siège. « Le Hamas a noté avec intérêt la mobilisation dans le Fatah et les appels par plusieurs de ses responsables pour cesser les négociations avec Israël et revenir à un dialogue avec le Hamas. »

Pourtant de tels paris ne sont pas garantis.

L’administration Bush, et en particulier vers la fin de son mandat, peut soudainement prendre des mesures vers créer une atmosphère régionale qui rende difficile pour le Hamas d’atteindre ses objectifs. En même temps, il est difficile d’anticiper les résultats du rapprochement iranien-saoudien. Il n’y a pas non plus de garantie que l’escalade des opérations militaires de la part du Hamas contre Israël ne conduira pas ceux qui sont aux commandes à Tel Aviv à augmenter leurs attaques contre Gaza et contre le Hamas en particulier.

Du même auteur :

- Gaza condamnée à la mort lente
- Gaza : au-delà du désespoir
- Une aube nouvelle ?
- Ténèbres, famine et mort imminente

7 juin 2008 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/900...
Traduction : Claude Zurbach


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