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Une aube nouvelle ?

lundi 4 février 2008 - 23h:00

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

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Les murs se sont effondrés, ainsi que les lignes rouges tracées par Israël et l’Autorité Palestinienne, écrit Saleh Al-Naami depuis Gaza.

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Les Palestiniens de Gaza transportent des marchandises qu’ils ont achetées dans Rafah du côté égyptien de la frontière.

Tassés l’un sur l’autre dans un taxi circulant entre Rafah à Arish, 15 Gazaouites ont réussi à se mettre d’accord au moins sur quelque chose : que les événements à la frontière entre l’Egypte et Gaza ont confirmé que la première condition pour aller de l’avant était le dialogue inter-palestinien, avec pour objectif d’aboutir à un consensus national basé sur les solutions devant résoudre tous les problèmes des Palestiniens. Si un tel dialogue avait existé par le passé, les habitants de Gaza ne se seraient pas retrouvés si isolés, sans aucune issue si ce n’est de briser [la frontière] comme ils l’ont fait.

« Israël maintient la frontière fermée parce que les forces de sécurité d’Abbas [le président de l’Autorité Palestinienne] ne sont pas à Gaza, mais Abbas n’est pas intéressé à résoudre ce problème parce que ce qu’il veut, c’est faire pression sur le gouvernement du Hamas, » nous explique Mohamed Al-Shahid, un dentiste en route pour Arish dans l’espoir d’acheter les produits dont il a tant besoin pour sa clinique privée. Zaher Khalil en convient également. C’était le moment pour Abbas de faire diminuer les pressions exercées sur l’Egypte en annonçant sa volonté de parvenir à un accord entre le Fatah et le Hamas sur la question de la frontière.

Beaucoup de Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza considèrent le fait d’avoir forcé la frontière à Rafah comme une victoire sans réserve pour le Hamas et comme le début de la fin de la stratégie israélienne de blocus contre les Palestiniens. Maamoun Al-Tamimi, un écrivain et économiste palestinien vivant à Jérusalem, est persuadé que la balle est maintenant dans la camp d’Abbas. « Les Palestiniens sont massivement bien disposés à l’égard du Hamas après ce qui s’est produit, et ils soutiennent les initiatives prises le long de la frontière avec l’Egypte et qui ont causé un embarras considérable dans le leadership palestinien dirigé par Abbas, » explique-t-il.

Même quelqu’un d’aussi étroitement lié à Abbas que l’universitaire Mahdi Abdel-Hadi ne peut qu’approuver. La rupture de la frontière entre Gaza et l’Egypte, dit-il, a affaibli Abbas non seulement dans Gaza mais aussi bien en Cisjordanie. Le rédacteur du journal pro-Fatah Al-Bayadir Al-Sayasi a tiré la même conclusion et a ajouté que la seule façon pour Abbas de sortir de cette fâcheuse situation était d’entamer un dialogue avec le Hamas aussitôt que possible.

Le signal le plus évident que beaucoup de dirigeants du Fatah ont compris la leçon est la récente mise sur pied de divers comités unitaires de base en vue de créer un climat favorisant la réconciliation nationale. D’ailleurs, plusieurs responsables du Fatah dans Gaza ont accepté de participer à des entrevues sur la chaîne d’information satellite Al-Aqsa dirigée par le Hamas, malgré le fait que le gouvernement de Salam Fayyad ait explicitement prévenu que toute coopération avec cette chaîne était considérée comme une agression susceptible d’être punie.

Dans un effort pour stopper l’érosion de leur popularité, Abbas et le reste de la direction du Fatah essayent actuellement de convaincre Israël de rouvrir la frontière de Rafah conformément à l’accord parrainé par les Etats-Unis et conclu entre Israël, l’Autorité Palestinienne (AP) et l’Union Européenne en 2005 puis suspendu après la prise de contrôle de Gaza par le Hamas en juin dernier. Israël est jusqu’ici peu disposé à satisfaire cette demande, insistant sur le fait que l’accord devait être modifié de façon à prévoir une présence israélienne à la frontière. Le Hamas insiste également pour que l’accord soit modifié, mais pour que soit prévu un contrôle exclusivement égypto-palestinien au passage frontalier.

En dépit de la forte pression de l’opinion, Abbas refuse toujours de reprendre un dialogue avec le Hamas — quelque chose qu’Israël rejette catégoriquement. Lundi, Haaretz a signalé que lors de sa dernière réunion avec Abbas, le premier ministre israélien Ehud Olmert avait insisté sur son opposition à tout entretien entre l’AP et le Hamas. Le journal citait une source qui était présente à cette réunion et qui faisait aussi savoir qu’Abbas s’était immédiatement plié aux exigences d’Olmert.

Le Hamas a néanmoins clairement tiré profit des événements récents qui impliquent nécessairement un affaiblissement de la position d’Abbas. Selon Yuram Kidar, un expert en matière de relations palestino-israéliennes à l’université Bar-Ilan, « ce qui s’est produit est la preuve de l’effondrement de la stratégie de blocus, le gouvernement israélien ayant imaginé pouvoir provoquer le renversement du gouvernement du Hamas. Ceci signifie que le gouvernement du Hamas restera au pouvoir, à côté de nous et pour un temps très long. »

Peut-être qu’en réaction, quelques responsables politiques et militaires israéliens ont cru voir ici l’occasion de faire la promotion d’une « nouvelle » solution qui n’est en réalité pas nouvelle du tout. Leur idée serait qu’Israël se débarrasse de la responsabilité de la fourniture des besoins essentiels des Palestiniens de Gaza en forçant l’Egypte à assumer un contrôle administratif du territoire. L’ex-président du Conseil National de Sécurité, le général israélien Giora Eilan a fait cette supposition. Israël,dit-il, devrait cesser ses livraisons vers Gaza de tous les carburant et autres nécessités économiques, et effacer Gaza de l’accord douanier qui oblige Israël à permettre aux négociants de Gaza d’importer et exporter leurs marchandises par l’intermédiaire des ports israéliens.

Mais il n’est pas aussi facile pour Israël d’abandonner ses responsabilités. La plupart des spécialistes juridiques israéliens interviewés dans les médias conviennent qu’Israël, comme force d’occupation, est obligé en vertu de la loi d’humanitaire internationale de fournir les besoins essentiels aux habitants de Gaza. L’argument selon lequel Israël « s’est unilatéralement désengagé » de Gaza ne tient pas la route. Comme l’a précisé le général Yom Tov Samiah, ancien chef de l’armée d’occupation pour le secteur sud, les opérations militaires permanentes dans Gaza fournissent la preuve à la communauté internationale qu’Israël maintient — ou tente de maintenir — son contrôle militaire sur Gaza.

D’autres responsables israéliens ont suggéré une autre solution, qui est de construire un mur de béton le long des frontières entre Gaza, l’Egypte et Israël. Ils argumentent en disant que ceci entraverait la capacité des Palestiniens à faire venir des armes de l’Egypte vers Gaza ou de s’infiltrer en Israël. Un de ces responsables, le secrétaire d’État à la défense Matan Valnai, a proposé que l’Egypte soit impliquée dans la construction d’un tel mur, mais en ajoutant qu’il nécessiterait la destruction de centaines de maisons des deux côtés de la frontière de Rafah. Ron Ben Yishai, correspondant militaire sur Ynet, un site Web israélien bien informé, laisse entendre qu’Israël devrait intensifier ses activités d’espionnage dans le Sinai « de sorte que nous ne soyons pas pris au dépourvu par des éléments dont nous n’aurions pas tenu compte. »

Mais pour sa part, Haaretz a mis en garde contre toute action qui pourrait provoquer l’Egypte. L’état de paix avec l’Egypte est stratégiquement des plus importants pour Israël et ne doit pas être manipulé, dit le journal dans son éditorial de dimanche. « La sécurité de centaines de milliers d’Israéliens dépend des bonnes intentions de l’Egypte, » avertit encore le journal, ajoutant qu’Israël devrait permettre à l’Egypte d’assurer les besoins de base des Palestiniens de Gaza. L’éditorial conclut en disant que ce qui s’est produit à la frontière entre Gaza et l’Egypte n’était pas simplement une infraction dans un mur, mais « un changement de stratégie qui a laissé nue la politique israélienne. »

Zvi Barel, analyste des questions arabes dans Haaretz a fait une remarque semblable. La politique israélienne consistant à pousser les Palestiniens à se rebeller contre le Hamas a échoué, écrit-il. « La théorie selon laquelle il est possible de contrer le terrorisme en parquant une région géographique entière derrière un mur s’est effondrée, » explique-t-il. « La politique qui a cherché à pousser à la désobéissance civile contre la direction du Hamas s’est effondrée et le monopole qu’Israël s’était octroyé sur le processus de paix est tombé en poussière. Maintenant il sera bien plus difficile pour le partenaire palestinien d’entrer dans des négociations avec Israël. »

Barel a estimé la position actuelle d’Abbas particulièrement « pitoyable » — « à plus forte raison lorsque le président palestinien déclare qu’il n’est pas possible de mener des négociations à la lumière de la situation dans Gaza, comme s’il y avait même un début de négociations en cours ! » dit-il.

Quelques responsables israéliens ont commencé à préconiser ouvertement d’entrer en pourparlers avec le Hamas. Shamoun Shafer, commentateur politique de Yediot Aharonot, a observé dimanche dernier qu’à un moment où Olmert demande à Abbas de ne pas discuter avec le Hamas, un certain nombre d’officiels israéliens ont commencé à examiner la possibilité d’entamer un dialogue avec le mouvement de la résistance palestinienne afin de parvenir à un accord sur les attaques par fusées depuis Gaza vers Israël, sur la fin du blocus et le sort de Gilad Shalit, le soldat israélien retenu prisonnier.

Aussi ironique que cela paraisse, les Palestiniens se rendent compte que ce ne sont pas des entretiens entre le Hamas et Israël qui sont nécessaires, mais plutôt entre le Hamas et Abbas. Ils se rendent également douloureusement compte qu’à la lumière des positions actuelles des deux côtés, il faudra une puissante force de persuasion venant d’un parti Arabe tiers pour obliger les deux camps à s’asseoir à la même table et à trouver une formule pour une réconciliation nationale complète.

Du même auteur :

- Ténèbres, famine et mort imminente
- Abattre les murs de la prison
- Feu vert américain pour de nouvelles atrocités
- Frappe sur tel Aviv

1° février 2008 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/882...
Traduction : Claude Zurbach


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