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Abbas a besoin d’un miracle

samedi 8 mars 2008 - 06h:26

Ramzy Baroud

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Le temps joue contre le premier ministre israélien Ehud Olmert et le président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas.

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Mahmoud Abbas

Bien que les deux hommes soient encore engagés dans leur entreprise risquée de vouloir marginaliser le Hamas à n’importe quel prix, l’inflexibilité de ce dernier et les événements récents dans Gaza amènent à la conclusion incontestable que l’entreprise était condamnée dès le début.

Pour Olmert la question démographique demeure. Il a déclaré au quotidien israélien Haaretz dans une entrevue publiée en novembre 2007 que s’il n’acceptait pas un état palestinien indépendant, Israël « ferait face à une lutte sur le modèle sud-Africain pour le droit de vote égal pour tous, et dès que cela se produira, l’état d’Israël disparaîtra ». L’analogie avec l’Apartheid n’est bien sûr pas une nouveauté. Les responsables sud-Africains eux-mêmes ont été les premiers à faire la comparaison et le passé israélien de collaboration avec les gouvernements sud-africains de l’infâme Apartheid n’est pas un secret non plus.

Mais mis à part le réveil brutal programmé pour Olmert, c’est surtout à Mahmoud Abbas que les options font défaut. À la différence d’Olmert, Abbas n’a aucun pouvoir réel ni même mesurable. D’abord sa popularité parmi ses propres concitoyens n’a jamais été élevée. Les conflits passés avec le défunt président de l’Autorité Palestinienne Yasser Arafat durant les premières années de l’Intifada ont fait paraître Abbas comme un opportuniste peu fiable.

Le défunt professeur Edouard l’avait une fois qualifié de « modérément corrompu ». Le formidable intellectuel qu’était Edward saïd est mort avant de voir Abbas, le corrompu modéré, impliqué à fond dans une attaque contre la démocratie, la liberté et tous les nobles principes pour lequels les Palestiniens ont toujours lutté. Je me demande ce qu’il aurait dit après avoir vu les habitants de Gaza souffrir au delà de l’imaginable tandis qu’Abbas et Olmert se réunissaient dans la résidence de ce dernier à Jérusalem, échangeant des mots doux et proclamant leur engagement indéfectible pour « la paix ».

Une photo publiée par le service de presse du gouvernement israélien a montré le 19 février les deux responsables sortant d’une autre réunion futile à Jérusalem, avec Olmert — sensible aux appareils-photo clignotant tout autour des deux hommes — tenant un parapluie à un Abbas tout à fait grimaçant. Cette scène digne d’une carte postale fait naturellement partie de la comédie permanente des entretiens pour la paix, des dates-limites et des prolongements donnés à ces dates-limites, des interruptions pour des querelles provisoires ensuite résolues par des délégués américains avant que ces entretiens ne reprennent.

Mais combien de temps Abbas et Olmert pourront-ils jouer une telle comédie ?

Pour Olmert, l’objectif et le moment de siffler la fin de la partie sont clairs : freiner jusqu’à ce qu’une « solution » puisse être finalisée et imposée aux Palestiniens. Ceci dépendant à Jérusalem et en Cisjordanie occupées de l’achèvement de la construction des colonies, du mur et du réseau de routes réservées aux seuls Juifs. Cependant, la faible position d’Olmert vis-à-vis du public israélien et la « menace démographique » mentionnée ci-dessus ne lui permettront pas de freiner indéfiniment. Mais avec le soutien américain sans réserve de la politique israélienne Olmert restera dans une position relativement sûre, indépendamment du candidat à la présidence pouvant gagner la Maison Blanche.

Difficile de dire la même chose au sujet d’Abbas. Son utilité pour Israël et par conséquent pour le gouvernement des États-Unis dépend entièrement de son niveau de « coopération », ce qui signifie surtout assurer la division palestinienne, combattre le Hamas, et rester un gage de la vision américaine de la région entière (vision dans laquelle les « modérés » se tiennent unis contre des « extrémistes » et des « réjectionnistes »).

Mais à la différence des autres « Arabes modérés », Abbas manque de tout pouvoir. Il « préside » une entité vivant dans la crainte, elle-même sous occupation militaire. Plusieurs de ses compatriotes l’accusent régulièrement de « trahison » ou au mieux, de « se vendre à l’extérieur ». Et par-dessus tout son parti tombe en lambeaux. Mohamed Dahlan se comporte déjà avec un air de président. Basé maintenant en Egypte, il a gagné un certain soutien, à travers de nombreux pourparlers, pour son projet de former un parti alternative au Fatah.

Pire encore, Mohamed Nazzal, une personne connue du bureau politique du Hamas basé à Damas a déclaré à Aljazeera le 19 février qu’en dépit de l’insistance par le Hamas que Marwan Barghouti (un des premiers dirigeants du Fatah et qui est largement soutenu par la jeunesse du mouvement et profondément détesté par la vieille garde) soit inclus dans n’importe quel futur échange de prisonniers, Israël a supprimé son nom de la liste à la demande d’Abbas.

L’absence chez Abbas de toute vision politique significative incite également d’autres membres de son équipe à présenter des programmes politiques entièrement contradictoires avec le sien propre. Yasser Abed Rabbo, sécrétaire général du comité de direction de l’OLP a indiqué à Reuters dans une entrevue le 20 février (opinion qu’il a répétée à l’AFP et à la radio palestinienne de langue arabe) ce que les Palestiniens devraient envisager si les entretiens continuent à piétiner. « Si les choses ne vont pas dans la direction d’un réel arrêt de la colonisation, si les choses ne vont pas dans le sens de négociations permanentes et sérieuses, alors nous devrions franchir le pas et annoncer de façon unilatérale notre indépendance. »

Abbas a répondu que son intention était de continuer de négocier et qu’il était « optimiste et plein d’espoir. »

Il est difficile de voir d’où vient l’espoir d’Abbas. Il est dans une situation très précaire, non seulement dans sa relation sous condition avec Israël, les Etats-Unis et son propre parti, à domicile comme en dehors, mais avec le Hamas lui-même. Sa rhétorique au sujet des liens entre le Hamas et Al-Qaeda et les « forces de l’obscurité » a perdu en consistance, et il sait qu’il n’a aucun mandat pour s’attaquer à ses opposants. Mais il est de plus en plus clair au yeux du monde que l’isolement du Hamas signifie affamer et faire souffrir Gaza à une échelle de masse. C’est si extrême [cruel] que même les Européens en sont à repenser leur attitude vis-à-vis du Hamas considéré jusqu’ici par l’Union Européenne comme « terroriste ».

Si jamais Abbas voulait reconsidérer ses relations avec le Hamas, il serait laissé pour compte par Israël et les Etats-Unis et pourrait se retrouver la victime d’un coup de force fomenté par les hommes forts de son parti. S’il continue la comédie des entretiens sans fin et complètement futiles avec Israël, la patience de son peuple finira par s’épuiser. Au regard de tous ces éléments — qu’il s’agisse de la part de responsabilité d’Abbas dans la situation difficile que connait Gaza, de son legs antidémocratique ou de son incapacité à réunir son parti qui se désagrège — le président semble condamné à un scénario perdant-perdant et seul un miracle lui permettrait d’y échapper.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Fabriquer des réalités qui conviennent
- Le véritable miracle israélien...
- Gaza : le pouvoir du peuple
- Elections américaines : une superproduction hollywodienne

28 février 2008 - Communiqué par l’auteur - Vous pouvez consulter cet article à :
http://ramzybaroud.net/articles.php...
[Traduction : AIO - Info-Palestine.net]


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