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Des étudiants en uniforme et en arme

jeudi 6 décembre 2007 - 05h:22

Tamara Traubman - Ha’aretz

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Israël - « Le seul tort de Nizar Hassan est d’avoir pointé le phénomène grave de l’immixtion de l’armée dans la vie du campus ». Ainsi plaident les dizaines de professeurs signataires d’une initiative de soutien à un professeur qui a été suspendu par la commission de discipline.

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Nizar Hassan

Le cinéaste Nizar Hassan « est un créateur talentueux et courageux dont le seul tort est d’avoir tenté de préserver des valeurs civiles universelles et qui a, par son acte, pointé le phénomène grave de l’immixtion importante de l’armée dans la vie du campus » - ainsi plaident les dizaines de professeurs, juifs et arabes, qui ont signé une initiative de soutien au professeur qui a été suspendu et qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire pour avoir exigé d’un étudiant - alors en service comme réserviste - du collège académique « Sapir », à Sderot, de ne pas venir en classe, armé et en uniforme.

« Pour un professeur arabe qui ne s’identifie pas à l’armée israélienne et qui ne partage pas ce naturel avec lequel beaucoup d’entre nous acceptons, parmi nous, des gens portant une arme, il est aisé de comprendre que ce soit précisément quelqu’un comme lui qui demande à ce que l’on veille scrupuleusement aux nécessaires lignes de démarcation entre l’armée et le milieu académique, et qui nous rappelle, à nous tous, leur caractère essentiel. Ces lignes de démarcations sont indispensables à l’instauration d’un monde académique digne de ce nom », peut-on en outre lire dans la lettre des professeurs.

Les professeurs déclarent qu’ « il est difficile de croire que, sur des campus américains ou européens, on pourrait voir des soldats se rendre aux cours avec leur arme de combat. Le port d’armes par des étudiants est une expression concrète de ce qu’en Israël, l’importante distinction entre monde académique et militarisme s’est brouillée ». Selon eux, ce phénomène se manifeste « également par des études spéciales que les campus organisent pour les forces de sécurité, autrement dit l’armée, la police, la Sûreté générale (Shabak) et autres.

Il y a en Israël une tendance dangereuse à accepter l’entrée de l’armée dans des domaines qui ne sont pas les siens et il nous incombe, en tant que membre du monde académique, de marquer à nouveau la frontière qui a été franchie ». Les professeurs notent par ailleurs dans leur lettre qu’il est arrivé dans le passé, à des professeurs juifs, de faire sortir des auditoires des soldats en armes, mais « personne n’a alors mis sur pied de commissions de discipline ».

Il n’a pas expulsé l’étudiant de la classe mais lui a interdit de se rendre, à l’avenir, au cours en uniforme.

Nizar Hassan organise au collège Sapir un séminaire sur le cinéma documentaire et selon les premières informations publiées dans la presse, il aurait expulsé de la classe l’étudiant en uniforme. Il est apparu ensuite, sur base de témoignages d’étudiants, que le professeur avait effectivement dit à cet étudiant qu’on ne venait pas à son cours en uniforme et armé, mais qu’il avait ajouté qu’en raison du malentendu, il pouvait rester au cours. Il lui avait néanmoins demandé de ne plus venir en uniforme dorénavant. L’étudiant s’est rebellé et a tenté de répliquer mais Nizar Hassan l’a interrompu en lui disant qu’il lui permettrait de répondre au cours suivant, quand il viendrait sans uniforme.

A la suite de cet incident, une procédure disciplinaire a été ouverte contre Nizar Hassan et celui-ci a été suspendu par la direction du collège jusqu’à ce que la commission de discipline ait pris une décision à son sujet. La direction du collège a reçu des lettres la critiquant sur le fait d’engager des professeurs comme Nizar Hassan, notamment une lettre du Ministre Yakov Edery [du parti Kadima - ndt]. De même, le député Alex Miller [du parti Yisrael Beitenu - ndt] a exigé qu’il soit congédié. Jeudi prochain, une audience aura lieu et, s’il est jugé coupable, la commission pourra recommander une sanction pouvant aller du blâme jusqu’à l’arrêt de travail.

Le seul contrat au collège « Sapir » dans lequel a été introduit un paragraphe interdisant de mêler la politique au cours.

Au collège « Sapir », il n’y a pas de règlement disciplinaire et un haut responsable du collège a dit à « Haaretz » que la commission de discipline agira « conformément au propos très clair du président du collège et à l’éthique académique selon lesquels on ne fait pas entrer la politique dans les classes et on n’insulte pas un étudiant ». Dans le contrat d’emploi temporaire de Nizar Hassan, il est écrit, sur le ton de la mise en garde, qu’il ne doit pas mêler l’idéologie et la politique à ses cours. C’est le seul contrat au collège « Sapir », et aussi, jusqu’à plus ample informé, dans les autres institutions d’enseignement supérieur, où un tel paragraphe a été introduit.

Le président du collège, le professeur Zeev Tzahor, a dit à « Haaretz » qu’il considérait le cas avec « gravité ». « Nous nous trouvons dans une région où l’armée a une importance que l’on ressent quotidiennement. Nous encourageons les membres de l’armée à étudier chez nous et certains viennent en uniforme. C’est avec fierté que nous les voyons prêts à prendre de leur temps libre pour se rendre de la clôture de frontière aux auditoires. En aucun cas, nous ne permettrons leur expulsion des classes. »

Selon l’avocate Eti Livni, qui représente Nizar Hassan, « l’incident est gonflé hors de toutes proportions. Diverses instances interviennent sur la question afin de réaliser des gains politiques et médiatiques ». L’avocate a encore déclaré qu’on ne voyait pas clairment sur quelle base juridique la commission de discipline opérait.


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Tamara Traubman - Ha’aretz, le 2 décembre 2007
Traduit de l’hébreu par Michel Ghys


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