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Le militarisme dans la société israélienne - 2e partie

dimanche 6 mai 2007 - 12h:41

Haggai Matar

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Lire : Le militarisme dans la société israélienne (Première partie)

Beaucoup de critiques féministes expliquent que la militarisation de la société est particulièremet dommageable pour les femmes. Bien que le service militaire s’applique aussi aux femmes, les tâches habituellement confiées à ces dernières sont celles que l’on considère comme moins importantes et sont typiques d’une division du travail à la mode patriarcale.

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Apprendre à tuer...

Les femmes servent, pour la plupart, comme des commis, infirmières, « soldat-professeurs », et travailleuses dans le social - c’est-à-dire prendre soin des besoins des soldats. Ces fonctions subalternes dans la hiérarchie militaire représentent des obstacles dans les futurs déroulements de carrière des femmes, car ils leur manquent la séduction du « guerrier », et les bonnes relations avec les personnes aux bons endroits et qui ont plutôt des sentiments fraternels à l’égard des soldats mâles. Ceci caractérise leur socialisation dans leur rôle de femmes dans leur société, dans leur premiere contribution vis-à-vis de leur pays en tant qu’adultes.

Cependant, une autre répression est subie par les femmes dans l’armée. Selon la propre enquête de l’armée, 80% de soldats féminins subissent un harcèlement sexuel pendant leur service militaire.

C’est « un mécanisme de contrôle sur les femmes, un moyen de les confiner, de leur donner une sensation d’inconfort et de les inciter de ce fait à ne pas faire un pas en dehors des clous et à rester dans le petit espace qui leur est donné, » argumente Mazali.

Ceci arrive aux femmes à un moment délicat de leur vie, à l’âge de 19-20 ans, juste avant qu’elles ne commencent leurs vies civiles, et c’est avec cette expérience qu’elles quittent ensuite l’armée, alors que les hommes quittent l’armée avec un sentiment de force et de confiance en soi.

Mazali indique aussi que la militarisation appliquée aux femmes ne s’arrête pas là : « Des femmes sont forcées d’accepter une vie en tant que citoyennes au rabais. Elles sont mises sous une pression inégalée dans le monde occidental pour devenir des mères. Leur "vocation nationale" doit être de devenir les procréatrices et les éducatrices de la prochaine génération. »

En ce point-là les femmes deviennent non seulement les victimes de la militarisation, mais en deviennent également les vecteurs. « Bien que typiquement considérées comme étrangères au combat, les femmes sont en fait une partie cruciale de ce qui rend le combat possible, » dit Mazali. Les « femmes représentent la majorité des éducateurs, que ce soit comme professeurs dans les écoles ou comme mères, avec en général une relation plus constante avec les enfants. Ce rôle est central dans la manière dont les enfants apprennent à penser le monde et la façon dont celui-ci fonctionne. Pour que la militarisation se développe, les enfants doivent être de plus en plus persuadés qu’il y a une vraie menace, exigeant de vastes investissements dans l’armement et une priorité sur le plan social pour ceux qui s’occupent de la sécurité. Ils doivent également avoir comme idéologie le fait de considérer la guerre comme une chose raisonnable, » explique Mazali.

Quand on prend en considération l’immense effet qu’a la militarisation sur la société israélienne, on ne peut que se demander pourquoi, comment et quand un processus si dévastateur a pu commencer. Les réponses possibles à cette question marquent un trait entre deux parties très distinctes dans ce qui est connu comme étant la gauche israélienne.

La première partie de cette gauche se compose d’une majorité de personnes qui s’intitulent elles-mêmes « le camp israélien de la paix », pour la plupart des électeurs du parti travailliste ou du Meretz et des partisans du mouvement « la paix maintenant », qui ne parlent pas de la militarisation, ou y font référence juste en tant qu’un des résultats « de l’erreur historique » faite par Israël en 1967.

D’après ce point de vue, Israël était fondamentalement un état acceptable jusqu’à la guerre des six jours et l’occupation généralisée des territoires palestiniens, égyptiens et syriens. Ces personnes expliquent que les choses ont commencé à se détériorer lorsque les juifs de la droite fondamentaliste ont déterminé les objectifs politiques et ont lancé le projet criminel consistant à voler les terres et à coloniser les territoires occupés.

Selon l’idée dominante dans le « camp de paix », ceci est la première raison de tout ce qui a mal tourné depuis 1967. Ils affirment que la seule manière de stopper la dégringolade d’Israël et sa militarisation, est de démanteler les colonies et de quitter tous les territoires occupés en 1967. En fait , les gens soutenant cette opinion sont habituellement plus inquiets de la « politisation » des militaires, pensant généralement que cette politisation s’est peu à peu renforcée depuis 1967 à travers la militarisation de la vie politique.

L’autre partie de la gauche israélienne, généralement connue sous le nom de « gauche radicale », voit le concept même du sionisme comme étant à la racine de la militarisation. Rela Mazali explique ce point de vue de la façon suivante : « En 1948 la société juive était fondamentalement une société de colons, avec des raisons historiques de quitter l’Europe. Ces gens sont venus ici à la fin de l’époque colonialiste et au début d’un nouvelle période du nationalisme. Une société des colons doit par définition être militariste. Elle est faite de groupes limités en taille et séparés les uns des autres, établissant des colonies au coeur d’autres communautés qui n’ont aucune raison de vouloir partager quoi que ce soit avec les nouveaux venus. C’est pourquoi la militarisation a dû être à la base du sionisme, parce qu’elle a donné l’unique justification pour le contrôle des ressources en eau et de la terre appartenant à quelqu’un d’autre. »

Ces deux approches différentes dans l’analyse du militarisme sont typiques des différences entre la gauche radicale et la gauche sioniste (le camp de paix). Elles peuvent également expliquer pourquoi l’objection de conscience au service militaire se rencontre plus généralement parmi les radicaux, alors que les responsables les plus connus de la gauche sioniste sont souvent accrochés au mythe national d’une « armée populaire » dans laquelle il est important de servir « quelle que soit votre opinion politique ».

Avec ces deux analyses détaillées, nous avons une bonne vision de la façon dont le militarisme se perpétue dans la société israélienne. Nous avons vu comment le militarisme est de beaucoup de façons inséparable du sionisme, et donc aussi de la peur et du racisme, et aussi comment il est lié au néo-libéralisme.

La force de tout ce qui se lie à la militarisation et ses liens encore plus fort avec des politiques internationalement admises, peuvent amener à penser qu’il y a peu ou même aucune chance de s’opposer réellement à la militarisation. Il semble pourtant que la réalité est plus complexe que de telles simplifications théoriques.

Dans les années 90, et depuis lors - et peut-être paradoxalement pas sans relation avec le néo-libéralisme - le pourcentage des jeunes israéliens allant à l’armée n’a cessé de baisser et de façon sensible. Les évaluations officieuses, basées sur l’information très partielle concédée par l’armée, laissent entendre qu’environ 50% des israéliens non-Arabes ne s’enrôlent pas ou ne finissent pas la première année de leur service militaire. Seulement quelques-uns d’entre eux évoquent explicitement des raisons liées aux convictions politiques et à l’objection conscience, le plus généralement en réaction aux méfaits de l’armée dans les territoires occupés et au Liban.

Ce refus explicite a pour conséquence pour certains d’entre eux des peines de deux mois à deux ans prison.

La majorité, cependant, évite le service par des méthodes différentes, plus discrètes, qui sont en fait connues de tous. Quoique cette majorité soit généralement présentée dans les médias israéliens comme « égoïste » et « sans opinion » aussi bien qu’anti-militariste, les analystes considèrent cette faille dans le consensus comme très significatif. Il a été dit que bien que ce « refus discret », appelé ainsi par certains, soit silencieux et ne dit pas ses motivations, beaucoup de ces réfractaires se sentent détachés de l’état en raison du sentiment que l’état a lui-même abandonné ses responsabilités vis-à-vis des citoyens, que ce soit dans l’éducation, la santé, le bien-être social etc...

D’autres, comme Rela Mazali, indiquent que ces réfractaires « rejetent l’idée que l’état ne peut pas se faire sans eux, ou le concept même qu’il n’y a aucune autre voie que de se battre. Ceci apparait comme un défi face aux convictions des parents, des professeurs et des politiciens. »

Bien que toujours avec lenteur, avec des implications encore très faibles sur la façon dont la société fonctionne aujourd’hui, le changement progressif dans le recrutement peut à la longue se révéler être le début de la fin du militarisme en Israël.

28 avril 2007 - Palestine Times - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.times.ps/etemplate.php?id=5631...
Traduction : Claude Zurbach


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