A l’approche de la conférence d’Annapolis sur la paix au Moyen-Orient, Ha’aretz revient sur les accords de paix israélo-égyptiens signés en 1979. Au grand dam du quotidien israélien, il semble que les jeunes générations ne connaissent rien de cette réalité historique.

Les Israéliens ne courent pas les rues dans la ville du Caire. Ils ne sont qu’une centaine à résider dans la capitale égyptienne. Parmi eux figurent quelques dizaines d’employés de l’ambassade, qui ont pour consigne de taire leur pays d’origine. L’Egypte compte aussi quelques chefs d’entreprise israéliens. L’un d’entre eux dirige une société qui emploie 5 000 Egyptiens et permet indirectement à 10 000 autres de gagner leur vie. Mais ces entreprises ne tiennent pas à faire la une des médias.

Les jeunes Israéliens n’ont, pour leur part, pas le droit d’étudier au Caire. Une poignée d’étudiants israéliens possédant la double nationalité israélienne et américaine fréquente l’université américaine du Caire. La plupart sont ici dans le cadre d’échanges universitaires avec d’autres facultés américaines. Ainsi, les jeunes Egyptiens n’ont pas de contact avec les Israéliens, et les accords de paix entre ces deux pays ne sont pratiquement jamais évoqués en cours à l’école. Voilà pourquoi de nombreux étudiants ignorent jusqu’à leur existence.

L’autre jour, alors que je visitais le musée militaire du Caire dans la citadelle, un groupe d’écoliers d’Ismaïlia est passé à toute vitesse devant les vitrines de l’exposition.

Les écoles se rendent régulièrement au musée militaire le 6 octobre, jour anniversaire du début de la guerre de 1973. Il est fait mention dans le musée de la visite du président Sadate à Jérusalem en novembre 1977 et de la signature des accords de paix en 1979. Mais quand on admire les photos - l’impressionnante invasion israélienne par le canal de Suez -, il semble qu’Israël soit toujours l’ennemi. Les écoliers, assis dans l’obscurité, regardent des images retraçant la guerre : du sang, du feu, de la fumée, des avions de combat, des hélicoptères, des chars, un drapeau égyptien flottant au vent, un drapeau et des soldats israéliens gisant au sol. Devant ce spectacle, ils se montrent enthousiastes.

Un universitaire confirme que la paix ne fait pas partie des programmes scolaires. Selon lui, seuls les jeunes gens très intéressés par le sujet, qui suivent l’actualité de près, savent que leur pays a signé un accord de paix avec Israël. Et cela inquiète Shalom Cohen, l’ambassadeur d’Israël au Caire. Trente ans après la visite de Sadate à Jérusalem, souligne-t-il, il y a en Egypte toute une génération qui n’a jamais connu la peur de la guerre mais qui ignore aussi tout de la paix. "La guerre fait partie intégrante de l’histoire égyptienne, et c’est bien normal. Mais ce chapitre est incomplet. La paix avec Israël n’est pas un axe central du programme scolaire."

En tant qu’ambassadeur, Shalom Cohen assiste à de nombreuses manifestations culturelles comme le récent festival de musique classique arabe, où il s’est rendu entouré de gardes du corps qui l’isolaient du public. En revanche, il n’est pas invité aux événements auxquels assiste le reste du corps diplomatique du Caire. Et les médias ne lui demandent jamais d’entretien.

Mais l’ambassadeur ne laisse paraître aucune frustration. Les relations avec l’Egypte ne sont pas un sujet de préoccupation pour lui. Elles ont connu des hauts et des bas au fil des années, explique-t-il, mais un lien minimal a toujours été maintenu. "Le Premier ministre Menahem Begin, aujourd’hui disparu, disait que les troubles de la paix sont préférables aux affres de la guerre, rappelle-t-il. Ce n’est pas une paix froide. Il y a des sujets sur lesquels le dialogue est très bon."

Yoav Stern

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Yoav Stern - Ha’aretz (via le Courrier international), le 23 novembre 2007
Version anglaise : In Egypt, only inquiring students know about the peace deal with Israel