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Israël, une société malade de sa minorité

samedi 17 novembre 2007 - 07h:44

Moshe Zimmerman - Ma’ariv

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Le fait qu’une majorité de Juifs israéliens souhaitent voir leurs concitoyens arabes émigrer est la preuve, selon l’historien Moshe Zimmerman, d’un profond déficit démocratique de la société.

Comme à chaque fois, on pousse des cris de stupeur. Voilà où nous en sommes : la majorité juive soutient ce que l’on appelle par euphémisme “l’encouragement à l’émigration” de la population arabe du pays, ces centaines de milliers de citoyens israéliens qui constituent la minorité non juive. L’Institut israélien de la démocratie veut nous “vendre” comme un scoop le fait que deux Juifs israéliens sur trois se prononcent en faveur de cette “incitation au départ”. Cette idée hante pourtant la société israélienne depuis des décennies, et surtout depuis une vingtaine d’années, depuis que Rehavam Zeevi [député d’extrême droite assassiné en octobre 2001] s’est mis à faire de la propagande en faveur de ce qu’il appelait le “transfert”.

Durant les années 1990, “seulement” 40 % des Juifs d’Israël se déclaraient favorables à cette idée dangereuse. Ce pourcentage a grimpé en flèche avec le déclenchement de la deuxième Intifada [2000] pour atteindre les sommets que l’on connaît aujourd’hui. [Plus des deux tiers des Israéliens sont favorables au départ des Arabes d’Israël, voir CI n° 519, du 12 octobre 2000.] L’éclatement de l’Intifada, la prégnance des préjugés dans le rapport à “l’Arabe” et le besoin de se rasséréner face au sentiment d’impuissance entretenu par le terrorisme palestinien expliquent donc largement ces chiffres vertigineux.

Cela dit, la façon dont la question est formulée entretient un certain flou. Pour le sondé comme pour le sondeur, il semble manifestement important d’entretenir la nuance entre “l’encouragement à l’émigration” des Arabes d’Israël et le soutien au “transfert” de ces mêmes Arabes. Il est évident que la majorité des Israéliens identifient la notion de “transfert” à la politique prônée par feu Rehavam Zeevi et préféreraient un transfert “volontaire”. Or le transfert ne sera jamais volontaire. Quiconque prône “l’encouragement à l’émigration”, même s’il réfute l’emploi de la force, n’en partage pas moins le préjugé que les citoyens arabes israéliens ne sont pas les égaux de leurs concitoyens juifs. Dès lors, il n’y a pas de mal à prévoir des incitations pour encourager la population arabe à partir, l’essentiel étant qu’elle disparaisse du paysage.

Preuve de ce préjugé, les deux tiers des Juifs ne sont pas prêts à résider dans un immeuble habité par des Arabes. La haine des Arabes ou le terrorisme arabe, pour réels qu’ils soient, ne sont que des prétextes. A ce titre, la simple évocation d’un “ministère de l’Encouragement à l’émigration” devrait réveiller de bien sombres souvenirs, en dépit de nos précautions oratoires.

Un argument spécieux est systématiquement avancé : en souhaitant le départ, voire l’expulsion de leurs concitoyens arabes, les Juifs se posent en défenseurs de l’Etat, tout simplement parce que les Arabes se posent, eux, en ennemis de l’Etat juif et démocratique. Or il y a plutôt lieu de se demander si, en tenant pour acquis que les “Arabes” sont par définition des ennemis, nous ne nous fournissons pas un alibi commode pour justifier leur émigration hors d’Israël. Ces chiffres désolants ont été recueillis à l’initiative de l’Institut israélien de la démocratie.

Mais de quelle démocratie parle-t-on ? Et comment concilier le fait que les trois quarts des Juifs israéliens voient dans la démocratie un modèle optimal avec le fait que les deux tiers de ces mêmes Juifs se disent favorables à ce que l’on “incite” les Arabes à émigrer ? A l’instar d’Esterina Tertman [députée de l’extrême droite russophone], certains seront tentés de résoudre cette contradiction en arguant que la démocratie repose sur le respect de la décision de la majorité et que, dès lors, l’existence d’une majorité juive en faveur de l’émigration de la minorité arabe est une pure expression démocratique.

Alors, vive la démocratie israélienne ! Et sus aux défenseurs des droits des minorités et des droits civiques ! En fait, si nous appliquons à la société israélienne les critères communément admis pour évaluer l’adhésion aux principes démocratiques, force est de constater qu’il existe tout simplement une majorité de Juifs opposés à la démocratie et que notre société israélienne est parfaitement non démocratique.

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Moshe Zimmerman




Moshe Zimmerman est professeur d’Histoire moderne à l’université hébraïque de Jérusalem.


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Moshe Zimmerman - Ma’ariv, via le Courrier international, hebdo n° 883, le 4 octobre 2007


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