16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Naïma, 9 ans, menace la majorité juive en Israël

vendredi 5 octobre 2007 - 05h:56

Daphna Golan

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Bien que l’année scolaire ait commencé le 2 septembre, Naïma, 9 ans, est toujours chez elle à la maison. Dans aucune école de la ville il n’y a de place pour elle. Des milliers d’élèves palestiniens de Jérusalem-Est sont dans son cas. Dans une lettre adressée fin août à l’Association pour les Droits du Citoyen (ACRI), Souheila Abou Gosh, directrice adjointe de l’Administration de l’Enseignement de Jérusalem, qui dépend de la municipalité et du Ministère de l’Education, écrivait : « A notre grand regret, il n’y a pas de place pour absorber les 16 élèves figurant sur les listes que vous aviez jointes à vos lettres, depuis la classe de 2e jusqu’à la classe de 8e. » Sur papier officiel de la municipalité de Jérusalem et du Ministère de l’Education, la personne en charge de l’enseignement admet que pour des enfants de Jérusalem, en âge légal d’obligation scolaire, il n’y a pas de place dans les écoles.

Au cours de ces dernières semaines, l’Administration de l’Enseignement à Jérusalem a tenté de trouver de la place pour 16 élèves, par crainte que l’Association pour les Droits du Citoyen ne porte l’affaire devant la Cour Suprême. Comme chaque année depuis plusieurs années, la menace d’un recours auprès de la Cour Suprême pousse la municipalité à contraindre les directions d’école à fourrer encore un enfant dans une classe de toute façon déjà surpeuplée, afin de trouver une solution pour les requérants.

Au début de l’année scolaire passée, la Ministre de l’Education avait annoncé son intention de travailler à réduire le manque de quelque 1.300 classes à Jérusalem-Est, mais l’année dernière, une cinquantaine de nouvelles classes seulement ont été construites pour toute la partie Est de la ville. En dépit de l’engagement pris, dans les années 2001-2007, devant la Cour Suprême, par le Ministère de l’Education et la municipalité de Jérusalem - de construire au moins 645 classes à Jérusalem-Est (245 selon une décision de la Cour Suprême de 2001 et 400 dans le cadre d’un engagement donné cette année à la Cour Suprême) - dans les faits, moins de cent nouvelles classes ont été construites depuis 2001.

Les requêtes déposées par des parents qui ne trouvent pas de place pour leurs enfants dans les écoles de Jérusalem continuent d’avancer à la Haute Cour de Justice mais les débats juridiques, la focalisation sur les détails, nous dissimulent ce que chaque enfant voit : Jérusalem, qui se glorifie de sa réunification, mène une politique de séparation.

D’après le rapport de la Coalition pour l’Enseignement Arabe à Jérusalem-Est, seule la moitié, environ, des enfants palestiniens de Jérusalem-Est - 39.400 sur 79.000 élèves - fréquentent aujourd’hui le réseau d’enseignement municipal. Parmi les autres, nombreux sont ceux qui fréquentent des écoles privées, les écoles de l’ONU ou des écoles situées en dehors de la ville. Les deux tiers environ des écoles publiques à Jérusalem-Est sont installées dans des appartements loués. Et il reste encore des centaines d’enfants qui ne trouvent pas de place dans les écoles de Jérusalem.

En 40 ans d’occupation, Israël a établi des quartiers juifs sur des terres arabes à Jérusalem-Est - comme Gilo, la Colline française, Neveh Yaakov et d’autres - et voyez le miracle : on n’y voit aucun enfant qui ait besoin de s’adresser à la Cour Suprême pour pouvoir aller à l’école. On ne conçoit pas qu’il puisse ne pas y avoir de place pour des enfants juifs dans le réseau d’enseignement de Jérusalem.

Jérusalem, qui fête ces jours-ci dans l’allégresse les 40 ans de son unification, est une ville partagée. La discrimination dans l’enseignement de la ville fait partie d’une tentative réglée de réduire le nombre d’habitants palestiniens, afin de préserver une majorité juive. Ces efforts s’illustrent également dans les destructions de maisons, la confiscation de terres, le retrait de la carte d’identité pour tous ceux qui sont, par exemple, allés étudier ailleurs, la surpopulation des écoles : tout cela constitue la mise en ?uvre d’une politique qui tient les Palestiniens pour des citoyens de second ordre.

C’est pour cela qu’il n’y a pas de place pour Naïma dans les écoles de Jérusalem. Naïma, comme des milliers d’autres enfants palestiniens à Jérusalem, menace la majorité juive. Le réseau d’enseignement israélien ne veut pas de Naïma. Il ne veut pas que Naïma lui rappelle que le maintien de la majorité juive n’est pas un objectif pédagogique.

JPEG - 2.2 ko
Daphna Golan

La politique de l’enseignement à Jérusalem nous montre, grossie à la loupe, une image de l’ensemble de la réalité israélienne discriminatoire. Un Etat qui bâtit des écoles pour les enfants d’un groupe mais pas d’un autre est un Etat d’apartheid.


Daphna Golan enseigne à la faculté de Droit de l’Université Hébraïque de Jérusalem

De la même auteure :

- De quoi avons-nous peur ?

Daphna Golan - Ha’aretz, le 3 octobre 2007
Version anglaise : Naïma is threatening the Jewish majority
Traduit de l’hébreu par Michel Ghys


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.