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Paix et démocratie

mardi 13 novembre 2007 - 06h:26

Ramzy Baroud

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Après des années d’une absence remarquée, l’administration Bush a finalement décidé de s’impliquer plus dans le conflit israélo-palestinien. L’annonce d’une conférence de paix pour le Moyen-Orient dans la ville d’Annapolis dans le Maryland a tiré la sonnette d’alarme pour n’importe quiconque a su tirer les leçons des expériences passées, car des initiatives pour la paix mal équilibrées et manquant de sincérité pouvent réellement aboutir à plus de violence. Et il faut assez peu de cynisme pour s’interroger sur ce que ces efforts ont de réel.

On a suggéré que le Président Bush - dont les actes font passer son héritiage pour celui d’un président de guerre - souhaite quitter son poste sur une note plus positive. Nous avons entendu le même argument en mi-2000 alors que des entretiens mal préparés et organisés par le président américain Bill Clinton ont abouti à un échec, suscitant plus de tension et de violence dont les Palestiniens ont naturellement été blâmés en premier.

D’autres arguent du fait que la conférence est motivée non pas par le désir d’une paix durable, mais par le souhait d’accentuer l’isolement du mouvement Hamas - l’organisation qui a été démocratiquement élue à une majorité qualifiée lors des élections législatives dans les territoires occupés en janvier 2006.

Indépendamment du fait que la transparence des élections a été applaudie par les observateurs internationaux dont Jimmy Carter, le vainqueur démocratiquement élu a été totalement boycotté par les Etats-Unis et Israël. Ceux-ci ont au contraire dissuadé le Fatah, le parti politique du Président Abbas, de se joindre à un gouvernement de coalition avec un parti qu’ils considèrent comme terroriste. Toutes les tentatives de former un gouvernement d’unité nationale au sein des factions opposées étaient destinées à l’échec, puisque de telles tentatives se sont heurtées à la volonté commune israélo-américaine de renverser le Hamas.

Tandis que la division entre le Fatah et le Hamas s’accentuait, l’administration Bush a commencé à laisser envisager la possibilité d’accueillir une conférence pour la paix. Le premier ministre israélien Ehud Olmert, qui avait précédemment insisté sur « l’unilatéralité » - affirmant qu’Israël n’avait aucun associé pour la paix parmi les Palestiniens - a accepté à présent de prendre part à l’évènement. Le Président Abbas, largement méprisé par beaucoup de Palestiniens et d’Arabes, a estimé que sa participation pourrait l’aider à acquérir une plus grande crédibilité politique. Le Hamas, bien évidemment, n’a pas été invité.

Lors de la préparation de la conférence, Olmert et Abbas ont tenu des réunions régulières. Les rapports et les déclarations faites par les deux chefs et leurs conseillers indiquent qu’Israël n’a pour objectif que de tirer les espérances vers le bas alors qu’Abbas espère transformer la conférence en plateforme pour des négociations sérieuses. Leur dernière réunion a eu lieu à Jérusalem le vendredi 26 octobre, le but étant censément de résoudre les questions concernant un document commun. Le porte-parole d’Abbas, Nabil Abu Rdeneh, a déclaré alors : « Aujourd’hui nous attendons que les Israéliens cessent de poser des obstacles à l’élaboration d’un document commun pour le sommet qui vient. »

Olmert, peu populaire parmi les Israéliens et disposant d’un mandat en train de s’affaiblir devant le parlement, a essayé à plusieurs reprises de tirer les espoirs vers le bas. Il prétend même ne pas savoir si la conférence aura simplement lieu, disant à des journalistes le jeudi 25 octobre : « Si tout va bien, si tout va bien, nous nous réunirons dans Annapolis. [Mais] Annapolis n’est pas fait pour être l’occasion d’une déclaration de paix. »

Cette douche froide suggère que l’administration Bush sait bien que de la conférence ne sortira pas la paix ; ni Abbas ni Olmert ne semblent préparés pour une telle tâche. D’ailleurs, l’administration Bush n’a montré en réalité aucune intention d’être un partenaire honnête ; son support franc et inconditionnel vis-à-vis d’Israël est plus fort que jamais. La conférence sera probablement un spectacle pour les médias dans lequel les participants réaffirmeront leur engagement pour la paix, la sécurité d’’Israël, la condamnation du terrorisme palestinien et ainsi de suite.

Ce qui est vraiment dangereux, c’est le fait qu’une conférence de paix d’où rien ne sort si ce n’est des promesses creuses est susceptible de provoquer encore plus de violence. Les Palestiniens, humiliés et assiégés, pourraient montrer leur colère d’une myriade de façons pour lesquelles ils ne seront que davantage condamnés.

Après la qualification récente par Israël de Gaza comme entité hostile et la décision qui a suivi de couper graduellement les approvisionnements en électricité destinés à la bande de Gaza, la situation dans le territoire appauvri est chaque jour plus désespérée. Une conférence de paix sans horizon politique - ce qui a été à plusieurs reprises confirmé par la secrétaire d’état américaine Condoleezza Rice - ne fera qu’ajouter plus de carburant dans un contexte déjà volatile en Palestine et en Israël.

Vu la violence qui a suivi les entretiens infructueux de Camp David en juillet 2000, des scénarios semblables sont les plus plausibles. Pour qu’une conférence de paix puisse apporter une paix véritable, juste et durable entre les Palestiniens et les Israéliens, la démocratie et les choix collectifs des Palestiniens doivent être respectés.

La délégation palestinienne doit représenter tous les Palestiniens et doit disposer d’un mandat clair pour négocier. Israël en attendant doit être disposé à s’engager dans des négociations sérieuses et ne pas simplement vouloir gagner du temps pour ses actes unilatéraux en Cisjordanie. Israël doit discuter des questions liées au statut final sans tarder dont le statut de Jérusalem et la question des réfugiés. Le droit international doit être respecté par les deux parties et par la puissance qui invitante [les Etats-Unis], comme cadre mutuel de référence par lequel une solution au conflit peut être élaborée.

Sans ces conditions, la conférence du Maryland, ou n’importe quelle autre, échouera très probablement et cet échec pourrait tragiquement entraîner la région entière plus profondement dans le gouffre de l’occupation militaire, de la violence étatique et bien sûr du terrorisme.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Une cause à défendre : la dignité du Monde Arabe
- Défendre la vérité : le débat sur la Palestine et Israël
- Pourquoi la Birmanie n’est pas l’Irak
- Liban - Syrie : la politique d’assassinats

7 novembre 2007 - Communiqué par l’auteur - [Traduction : AIO - Info-Palestine.net]


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