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Liban - Syrie : la politique d’assassinats

dimanche 14 octobre 2007 - 05h:57

Ramzy Baroud

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L’assassinat de l’homme politique libanais Antoine Ghanem le 19 septembre sera évidemment utilisé pour servir les intérêts états-uniens et israéliens dans la région.

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Enterrement d’Antoine Ghanem - Photo : AFP

La plupart des médias occidentaux et certains médias arabes se sont empressés de soutenir que la Syrie était la principale bénéficiaire du décès de Ghanem, membre du parti de la Phalange en grande partie responsable des effusions de sang durant les années de guerre civile 1975-1990.

Ils prétendent que la Syrie a besoin de maintenir un certain contrôle politique sur le Liban après avoir été forcée de retirer ses troupes. Elle ne pourrait maintenir cette influence politique qu’en éliminant ses détracteurs au Liban et en s’assurant un parlement libanais qui lui soit favorable.

Effectivement, avec l’élimination de Ghanem, la coalition anti-syrienne du parlement libanais divisé a vu sa majorité diminuer encore - elle ne compte plus que 68 représentants sur les 128 membres de l’assemblée.

Affaire classée.

L’est-elle vraiment ?

Il se peut effectivement que le régime syrien soit responsable de la mort de six personnalités politiques, dont Ghanem, depuis la tragique explosion de la voiture piégée qui a tué l’ancien Premier Ministre Rafik Hariri en février 2005. Toutefois, pour comprendre la situation au Liban, il faut se garder de conclusions simplistes.

Ce n’est néanmoins pas facile alors que les journaux classent les hommes politiques libanais en « pro » et « anti- » syriens. Ce type de présentation laisse supposer que le régime syrien - et uniquement le régime syrien - tient à semer la mort et le chaos dans un Liban petit par la superficie, mais stratégiquement important.

Suivant le même raisonnement, les médias occidentaux accusent régulièrement tous les alliés de la Syrie : l’Iran, le Hezbollah au Liban et les groupes palestiniens ayant leur siège à Damas, dont le Hamas et plusieurs factions socialistes.

Etant donné la complexité des politiques d’assassinat au Liban et les nombreux événements sanglants que ces tueries ont justifiés - malgré la façon dont on a défendu l’invasion israélienne du Liban et le massacre de Sabra et Chatila en 1982 - on pourrait croire que les journalistes et les commentateurs auraient appris à se montrer extrêmement prudents avant de suivre la ligne officielle des Américains et des Israéliens.

Etant donné sa responsabilité totale ou partielle dans la déstabilisation du Liban, la Syrie pourrait être coupable de la mort de Ghanem. Cette opinion est soutenue à la fois par ceux qui cherchent sincèrement à libérer le Liban de l’influence étrangère et par ceux qui souhaitent dominer le paysage politique libanais.

Mais quoique poursuivant son propre intérêt, la Syrie est également connue pour son habileté et sa sagacité. Elle en a donné la preuve en devenant un allié précieux des Etats-Unis dans sa « guerre contre la terreur » depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ; elle a collaboré de plein gré à la sécurisation de ses frontières avec l’Irak et elle est même allée jusqu’à torturer des prisonniers américains dans le cadre des infâmes « transferts extraordinaires » de la CIA.

Pourquoi un pays qui a accepté de tomber si bas commettrait-il des assassinats éhontés contre des alliés de l’Amérique au Liban, fournissant ainsi un prétexte pour des hostilités ? Chacun de ces assassinats ne fait que renforcer les clameurs anti-syriennes émanant de Washington, Tel-Aviv et Beyrouth. Le régime syrien a un passé incontestablement cruel, mais il a rarement fait preuve d’ineptie.

Serait-il plausible que la Syrie soit innocente des récentes effusions de sang au Liban ? A un stade aussi critique, ces crimes lui vaudraient des conséquences très néfastes. Aussi, imaginer qu’un pays qui a réussi à survivre au milieu de l’énorme hostilité qui l’assaille de toutes parts soit assez stupide pour les commettre dépasse l’entendement.

Malgré l’importance du Liban dans l’actuelle guerre froide au Moyen Orient, la Syrie, comme tout autre régime menacé, se soucierait moins de dominer un voisin plus petit que d’assurer sa propre survie.

Alors, quels sont les autres coupables possibles ? Etant donné le passé sanglant du Liban et le nombre d’acteurs, de sectes et de factions intervenant dans ses frontières, la liste semble illimitée. Toutefois, vu la nature des assassinats (visant tous des personnalités « anti-syriennes ») et la ligne officielle suivie par les Etats-Unis et Israël, on peut raisonnablement inclure parmi les suspects ceux qui veulent pousser la Syrie à un affrontement militaire, ou peut-être l’acculer à un règlement politique humiliant avec Israël, notamment un compromis au sujet des « hauteurs du Golan » occupées (règlement que Damas a refusé depuis la rupture de ses entretiens avec Tel-Aviv en 2000).

Il vaudrait la peine de rappeler ici la doctrine des néo conservateurs élaborée par Richard Perle en 1996 pour le Premier Ministre de l’époque Benjamin Netanyahu. Intitulé bien à propos “A Clean Break : Securing the Realm,” (Une rupture nette : Nouvelle stratégie pour sécuriser le royaume), le document décrit les projets visant à soumettre la Syrie par le biais libanais.

Est-ce que cela aiderait à expliquer pourquoi les gouvernements états-unien et israélien, délaissant leurs efforts concertés et leurs objectifs déclarés, imputent maintenant principalement au soutien fourni par la Syrie et l’Iran au Hezbollah , la défaite militaire israélienne de 2006 dans la guerre du Liban ?

Il serait peut-être bon que ceux qui insistent à dire que seule la Syrie est capable d’infliger un tel grabuge au Liban se souviennent que Netanyahu a récemment admis, comme on pouvait s’y attendre, que la mystérieuse frappe aérienne en territoire syrien le 6 septembre - évidente tentative de pousser la Syrie à un affrontement militaire - était en fait délibérée. Les diplomates états-uniens se sont hâtés de justifier cet acte de guerre manifeste en alléguant faiblement, selon le journal britannique The Guardian, que l’objectif syrien bombardé par des jets F-15 fournis par les Etats-Unis « pouvait avoir eu un rapport avec les armes nucléaires nord coréennes ».

Médiocres ou non, les accusations contre la Syrie sont tissées avec zèle par les Etats -Unis, Israël et leurs alliés dans la région. Il ne faudra pas être surpris si la prochaine attaque militaire contre le Hezbollah est élargie aux territoires syriens.

Comme les médias et les officiels ont opportunément oublié tous les autres coupables éventuels travaillant à déstabiliser le Liban, la région semble aller vers un nouvel affrontement militaire ; et le Liban, vers une éventuelle guerre civile.

Ces événements seront le plus probablement attribués à la Syrie, l’Iran, le Hezbollah et les factions palestiniennes ; une fois de plus on présentera les actions d’Israël comme de l’autodéfense ; les Etats-Unis quant à eux se poseront en défenseurs de la cause d’Israël, de la démocratie et des droits humains.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Mourir sans avoir été vaincu
- Surmonter le racisme
- Ben Laden, le retour !
- La lutte entre Shiites : pas vraiment une bonne nouvelle pour les Etats-Unis !

1° octobre 2007 - Ramzy Baroud Website - Vous pouvez consulter cet article à :
http://ramzybaroud.net/articles.php...
Traduction : amg/mcc


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