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Surmonter le racisme

lundi 24 septembre 2007 - 06h:21

Ramzy Baroud

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Enlèvements de Palestiniens par les T.O (Troupes d’Occupation) en Cisjordanie le 20 septembre - Photo : AFP

Le racisme est, parmi beaucoup d’autres choses, commode. Il fournit des réponses simplifiées, précises et prêtes à servir aux questions complexes. Les racistes viennent de tous les horizons possibles ; leur motivation et les causes à l’origine de leurs visions méprisables des autres peuvent différer, mais les effets de ces vues sur le monde sont de façon prévisible identiques : la discrimination raciale, l’oppression sociale et politique, la persécution religieuse et la guerre.

La définition textuelle du racisme concerne seulement la race, mais dans la pratique le racisme est une conséquence de la pensée de groupe par laquelle un groupe de personnes décide de s’identifier en tant que collectif et commençe à définir son rapport avec d’autres collectifs --- ou les autres en général --- avec une idée de suprématie. Une fois associée à la domination économique et/ou politique, la suprématie se traduit en diverses formes d’assujettissement et de cruauté.

L’adulation de l’individu/collectif et le dénigrement de l’autre est une pratique remontant à l’antiquité, aussi vieille que la civilisation humaine elle-même. Elle est éternelle pour la simple raison qu’elle a toujours servi d’instrument politique et économique et restera probablement efficace aussi longtemps que la recherche du pouvoir politique et matériel déterminera notre comportement.

Il faut également mettre en évidence que le besoin de cette désignation négative d’un groupe n’est pas toujours aussi marquée que le « noir » et le « blanc ». Par exemple, les européens de l’est, économiquement défavorisés et cherchant (et se mettant en compétition pour) un emploi en Europe de l’ouest sont eux-mêmes mis en bas de l’échelle dans le même groupe et sont sujets à toutes sortes de classifications. Tout aussi commode est la mauvaise représentation caricaturale des « Arabes » dans les médias, cette représentation servant des intérêts politiques et économiques précis.

Ironiquement, une forme extrême de racisme existe également dans divers pays arabes où les ouvriers étrangers se trouvent catalogués dans une hiérarchie basée sur le pays d’origine. Les européens et les américains occidentaux sont au sommet de l’échelle et sont aisément supportés, alors que les asiatiques du sud-est sont souvent tout en bas de cette échelle. Un ingénieur indien très qualifié, par exemple, peut se retrouver beaucoup moins bien payé qu’un français avec relativement peu d’expérience.

Dans certains pays comme l’Afrique du Sud le racisme a provoqué des dégats dans la société pour des générations. Il se manifeste dans le refus de certains individus de s’identifier avec leurs cultures héréditaires d’origine parce que l’on craint qu’une telle affinité ne contredise le fait que l’on soit « complètement » citoyen Sud-Africain — un droit pour lequel les Sud-Africains ont mené un combat des plus difficiles.

En Malaisie, qui affiche une harmonie sociale remarquable comparée à certains de ses voisins, la classification raciale est toujours trop réelle. En dépit des efforts louables du gouvernement pour mettre en valeur le modèle national malaisien tout en mettant en avant avec précaution les sous-groupes malais, chinois ou indien, des membres de ces groupes sont circonspects quant à leur représentation statistique dans la société malaisienne. Certains réagissent en parlant de leur nombre par rapport aux autres groupes, alors que d’autres soulignent inlassablement les types de discrimination qu’ils subissent sous la domination de ceux qui sont avantagés politiquement et économiquement.

Tandis que le racisme est universellement identifié, peu d’individus admettraient leurs propres penchants racistes. Ces individus pourraient aussi se tromper eux-mêmes en considérant le racisme comme un phénomène purement occidental. Alors que le modèle occidental du racisme, influencé par le colonialisme du 18e siècle, est unique à bien des égards, des préjugés de groupe basés sur la classe, la race et la religion sont partagés de façon presque équvalente entre toutes les nations.

Le racisme de ceux qui disposent de la puissance politique, militaire et économique est souvent violent et nuisible, mais il est important de se rappeler que l’opprimé peut être juste comme il peut être également raciste. Une lectrice arabe de Londres m’a envoyé un courrier électronique demandant que je m’explique sur ma collaboration à divers projets avec des auteurs juifs bien connus. « Soit vous êtes naïf, soit vous vous vendez, » a-t-elle écrit. Cela ne lui importait nullement que ces auteurs soient anti-sionistes et aient été pendant beaucoup d’années sur la ligne du front de la lutte pour les droits des Palestiniens. Elle ne pouvait pas se libérer tout simplement d’une croyance raciste profondément enracinée selon laquelle « on ne peut faire confiance à des Juifs. »

Naturellement, ce n’est pas une prédisposition propre aux Arabes, mais une prédisposition générale ; les conflits et les guerres prolongés tendent à valider et amplifier des préjudices déjà anciens. Bien que le système d’éducation israélien ait produit des générations d’étudiants saturés d’images excessivement malhonnêtes des Arabes et des Palestiniens, les rapports entre Arabes et Juifs n’ont pas toujours été négatifs. Pendant des siècles, les deux groupes ont vécu en harmonie ; certains des meilleurs poètes arabes des périodes passées étaient Juifs et certains des textes juifs les plus lumineux ont été écrits à l’origine en arabe. Malheureusement, les conflit et la guerre ont d’une certaine manière éliminé de tels faits ; le racisme en Israël est si intense à présent que peu nombreux sont ceux qui osent relever le défi d’utiliser le terme « juif arabe ».

Même lorsqu’il n’est pas question de race, la plupart des personnes semblent se laisser aller facilement à de plus grandes adhésions tribales qui divisent le monde en « nous » et « eux », souvent en utilisant des termes en négatif et faisant référence à la religion. Le « non » devient très utile ici : « non-Musulman », « non-Juif », « non-Chrétien », et ainsi de suite. De telles négations ne sont jamais bien intentionnées et produisent toujours des effets négatifs. Des termes moins frappants tels que « non-démocratique » (peut-être un équivalent néo-colonial à « non-civilisé » ?) peuvent être pareillement lourd d’implications et dangereux, et sont souvent employés pour favoriser et justifier la guerre.

Il reste à dire qu’un vrai combat contre le racisme et les divers autres comportements préjudiciables exigent d’accepter d’abord sa responsabilité personnelle dans la formation de sa propre société, et ceci inclut le racisme qui existe en nous-mêmes. Martin Luther King a refusé « d’accepter la vision selon laquelle l’humanité est si tragiquement liée au racisme et à la guerre que le jour lumineux de la paix et de la fraternité pourrait ne jamais devenir une réalité ». Nous aussi nous devons sans compromis rejeter un tel pessimisme si nous souhaitons réellement la paix, l’harmonie et l’égalité à la place de la guerre, de la discorde sociale et de l’injustice.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Ben Laden, le retour !
- La lutte entre Shiites : pas vraiment une bonne nouvelle pour les Etats-Unis !
- Arabes et Musulmans aux Etats-Unis : la recherche d’une identité commune
- Les dividendes de l’opportunisme

21 septembre 2007 - Communiqué par l’auteur - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/863...
Traduction : Claude Zurbach


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