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La lutte entre Shiites : pas une bonne nouvelle pour les Etats-Unis !

samedi 15 septembre 2007 - 07h:22

Ramzy Baroud

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La décision prise par le chef religieux shiite Muqtada Al-Sadr de stopper les attaques de son armée du Mahdi contre les forces d’occupation et de la sécurité irakienne est susceptible d’être considérée comme la percée la plus prometteuse pour les militaires américain en Irak. Bien que l’évènement en question se soit produit juste avant que plusieurs rapports ne soient présentés au congrès des Etats-Unis plus tard dans le mois, la décision est en fait le résultat d’un long conflit entre factions parmi les Shiites irakiens, et ne fera que compliquer encore davantage l’échec américain aux effets dévastateurs en Irak.

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Des partisans d’Al Sadr défile dans Baghdad - juin 2004 - Photo : AP

La décision d’Al-Sadr a suivi les graves affrontements du 26 août à Karbala, lors d’un des festivals shiites les plus vénérés. En dépit de diverses accusations d’une participation extérieure, les désaccords étaient apparemment shiites de part en part, impliquant les militants de la brigade Badr du Conseil suprême islamique (dirigée par Abdul Aziz Al-Hakim, un allié à la fois des Etats-Unis et de l’Iran) et l’armée du Mahdi d’Al-Sadr.
Ces deux groupes sont shiites, mais ils divergent de manière significative du point de vue de leur fidélité à l’Iran : Al-Sadr, bien que soutenu par l’Iran, fait souvent appel au sentiment national irakien, alors que la brigade Badr du Conseil suprême est sans vergogne pro-iranienne.

Tandis que ce dernier a été fortement impliqué dans les massacres sectaires et de civils (la plupart du temps les massacres de Sunnites), il coordonne la majeure partie de son travail avec les militaires américain et est fortement représenté dans l’armée, la police et les services de renseignements irakiens. C’est aussi l’aile armée du Conseil suprême islamique qui est affiliée avec Al-Sistani, la haute autorité shiite, et tous les deux font preuve d’une allégeance incontestable à l’Iran. Les Etats-Unis prétendent de leur côté combattre les agents iraniens en Irak (qui sont accusés du développement de la plupart des tactiques militaires destructrices utilisés par la guérilla) et aujourd’hui l’Iran joue un rôle incontestable en déterminant les politiques générales des partis shiites dominants en Irak - lesquels sont des collaborateurs bien disposés à l’égard des militaires américains.

Comme on pouvait le prévoir, les américains se sont félicités de la décision récente d’Al-Sadr, susceptibles comme ils le sont de saisir n’importe quelle occasion pour prouver le succès de leurs dernières opérations. Le général David Petraeus s’est déjà vanté des résultats de l’augmentation des troupe qui aurait entraîné une réduction des combats inter-factionnels. Les statistiques, cependant, contredisent clairement de telles prétentions. Les chiffres d’Associated Press prouvent que le mois d’août a enregistré le deuxième plus haut taux de morts civils en Irak - 1.809 personnes - depuis l’invasion des Etats-Unis en mars 2003. cette forte hausse est en grande partie attribuée aux quadruples attentats-suicide du 14 août près de la frontière syrienne qui ont tué 520 personnes.

Cet évènement dramatique - hormis son coût dévastateur en nombre de morts - aura moins de conséquences que le combat inter-shiites, considérant que le groupe visé est une petite minorité qui n’a pris aucun parti quand le conflit faisait rage. Cependant, cela sera très probablement mis en évidence plus tard par les Etats-Unis pour masquer le fait que leurs alliés autrefois dignes de confiance en Irak sont maintenant engagés dans un combat pour le contrôle de la partie méridionale du pays où se trouve concentrée la majeure partie de la richesse en pétrole.

L’Irak méridional est également important pour des groupes luttant pour le pouvoir car la ville de Bassora est directement en contact avec l’Iran, l’allié principal des Shiite irakiens et l’origine principale de leur poids politique, et Najaf et Karbala, deux des villes les plus saintes pour les Shiite dans le monde, sont situées dans le sud (les affrontements récents dans Karbala concernaient le contrôle des tombeaux). Avec les Anglais qui évacuent leurs positions dans Bassora, les groupes shiites, qui avaient jusqu’ici montré un certain degré d’unité dans leur combat contre les Sunnites sont maintenant de plus en plus enclins à tirer les sonnettes d’alarme ; ceux qui contrôleront le sud pourraient bien devenir la force dominante dans le pays.

Bien que capable d’infliger de grands dommages, les chances d’Al-Sadr de devenir cette puissance sont minces. Tout d’abord, ses rivaux shiites reçoivent un plus grand support de la part de l’Iran qui a montré une attitude en grande partie machiavélique envers la situation en Irak, ne choisissant jamais d’appuyer celui qui est l’opprimé. L’arrivée des Américains a également fait empirer la position des Sadristes et ils sont aujourd’hui en grande partie exclus de toutes les institutions du gouvernement. La nouvelle hiérarchie irakienne a favorisé les disciples d’Al-Hakim qui représentaient apparemment (d’un point de vue américain) une branche plus dominante et peut-être plus digne de confiance des Shiites.

Cependant, en dépit de ses stratégies et des présentations apparemment incorrectes par les médias comme « radical », Al-Sadr a adopté réellement une politique d’équilibre très subtile. Il a continué à faire appel à ses disciples shiites d’une manière qui le situe à part d’Al-Sistani, tout en maintenant de bonnes relations avec Al-Sistani et l’Iran. Il a de temps en temps paru même bien disposé quant à la situation difficile des Sunnites.

Pourtant sa relative astuce politique pourra difficilement maintenir le lien entre les divers groupes shiites, qui demeure essentiellement idéologique et une traduction de la controverse théologique entre les disciples d’Al-Sistani et les disciples de Mohammad Sadiq Al-Sadr, le père de Muqtada. La division entre les deux écoles shiites religieuses est plus forte que jamais et les nouvelles difficultés économiques et les luttes pour le pouvoir sont susceptibles d’aggraver ces différences et de leur fournir du carburant. Avec la brigade Badr revendiquant 70 000 miliciens et les forces d’Al-Mahdi comptant plus de 50 000 miliciens, les deux groupes sont sur la défensive et méfiants ; dans ces circonstances, la perspective d’une coexistence semble peu probable.

Nous savons très peu de choses sur les raisons qui ont fait qu’Al-Sadr a décidé de mettre en hibernation l’armée d’Al-Mahdi. Il prétend que ses milices sont infiltrées par l’Iran, mais c’est peu croyable étant donné qu’Al-Sadr utilise l’Iran comme refuge toutes les fois que sa sécurité est menacée. Les militaires américains continuent à s’en prendre à ses partisans, et les militaires irakiens, la plupart du temps commandés par ses rivaux, procèdent à des arrestations de masse dans la ville d’Al-Sadr comme ailleurs. Un Al-Sadr trop modéré peut provoquer une révolte parmi ses disciples et déclencher de façon anticipée et destructrice le combat entre Shiites ; Al-Sadr pourrait se trouver alors obligé de reprendre le combat au nom de son propre groupe. Les deux scénarios seraient de mauvaises nouvelles pour les américains qui en seraient réduits à observer une lutte entre Shiites pour le contrôle d’un pays qu’ils sont censés commander.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Arabes et Musulmans aux Etats-Unis : la recherche d’une identité commune
- Les dividendes de l’opportunisme
- Le véritable agenda palestinien de Bush
- Miracle palestinien à l’ONU : le défaitisme ne connait pas de limite

7 septembre 2007 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://ramzybaroud.net/articles.php...
Traduction : Claude Zurbach


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