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Bande de Gaza : pourquoi le Hamas a gagné

samedi 23 juin 2007 - 05h:56

Gilles Paris - Le Monde

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Gilles Paris

Il aura fallu vingt ans au Mouvement de la résistance islamique (Harakat Al-Mouqaouama Al-Islamiyya, Hamas) pour prendre le contrôle de la bande de Gaza. L’ancienne filiale palestinienne des Frères musulmans jordaniens ne s’était pourtant pas donné comme objectif, à ses débuts, la conquête du pouvoir. Ses fondateurs - tous formés en Egypte, dont leur chef, le cheikh Ahmed Yassine -, s’inscrivaient dans un mouvement régional de retour à l’islam après la déroute du nationalisme arabe face à Israël, en 1967.

A Gaza, l’occupant israélien a d’abord considéré avec bienveillance l’émergence d’associations pieuses ou caritatives capables de rivaliser avec les nationalistes regroupés dans l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), perçue comme l’ennemi mortel qu’il fallait éradiquer. Au milieu des années 1980, cependant, la concurrence du Djihad islamique et l’impact de la révolution iranienne avaient réorienté le cheikh Yassine vers la cause nationale palestinienne, au nom du dogme qui fait de l’ancienne Palestine mandataire un waqf, un "bien musulman" inaliénable.

Le Hamas naît le 9 décembre 1987, deux jours après le début de la première Intifada (insurrection) qui a éclaté dans le camp de réfugiés gazaouis de Jabaliya. Le conservatisme de Gaza et le poids des réfugiés (les deux tiers de la population) expliquent le rapide développement du mouvement, moins entravé qu’ailleurs par les solidarités claniques palestiniennes attachées à un espace géographique spécifique. Doté d’une charte maximaliste - comme l’OLP à sa création - teintée d’antisémitisme, le Hamas se tourne vers l’action armée. La répression est sévère : 400 de ses militants sont bannis au Liban en 1992. Là, ils vont nouer des contacts avec les groupes radicaux libanais.

Cette influence se vérifie au début du processus de paix israélo-palestinien dit "d’Oslo". Le premier attentat-suicide est perpétré en Israël après la tuerie du Caveau des Patriarches, commise à Hébron par un colon, en 1994. Hostile aux accords d’Oslo qui laissent entrevoir un partage territorial de la Palestine historique, qu’il récuse, le Hamas boycotte les premières élections palestiniennes en 1996 et multiplie les actions terroristes pour faire capoter ces accords. Il y parvient en partie puisque le processus de paix s’enlise, mais au prix d’une répression impitoyable menée par les services de Yasser Arafat.

Les mosquées du Hamas à Gaza sont placées sous contrôle à partir de 1996. Grâce à ses réseaux d’entraide et aux ratés des négociations avec Israël, le mouvement reste populaire. Il bénéficie de la libération du cheikh Yassine après une tentative d’assassinat ratée du Mossad contre un de ses dirigeants exilé en Jordanie, Khaled Meschaal. Rentré à Gaza, Ahmed Yassine, sans renoncer à ses dogmes, développe par pragmatisme la théorie d’une "trêve de longue durée" avec Israël en cas de création d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967 avec la reconnaissance par Israël du droit au retour des réfugiés.

Affrontement inéluctable

Le déclenchement de la deuxième Intifada et sa répression brutale valident son discours sur l’"inutilité" du dialogue politique avec Israël. Le Hamas profite de la stratégie israélienne, qui consiste à répondre aux attentats islamistes en détruisant systématiquement les organes... de l’Autorité palestinienne. Lorsque Israël décide de s’en prendre à ses responsables (ses fondateurs, Ahmed Yassine et Abdel Aziz Rantissi, sont assassinés à Gaza en 2004), le Hamas est assez fort pour leur survivre.

En 2005, l’évacuation par Ariel Sharon de la bande de Gaza et le démantèlement des colonies israéliennes - une première en trente-huit ans d’occupation - constituent pour le Hamas la preuve éclatante de la supériorité de la lutte armée sur le dialogue. Il décide de capitaliser sur sa popularité lors des élections municipales puis législatives (décembre 2004 et janvier 2006). A Gaza, le triomphe est presque partout au rendez-vous. Le Hamas se retrouve majoritaire au Conseil législatif - ce à quoi il ne s’attendait pas.

Décidé à exercer le pouvoir, il forme un gouvernement dirigé par Ismaël Haniyeh, ex-secrétaire du cheikh Yassine. Le mouvement évoque périodiquement un partage de la Palestine mandataire entre un Etat palestinien et Israël, mais continue de refuser toute reconnaissance d’une légitimité concurrente de la sienne sur cette terre.

A Gaza, où il conserve, contrairement à la Cisjordanie, un appareil militaire réputé pour son efficacité et sa cohésion, le Hamas se heurte rapidement aux services de sécurité officiels liés au Fatah, qui refusent de lui faire allégeance. Le Hamas crée alors une force rivale, la Force exécutive. L’affrontement est inéluctable. Circonscrit à Gaza, il débute en mai 2006 et s’achève en juin 2007 par une victoire incontestable, après des affrontements qui ont causé la mort de plus de 600 Palestiniens.

Gilles Paris, envoyé spécial à Jérusalem - Le Monde, le 22 juin 2007

Du même auteur :
- Mahmoud Abbas, critiqué au sein du Fatah, exclut tout dialogue avec le Hamas
- Israël refuse le "diktat" de l’initiative de paix adoptée au sommet de Riyad


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