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Mahmoud Abbas, critiqué au sein du Fatah, exclut tout dialogue avec le Hamas

samedi 23 juin 2007 - 06h:00

Gilles Paris - Le Monde

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Les volutes de fumée parfumée s’échappent de la véranda de l’hôtel Grand Park. Les réfugiés du Fatah, le parti de Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité palestinienne, trompent l’ennui en fumant le narguilé. Fuyant Gaza après le coup de force des miliciens du Hamas, une trentaine de jeunes cadres, membres de services de sécurité, ont pris leurs quartiers dans cet hôtel, l’un des plus confortables de Ramallah.

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Des membres des forces de sécurité du président palestinien, Mahmoud Abbas, à Ramallah, le 20 juin (Ph. AP/M. Muheisen)

Mahmoud Abbas et Ehoud Olmert en Egypte lundi 25 juin
Un sommet quadripartite réunissant les dirigeants palestinien, Mahmoud Abbas, israélien, Ehoud Olmert, jordanien, Abdallah II, et égyptien, Hosni Moubarak, aura lieu, lundi 25 juin, en Egypte, "sur invitation du président Moubarak", a indiqué, jeudi 21 juin, Nabil Abou Roudeina, porte-parole de la présidence palestinienne. Ce sommet survient après la prise du pouvoir le 15 juin par le mouvement Hamas dans la bande de Gaza. - (Avec AFP)

"Pas question de retourner là-bas avant l’écroulement du Hamas", assure l’un d’eux qui refuse de donner son nom afin, dit-il, de protéger sa famille restée sur place. Optimiste, il espère que la revanche ne prendra que quelques mois. Un membre du Conseil révolutionnaire du Fatah, Abou Ali Chahine, qui a jugé prudent de se replier en Cisjordanie après avoir durement attaqué le Hamas dans la presse, espère aussi une prochaine et rapide "libération de Gaza", mais il se montre circonspect : "Le suicide du Hamas, qui a montré son vrai visage, ne suffira pas pour restaurer le Fatah, il faut aussi que notre direction fasse les bons choix."

Sonné par le coup de massue qu’a constitué son effondrement, en quarante-huit heures, le parti fondé par Yasser Arafat éprouve bien des difficultés à se remettre et cherche des responsables. Si tous dénoncent publiquement sur le même ton la "barbarie" et le "terrorisme" des islamistes, en interne, les critiques pleuvent sur Mohammed Dahlan.

Longtemps présenté comme l’homme fort de ce territoire surpeuplé, ce député du Fatah était absent au moment fatidique, tout comme ses lieutenants. "Il nous faut une commission d’enquête sur le modèle de celle des Israéliens pour la guerre du Liban", assure Abou Ali Chahine, qui souhaite que les faits soient établis avant de se prononcer.

"Tout est à reconstruire"

La déroute de Gaza n’est, en date, que la dernière étape, après les revers cinglants subis aux élections municipales et législatives, entre 2004 et 2006, d’un processus de décomposition plus profond. "Tout est à reconstruire", soupire l’ancien député Qadoura Farès. "Nous pensions que nous disposions d’un outil solide avec les services de sécurité. Nous n’avons pas vu combien la corruption les avait gangrenés et combien il avait été facile pour le Hamas de les infiltrer."

Proche de Marouan Barghouti, emprisonné en Israël et qui est devenu, après l’humiliation infligée à Mohammed Dahlan, le dernier jeune responsable du Fatah encore populaire, Qadoura Farès redoute pourtant qu’une nouvelle fois le Fatah fasse le choix de l’immobilisme. "Depuis la mort de Yasser Arafat [en 2004], il n’a jamais été possible de dire tout haut ce que l’on pense. Il ne fallait pas, nous disait-on, que le Hamas en profite. Ces appels à l’unité à tout prix n’ont pas renforcé le mouvement mais l’ont affaibli."

Au sein du Fatah, nombreux sont ceux qui doutent de la capacité de M. Abbas à ranimer le parti. "Abou Mazen [son nom de guerre] ? Il ferait un excellent président israélien", une fonction surtout honorifique. "En ne travaillant que quatre ou cinq heures par jour, il peut difficilement prétendre à plus", maugrée un mécontent.

Des divergences apparaissent déjà entre ceux qui, comme Marouan Barghouti, critiquent très vivement le coup de force du Hamas à Gaza tout en préservant l’objectif de l’unité des Palestiniens, et ceux qui estiment que la rupture est définitivement consommée avec les islamistes.

Dans le discours très virulent prononcé, mercredi 20 juin, devant le Conseil national de l’OLP, une instance tombée en désuétude convoquée pour court-circuiter le Conseil législatif que contrôle le Hamas, M. Abbas s’est clairement rangé dans ce camp-là. "Pas de dialogue avec les putschistes, les assassins, les terroristes", a-t-il asséné, qualifiant la prise de contrôle du Hamas de "plan pour diviser Gaza et la Cisjordanie et établir un Emirat, un mini-Etat, contrôlé par un seul groupe, ses fanatiques et ses fondamentalistes".

"Il [Mahmoud Abbas] n’a pas le choix s’il veut bénéficier du soutien des Américains qui ont toujours souhaité la disparition des islamistes", estime un cadre du Fatah. "Mais si le Fatah ne bouge pas, avertit Qadoura Farès, dans trois ans, ce qui s’est passé à Gaza se reproduira en Cisjordanie."

Gilles Paris, envoyé spécial à Ramallah - Le Monde, le 21 juin 2007

Du même auteur :
- Le désarroi des Palestiniens
- L’impasse israélo-palestinienne au sommet de Riyad


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