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Obama a abandonné à son sort l’opposition syrienne

vendredi 4 octobre 2013 - 11h:18

Abdel bari Atwan

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L’appel téléphonique entre le président Barack Obama et son homologue iranien Hassan Rouhani, a mis fin à plus de 30 ans d’absence de communication officielle entre les dirigeants des deux États. Cette communication a été présentée comme une étape historique, mais dans la pratique, cela signifie que les États-Unis ont « vendu » leurs alliés arabes au profit de l’Iran et les ont laissés face à un avenir inconnu.

Le scénario le plus probable sera leur capitulation quasi-inévitable face à l’Iran, superpuissance régionale à la fois sur le plan militaire et politique.

Un autre coup dur a été la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, publiée tôt ce samedi matin, qui exhorte le régime syrien à coopérer avec les équipes internationales d’inspection, dont les travaux débutent mardi pour démanteler les armes chimiques de la Syrie. Cette résolution est fondée sur le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui prévoit l’ usage de la force si le régime ne respecte pas la résolution. Mais il faudrait une autre réunion du Conseil de sécurité pour imposer des sanctions au régime syrien et si celui-ci ne respecte pas ses obligations. Cependant, un double veto par les Chinois et les Russes permettrait d’éviter cela, ce qui signifie que le régime syrien va marquer un nouveau point contre ses adversaires, et la Russie aura prouvé qu’elle sait protéger ses alliés.

Ce que de nombreux analystes arabes n’ont pas soumis à la discussion est la section de la résolution qui appelle les pays arabes à cesser toute aide militaire à l’opposition syrienne, à privilégier une solution politique pour la Syrie et à soutenir une telle solution dans tous ses aspects. C’est une grande réussite pour le régime d’Assad à Damas, et servie sur un plateau en or par son allié russe.

Les milliards que les États du Golfe (en particulier le Qatar et l’Arabie Saoudite) ont investi pour renverser Assad en soutenant et en armant l’opposition, ont été dépensés en pure perte car il est clair que l’administration américaine n’a pas seulement laissé tomber ces pays, mais qu’elle a aussi laissé la coalition de l’opposition syrienne à la merci du régime en place. Elle envisage maintenant d’imposer un règlement politique et de former des unités pour lutter contre les djihadistes et islamistes. J’ai même entendu de mes propres oreilles le représentant de l’Armée syrienne libre (ASL) dire explicitement que cette dernière sera démantelée tôt ou tard.

La succession impressionnante de coups portés contre la coalition de tous les côtés m’amène à croire qu’il y a un plan pour se débarrasser d’elle après que son rôle ait été rempli. Il ne suffit pas que son président, Ahmed Jarbe soit assis dans les rangs du public lors de l’Assemblée générale de l’ONU, alors que son prédécesseur Moaz al-Khatib, avait reçu un accueil triomphal au dernier sommet arabe à Doha, mais il y a aussi les déclarations faites par des groupes d’insurgés syriens affirmant qu’ils refuseront de reconnaître Ahmed Jarbe comme représentant ou porte-parole de l’opposition dans le cas où une deuxième Conférence de Genève a lieu.

J’ai été surpris quand j’ai participé au programme Hadeeth Al-sa’a sur la BBC en langue arabe ce samedi après-midi. Le porte-parole de l’ASL, le général brigadier Hossam El Din, a annoncé depuis le Caire que son armée ne reconnaissait plus la coalition car celle-ci n’a atteint aucun de ses objectifs et n’a rien à voir avec les groupes de combattants sur le terrain. Il est allé encore plus loin en accusant les Frères musulmans de contrôler la coalition ainsi que son comité exécutif. Pour aggraver les choses, Khaled Nasser, troisième participant à l’émission et porte-parole de la coalition, a tenté avec virulence de défendre la coalition et a nié la présence de divergences dans ses rangs et tout contrôle par les Frères musulmans.

Toutefois, il a admis que la plus récente réunion de la direction de la coalition dans un hôtel d’Istanbul, a dû traiter de nombreux litiges concernant l’augmentation à 14 des sièges occupés par les Kurdes, la reconnaissance de leur identité nationale et leur demande de retirer le mot « arabe » du nom de République Arabe Syrienne. Khaled Nasser a également dit faire partie de ceux qui s’opposent à ces concessions, ce qui m’a semblé assez courageux de sa part.

La Coalition nationale syrienne est donc à l’agonie, surtout après que 17 factions islamistes, notamment le Front al-Nusra, Ahrar al-Sham et la Brigade al-Tawhid, aient publié une déclaration où est annoncé le retrait de leur reconnaissance du groupe en tant que représentant de l’opposition. L’ASL a fait de même, mais dans une déclaration distincte. Ceci signifie que cette coalition ne peut plus prétendre être seule représentante de l’opposition syrienne. Doit-elle même avoir un siège à la deuxième conférence de Genève qui - Ban Ki-moon l’a confirmé - aura lieu à la mi-novembre sous les auspices de la Russie et des États- Unis ?

En tout cas, je ne crois pas que cette conférence, qui a déjà été reportée à plusieurs reprises, aura lieu à la date prévue parce que l’opposition syrienne est fragmentée et ses conflits internes prennent maintenant le pas sur ceux avec le régime. En outre, même si ses partisans tentaient de régler leurs différends et de s’unifier sous l’égide de la coalition, ce serait une tâche ardue et même impossible vu que la conférence doit débuter dans un mois et demi.

Par ailleurs, comment cette conférence pourrait-elle imposer un règlement politique en Syrie alors que plus de la moitié des groupes qui combattent le régime sur le terrain, à savoir les groupes djihadistes, ne reconnaissent aucune autorité à Genève, et que les deux organisateurs de la conférence ont comme objectif commun de démanteler ces groupes, estimant que leur existence est plus dangereuse que l’actuel régime syrien lui-même. En outre, il n’est pas exagéré de dire que cet objectif aujourd’hui partagé par les deux pays, est ce qui a renversé l’équation de la crise syrienne.

Il est important de noter que l’alliance arabo-turque qui appuie la Coalition nationale syrienne depuis deux années et demi, n’a même pas été consultée sur aucun de ces sujets. Elle a dû se contenter d’assister à l’arrangement entre les États-Unis et Russie et à l’avènement d’une période de lune de miel américano-iranienne.

Les bateaux de guerre américains et britanniques qui se pressent dans les eaux du golfe Persique ne semblent pas inquiéter outre mesure les Iraniens, mais ceux qu’ils inquiètent, ce sont les Arabes qui ont dépensé plus de 130 milliards de dollars en armements pour faire face à la prétendue menace iranienne. Quant à l’Iran, ce pays dépend de lui-même et de son propre arsenal, et il annonce tous les deux mois la production de nouvelles armes dont la plus récente est un drone capable de transporter 4 missiles à la fois.

Ces développements iraniens et syriens ne justifieraient-ils pas un sommet arabe ou même des pays du Golfe ? Il devrait y avoir une stratégie unifiée, reconnaissant l’échec de la stratégie suivie au cours des deux dernières années à la fois au niveau politique et médiatique. Les États arabes devraient reconnaître qu’ils ont été bradés par les Américains.

Les États du Golfe ont vraiment de sérieuses questions à se poser.

* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

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1e octobre 2013 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeastmonitor.com/ar...
Traduction : Info-Palestine.eu


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