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Un groupe de réflexion : la mauvaise image internationale d’Israël n’est pas le fait d’un échec de la propagande

jeudi 3 janvier 2013 - 09h:35

Barak Ravid – Ha’aretz

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Une étude révèle que le travail de sensibilisation d’Israël est devenu l’un des plus efficaces et des plus productifs au monde, mais que néanmoins Israël souffre d’un problème d’image, qui est plus le résultat de la politique du gouvernement israélien.

Sur la guerre de communication menée par Israël, voir, déjà sur Info-Palestine  :

Les médias sociaux dans la guerre : le potentiel et les limites - de Yoel Cohen - The Jerusalem Post – 24 décembre 2012.

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Le cumul d’annonces de nouvelles constructions dans les colonies a terni l’image d’Israël même chez ses plus proches sympathisants. Ici, à Gilo.




L’ambassadeur d’Israël en République tchèque, Yaakov Levy, est envié par tous les diplomates israéliens des autres pays de l’Union européenne. Comparée à celle de nombreux ambassadeurs israéliens qui font face à des critiques sévères et à des dénonciations dures, la vie de Levy à Prague est paradisiaque. Aujourd’hui, la République tchèque est le plus proche ami d’Israël de l’UE. En effet, elle fut le seul des 27 États membres de l’UE à voter contre la récente initiative palestinienne pour un État aux Nations-Unies.

Mais il y a dix jours, Levy s’est installé à son bureau de l’ambassade et a rédigé un bref mémorandum intitulé, Conférences en République tchèque : comment nous avons réussi à mettre les colonies à l’ordre du jour. En cinq courtes lignes, pleines de cynisme et de désespoir, Levy dépeint comment l’opinion tchèque, qui normalement est favorable à Israël, a commencé à reculer devant sa politique en Cisjordanie.

« Au cours des deux dernières semaines, j’ai participé à neuf forums différents dans toute la République tchèque », écrit l’ambassadeur d’Israël dans un message à Rafael Barak, directeur général du ministère des Affaires étrangères, et aux branches Europe et Information du ministère. « Alors que la gentillesse et la compréhension envers Israël restaient intactes au lendemain de l’opération Pilier de Défense, j’ai rencontré – pour la première fois en quatre ans de présence – des questions critiques à propos des colonies. Ceci est lié avec le cumul d’annonces publiées en Israël sur le projet E-1. Nous avons réussi ! ».

Levy est un diplomate chevronné et il est considéré comme un ambassadeur qui a réussi. Il consacre un temps considérable à des rencontres avec les journalistes et les faiseurs d’opinion, les étudiants, les universitaires et, bien sûr, les responsables politiques. Et pourtant, si talentueux qu’il soit, Levy n’est pas récompensé de ses efforts à expliquer la conduite du gouvernement israélien de ces dernières semaines, même dans ses relations avec une opinion tchèque compréhensive.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et ses proches conseillers croient qu’une présentation plus pertinente des « arguments » d’Israël et qu’un travail de sensibilisation accru conjureront pour une grande part les malheurs du pays dans l’arène internationale. Durant le mandat précédent en tant que Premier ministre de Netanyahu, certains des moments les plus forts sont venus de discours qu’il avait prononcés dans le monde. Mais cela signifie-t-il que son assertion sur la sensibilisation soit juste ?

Selon une nouvelle étude conduite par le Molad, le Centre pour le renouveau de la démocratie israélienne, la réponse est non. Le Molad reconnait que le plaidoyer israélien peut effectivement être amélioré, mais il réfute l’affirmation que la campagne de sensibilisation d’Israël est inefficace. En fait, indique l’étude, au lendemain de la deuxième guerre du Liban, l’effort de sensibilisation d’Israël est devenu l’un des plus efficaces et des plus productifs au monde – bien plus efficace que les campagnes engagées par les organisations anti-israéliennes. Même si l’étude du Molad note qu’Israël souffre effectivement d’un problème d’image, la raison, argue l’étude, est sans rapport avec une défectuosité de la sensibilisation.

Le Molad, créé il y a moins d’un an, est un groupe de réflexion qui se consacre à fournir la gauche libérale d’Israël en idées nouvelles en matière de politique étrangère et de sécurité, de même que sur les questions socioéconomiques. La nouvelle étude est la première publiée par le Molad dans le cadre d’un travail visant à insuffler les idées de gauche dans le discours public israélien. Cet effort, croit le Centre, aidera à ressusciter un camp politique actuellement sur son lit de mort.

L’effort de sensibilisation d’Israël est dirigé par la Direction nationale de l’Information, au cabinet du Premier ministre. Tous les autres organismes officiels de sensibilisation, et il y en a plusieurs - les ministères des Affaires étrangères, de la Diplomatie publique, et des Affaires de la Diaspora, le bureau du Porte-parole des FDI (forces de défense israéliennes), le ministère du Tourisme, l’Agence juive – tous, sont subordonnés à la Direction nationale. Le Forum national de l’Information, comprenant des délégués de ces différents organismes, est en charge de la coordination des messages et de la formulation des stratégies. La direction consulte aussi les médias et les experts en marketing du milieu universitaire et du secteur privé. Et, en plus, le gouvernement conduit un travail de sensibilisation non officiel impliquant des centaines d’activistes d’Israël et de l’étranger, des organisations notamment des organisations sans but lucratif, ainsi que des sympathisants non juifs ; ce travail vise à diffuser les messages d’Israël, principalement aux États-Unis et dans l’Union européenne.

Même si Israël concentre ses efforts de sensibilisation essentiellement sur les grands médias dominants, il n’en néglige pas pour autant Internet. Tous les organismes de sensibilisation officiels ont des comptes Twitter, Facebook et YouTube, et le ministère des AE encourage les diplomates israéliens à l’étranger à discuter et poster des positions à jour sur les réseaux sociaux. Il emploie même une équipe spéciale qui se consacre à l’envoi de réponses pro-israéliennes aux articles publiés dans le monde dans les grands organes de presse mondiaux.

Le ministère des AE investit une somme annuelle sans précédent, 100 millions de NIS (nouveau shekel israélien, soit 20 millions d’€), dans l’image de marque d’Israël ; utilisant des experts, universitaires et faiseurs d’opinion ; et organisant des évènements pro-Israël à travers la planète (dont le défilé annuel Hommage à Israël, à New York, et le festival du film israélien à Paris).

Et ainsi, la question centrale que le Molad pose dans son étude est la suivante : pourquoi, malgré ce travail massif de sensibilisation, le déploiement d’organismes multiples et l’attribution d’énormes sommes d’argent, existe-t-il toujours le sentiment très répandu que la campagne de sensibilisation d’Israël est de moindre qualité que la campagne anti-Israël, considérée comme beaucoup plus sophistiquée et efficace.

Une explication proposée repose sur la thèse de la « délégitimation », une théorie qui a fait, ces dernières années, des adeptes dans le milieu de la sécurité et du ministère des AE. Les auteurs de l’étude du Molad, cependant, soutiennent que ce terme est problématique. « Selon cette définition, pratiquement toutes les organisations des droits de l’homme qui opèrent en Israël, même celles qui s’identifient comme étant sans réserve patriotes à l’égard d’Israël, sont susceptibles d’être rangées dans le cadre de la campagne mondiale de délégitimation d’Israël  » affirme l’étude. « Cette définition permet au gouvernement d’interdire toute critique portée contre sa politique, quelle que soit la légitimité de cette critique, en prétendant que la critique s’inscrit dans une croisade de délégitimation d’Israël, et que par conséquent, elle est illégitime. »


L’autre aspect du problème

Après son analyse du travail de sensibilisation d’Israël, l’étude du Molad utilise les mêmes outils et critères pour évaluer l’efficacité de la campagne anti-Israël. Elle estime que les différents efforts anti-Israël n’ont pas réussi à coordonner et unifier correctement leurs messages. Les organisations ne fonctionnent pas sous l’égide d’un groupe ; dans de nombreux cas, ils agissent séparément les uns des autres. Contrairement à Israël, avec son Forum national de l’Information, il n’existe aucun groupe unique anti-Israël qui prend la responsabilité pour tous de fixer un agenda commun.

En outre, le rôle et l’influence de l’Autorité palestinienne sur la sensibilisation anti-Israël est limité. « Plus que tout  », affirme l’étude, « la conduite de ces organismes reflète l’échec absolu de la campagne de sensibilisation anti-Israël à fédérer les organisations et militants dans ce contexte autour d’un message officiel unique, cohérent.  »

« A part les principes de base  » continue-t-elle, « ces groupes manque d’idée ou d’objectif communs qui pourraient les consolider en tant que partenaires dans un organisme officiel unique ».

L’étude soutient qu’alors que les organisations anti-Israël voient généralement Internet et les réseaux sociaux comme leurs premières plates-formes, elles ne parviennent pas à utiliser une stratégie en ligne sophistiquée, efficace, comme celle déployée par les experts en sensibilisation israéliens. De plus, les groupes anti-israéliens ignorent presque totalement les grands organes de presse – les journalistes de presse et de télévision -, toujours d’après l’étude.

Dans de nombreuses situations, affirme-t-elle, Israël fait valoir les organisations anti-Israël. L’étude pointe la Semaine anti-apartheid israélien qui, en contraste avec la somptueuse couverture qui lui est accordée par les médias israéliens, n’est en réalité qu’un évènement annuel marginal sur des campus universitaires et elle a un impact négligeable dans les débats menés dans les établissements d’enseignement supérieur. Quelques centaines seulement d’étudiants prennent part aux Semaines anti-apartheid, et ils ne reçoivent qu’une maigre couverture dans la presse américaine. Alors qu’à l’inverse, la Semaine d’Israël pour la paix, sur les campus, reçoit une couverture relativement large dans ces mêmes médias américains.

L’étude du Molad atteste qu’un autre avantage important profite aux partisans d’Israël. Les personnalités publiques associées à Israël et avec des positions pro-israéliennes sont pour la plupart des acteurs clés dans les domaines de la culture, des affaires et de l’université ; à l’inverse de celles qui se mobilisent pour la campagne anti-Israël et qui ne sont que des acteurs marginaux : Noam Chomsky et Desmond Tutu ont moins d’impact que des partisans d’Israël comme Bar Refaeli et Steven Spielberg, toujours d’après l’étude.

Qui plus est, les organisations anti-Israël attirent principalement les personnes ayant une affinité idéologique claire avec leurs objectifs, surtout dans la gauche radicale en Occident, et aussi les groupes de la Diaspora palestinienne. Contrairement aux efforts de sensibilisation israéliens, les organisations anti-Israël ignorent quasiment totalement les journalistes, les présentateurs de télévision, les artistes et les intellectuels, au premier plan du centre politique, mais qui n’ont aucune affinité idéologique avec eux.

« Les fonds pour la sensibilisation anti-Israël proviennent surtout de personnes privées et de petites entreprises et, à part un petit nombre d’artistes et d’écrivains, il est difficile de trouver des personnalités qui se mobilisent sans ambiguïté pour le programme anti-Israël », affirme l’étude.

Une activité qui aurait été apparemment réussie par les organisations anti-Israël ces dernières années est la campagne BDS (boycotts, désinvestissement et sanctions). Stevie Wonder, Elvis Costello et les Pixies sont quelques-uns des artistes internationaux qui ont annulé des représentations en Israël ces années passées en raison des pressions d’organisations anti-Israël. De nombreux universitaires israéliens ont également subi les conséquences des boycotts universitaires, et certaines sociétés multinationales ont décidé de limiter leurs engagements commerciaux avec des entreprises israéliennes.

Néanmoins, l’étude soutient que la campagne BDS ne peut être considérée comme une réussite stratégique pour les organisations anti-Israël – des groupes qui sont eux-mêmes divisés sur la valeur de la campagne. L’étude suggère que les organisations anti-Israël arrivent à mobiliser des faiseurs d’opinions pour la campagne de boycott à l’aide de menaces, implicites ou directes. «  Même si cette méthode a remporté quelques succès, elle est limitée en termes de capacité à promouvoir les objectifs (anti-Israël) » conclut l’étude.

Les organisations anti-Israël manquent aussi d’un message positif sous-tendant leurs efforts, déclare-t-elle. « Elles se basent sur une stratégie critique négative fondée sur des affirmations, une autojustification, des plaintes et des menaces, d’une façon qui réduit le partenariat et empêche la création d’une image positive dans un public plus large  » dit l’étude. « Quand la campagne anti-Israël s’occupe de son image commerciale, elle focalise ses efforts pour présenter Israël comme un État agresseur et le dépeindre comme violeur de série des droits humains ».

Avec tout cela à l’esprit, l’étude conclut que «  la critique radicale qui s’est élevée contre la sensibilisation israélienne est déconnectée de la réalité – le problème de la sensibilisation n’est rien d’autre qu’un mythe. Si Israël souffre d’un isolement au niveau diplomatique et d’une mauvaise image dans le monde, il ne faut pas en chercher la cause dans un échec de la sensibilisation.  »

« Au lieu de s’intéresser au lien entre la politique du gouvernement israélien et l’image du pays » poursuit-elle, on a laissé s’installer « un mythe qui met l’accent sur un ‘problème de sensibilisation’ provoqué par les organisations et institutions anti-Israël qui exploitent le deux poids deux mesures et même les tendances antisémites dans la communauté internationale afin de nuire à Israël  ».

L’étude insiste en disant que « gonfler la propagande anti-israélienne d’un côté, et gonfler les critiques de la sensibilisation israélienne de l’autre, détournent l’attention du public loin des liens de causalité entre l’érosion de l’image d’Israël et de son statut international, et la politique de son gouvernement  ».

La semaine prochaine à Jérusalem, le ministère des Affaires étrangères tiendra sa conférence annuelle des ambassadeurs du pays à travers le monde. Au cours des réunions précédentes, l’ex-ministre des AE, Avigdor Lieberman, faisait des reproches, insultait les ambassadeurs d’Israël, les participants à la conférence. Il prétendait qu’au lieu d’expliquer la politique et les positions d’Israël avec plus de fermeté, et de défendre l’ « honneur national », les diplomates du pays se recroquevillaient et capitulaient dans le monde entier.

Mais aujourd’hui, Lieberman, acculé par les mises en accusation, a quitté le ministère des AE, et la conférence des ambassadeurs cette année pourrait être la bonne occasion pour discuter des conclusions du Molad. Le directeur général du ministère, Rafael Barak, ferait bien de distribuer l’étude à chaque ambassadeur présent à la conférence.

Tous les propagandistes à l’oeuvre : http://www.haaretz.com/polopoly_fs/...

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30 décembre 2012 - Ha’aretz - traduction : Info-Palestine/JPP


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