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G4S en Israël : les soldats de l’occupation mondiale

lundi 2 juillet 2012 - 06h:36

Joe Dyke & Tarek Abboud

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Vous n’en savez pas beaucoup sur G4S, mais il est quasiment certain qu’eux savent des choses sur vous.

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L’ampleur de l’activité de G4S au Liban est mal connue, et il n’est pas rare de voir des hommes portant des vêtements avec le logo de la société en train de garder des sociétés privées à Hamra en Beyrouth.
Photo : Al-Akhbar - archives




La plus importante société mondiale de sécurité, opérant dans plus de 125 pays et employant plus de 650 000 salariés à travers le monde, serait le deuxième plus gros employeur privé au monde, derrière Walmart. Ils assurent la sécurité sur 150 aéroports et pour d’innombrables sociétés privées, ils remplissent une mission de police au Royaume-Uni et G4S est la principale société de sécurité pour les Jeux olympiques 2012 à Londres ; de sorte que pour eux, c’est leur travail de savoir qui vous êtes.

Connue comme une concurrente impitoyable, la société britannico-danoise a récemment cherché à s’étendre au-delà de sa base traditionnelle, européenne et états-unienne. Le Moyen-Orient représente l’une de leurs principales cibles, avec des opérations dans la région qui montent à 410 millions de dollars et un peu moins de 50 000 salariés.

Les contrats que cette société impénétrable a officiellement déclarés comprennent la sécurité privée sur des aéroports en Iraq, aux Émirats arabes unis et au Qatar, on la connaît aussi pour assurer la garde d’ambassades états-uniennes et européennes dans des pays dans le monde entier, notamment en Afghanistan.

Mais G4S a un côté bien plus sombre que les brochures officielles voudraient vous le laisser croire. D’abord, il y a ces accusations selon lesquelles elle s’est trouvée impliquée dans des sévices contre des détenus britanniques. Plus récemment, il y a eu des preuves accablantes sur son rôle dans l’occupation illégale israélienne de la Cisjordanie.

Un rapport de l’organisation Who Profits ?, dont l’objet est d’attirer l’attention sur les sociétés privées qui font de l’argent avec l’occupation qui se poursuit de la Palestine historique, détermine quatre rôles clés qu’assume G4S en Cisjordanie.

« Premièrement, la société a fourni des équipements et des services sécurité à des centres de détention qui retiennent des prisonniers politiques palestiniens à l’intérieur d’Israël et en Cisjordanie occupée. Deuxièmement, la société propose ses services en matière de sécurité à des entreprises qui opèrent dans les colonies ; troisièmement, la société a fourni des équipements et des services de maintenance pour des check-points militaires israéliens en Cisjordanie. Quatrièmement, la société a également fourni des systèmes de sécurité à des sièges de la police israélienne en Cisjordanie ».

De tous ces rôles, c’est le premier - dans les prisons israéliennes tant en Cisjordanie qu’en Israël - qui lui a attiré le plus de critiques. Sahar Francis, directeur de l’association palestinienne Addameer, association d’aide aux prisonniers, souligne que les prisons en Israël comme le soutien à de telles institutions sont illégaux en vertu du droit international.

« Selon la Quatrième Convention de Genève, l’État occupant ne peut déplacer une population occupée - en l’occurrence, la population palestinienne - du territoire occupé à l’intérieur du pays occupant » soutient-elle.

Francis décrit les conditions auxquelles les prisonniers palestiniens sont souvent soumis à l’intérieur de ces prisons. « Ils sont confrontés à des fouilles à nu, à l’isolement, à des agressions, il leur est interdit de faire des achats en dehors de la cantine » dit-elle. « Depuis l’an dernier, tous les systèmes éducatifs leur sont totalement supprimés - aujourd’hui, ils n’ont pas le droit d’étudier, et c’est avec difficulté qu’ils arrivent à obtenir des livres - et ils sont souvent interdits de visites de leur famille, spécialement ceux de de Gaza » ajoute-t-elle.

L’Europe réagit, pendant que les Arabes se taisent

Sans doute est-il étonnant de voir que c’est parmi les responsables politiques européens, plutôt qu’arabes, que se dégage une majorité qui, officiellement, boycotte Israël, et conduit une campagne contre l’implication de G4S dans l’occupation.

Jusqu’au début de cette année, G4S a été responsable de la sécurité pour les immeubles du Parlement européen, mais après une campagne dirigée par l’eurodéputée danoise, Margrete Auken, le contrat a été donné à une société concurrente. Officiellement, le contrat n’a pas été renouvelé, mais Auken pense que le mouvement a suffisamment fait connaître la société pour qu’une telle décision soit devenue incontournable.

« Je pense qu’il a été habile de la part des fonctionnaires du Parlement d’utiliser cet argument (que le contrat n’était pas renouvelé), sinon, ils se seraient trouvés engagés dans tout un tas de procès. Je pense qu’il leur aurait été difficile de renouveler le contrat avec G4S après la campagne » a-t-elle déclaré à Al-Akhbar.

Alors que le rapport annuel 2011 de la société reconnait les « critiques » sur son rôle en Cisjordanie, Auken s’est dit surprise par le manque d’intérêt manifesté par les hauts responsables pour le rôle de G4S aidant à une occupation illégale.

« Nous avons eu des réunions avec G4S et ils ont été incapables de discerner le problème. C’est comme s’ils n’étaient pas conscients du fait que les colonies sont illégales » dit-elle.

« Quand nous leur avons dit "vous travaillez pour une puissance occupante dans un territoire occupé", ils ont pris cela comme si on lançait un débat politique. Alors que selon le droit international et la législation européenne, elles (les colonies) sont illégales. Pour l’Union européenne, l’occupation est illégale, les colonies sont illégales, le mur est illégal et la détention de prisonniers palestiniens dans des prisons en Israël est illégale », affirme-t-elle.

La campagne de l’Union européenne contraste radicalement avec le silence des États arabes, même ceux qui sont censés boycotter Israël. La brochure annuelle de l’entreprise se vante de son rôle en Iraq, et se dit fière d’avoir obtenu un énorme contrat avec le gouvernement pour assurer la sécurité aérienne sur l’aéroport de Bagdad. En fait, le Moyen-Orient est considéré par la société comme l’une des régions clés de croissance pour les années à venir.

« Au Moyen-Orient, on a connu une croissance organique à deux chiffres (hors Iraq) - une excellente performance dans toute la région. Au Qatar et en Égypte nos résultats sont particulièrement forts, avec le Qatar aidé par le nouveau contrat aéroportuaire... Aux Émirats arabes unis, les affaires ont été confrontées à une pénurie de main-d’ ?uvre et au contexte économique général à DubaÏ, lequel a affecté notre activité en systèmes de sécurité, mais nous avons réussi à obtenir des contrats comme celui de l’aéroport de Dubaï et pour la sécurité lors d’évènements », dit la revue.

Alors que l’Égypte, la Jordanie, le Qatar et d’autres ont normalisé leurs relations avec Israël à des degrés plus ou moins grands, le Liban est l’un des rares pays de la région censé soutenir le boycott de la Ligue arabe contre Israël avec un réel sérieux. Les termes du boycott prévoient que les entreprises des pays non arabes qui opèrent en Israël doivent être empêchées d’opérer aussi à l’intérieur des frontières libanaises.

Alors que cette règle est souvent largement ignorée s’agissant des conglomérats occidentaux, Haitham Bawad, du département Boycott du ministère de l’Économie du Liban, pense que de par la nature de l’implication de G4S dans les prisons israéliennes, cette entreprise ne doit pas être autorisée à avoir une activité dans le pays.

« Permettre à G4S d’opérer au Liban va à l’encontre des règles du boycott au Liban. Suite à nos investigations, nous avons adressé un courrier au bureau principal, lui demandant d’exclure la société des discussions lors de la prochaine Conférence sur le Boycott. »

Interrogé sur les sanctions qui étaient à l’étude, Bawad a répondu qu’« elles comprenaient l’interdiction pour G4S de travailler sur le territoire libanais et l’interdiction pour les sociétés publiques et privées libanaises de travailler avec G4S. En outre, aucun produit G4S ne doit être autorisé à entrer au Liban. »

Si on parvenait à un accord unitaire, alors il serait profondément dommageable pour le business de G4S dans tout le Moyen-Orient, avec des pays comme l’Iraq qui serait forcé de modifier leur politique.

Mais voilà le hic. La Conférence sur le boycott a lieu habituellement à Damas, tous les six mois. Le désarroi politique qui se prolonge dans le pays oblige à écarter tous les évènements de ce genre, et la Conférence qui devait se tenir en avril a été annulée. Il y a encore d’autres complications, car si elle se tenait ailleurs, plusieurs pays pourraient empêcher les délégués syriens d’y participer pour des raisons politiques, suscitant une crise avec Damas. Pour l’instant, aucune date n’a encore été fixée pour la prochaine conférence.

Il semble que le Liban soit le seul pays à avoir fait pression pour que G4S soit considérée comme abusant des lois anti-boycott, et une proposition déposée l’an dernier au Comité central du Boycott n’a été examinée que seulement récemment, sans que d’autre pays ajoutent leur contribution.

« Nous en savons assez sur G4S et les règles du boycott lui sont applicables. Aussi, il ne devrait pas être nécessaire de reporter une décision qui sera, très probablement, prise lors de la Conférence à venir sur le boycott », a dit Bawab avec optimisme.

Pourtant Bawab pourrait bien trouver une opposition même au Liban, contre toutes restrictions au commerce lucratif. L’ampleur de l’activité de G4S au Liban est mal connue, Bawad affirmant même ne pas savoir exactement ce qu’elle y faisait. Mais le responsable d’une société sécurité privée concurrente affirme qu’elle emploie « deux ou trois cents types » dans le pays, et qu’il n’est pas rare de voir des hommes portant des vêtements au logo de la société en train de garder des sociétés privés dans le quartier d’Hamra, à Beyrouth.

Al-Akhbar a découvert que la société avait réalisé une étude sur la sécurité pour le compte d’une éminente université du pays, l’Université américaine de Beyrouth. Les 60 pages de ce document confidentiel détaillent les améliorations potentielles pouvant être apportées à la sécurité et recommandent que des agents G4S prennent en charge la sécurité de l’université. L’étude recommande une sécurité beaucoup plus stricte sur les espaces ouverts des campus, d’imposer des règlements plus sévères aux visiteurs du site. Les modifications proposées, indique le document, « amélioreront sensiblement l’interaction entre l’UAB et G4S ».

En fait, la société est soutenue par une majorité de personnalités politiques, dont l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Sebouh Hovnanian. Discutant avec Al-Akhbar, Hovnanian a confirmé que son fils détenait des parts dans la société mais qu’il n’était pas directement impliqué dans la gestion de l’entreprise. Il n’a pas voulu commenter le rôle de la société en Cisjordanie.

Voir également :

- Au gouvernement britannique : Pourquoi permettez-vous à G4S, groupe compromis, d’assurer la sécurité aux JO ? - Donald Macintyre - The Independent
- Pourquoi le Parlement européen doit déchirer les accords d’échanges avec Israël - David Cronin - Investig’Action
- Les prisonniers palestiniens remportent une victoire héroïque - la lutte continue - Omar Barghouti
- Les enjeux de la bataille des prisonniers - José-Luis Moraguès - BDS France/CCIPPP
- Netanyahu durcit les conditions de vie des prisonniers politiques palestiniens - Adri Nieuwhof
- G4S rompt partiellement ses liens avec l’Apartheid israélien - DanWatch - Stop The Wall
- Copenhague a annulé les contrats avec G4S - Source : JV.dk
- Tribunal Russell sur la Palestine - Gabrielle Lefèvre

25 juin 2012 - Al-Akhbar - traduction : Info-Palestine.net/JPP


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