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Intifada : un troisième chapitre ?
samedi 28 mars 2009 - Ramzy Baroud
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Une troisième Intifada, aux yeux de beaucoup, pourrait accomplir une tâche essentielle : celle de reconstruire l’unité palestinienne...

Maintenant que la poussière est retombée sur Gaza, les décombres des innombrables immeubles, maisons et mosquées en ruines sont loin d’être dégagés. Les tombes continuent à recevoir les victimes, jeunes ou âgées, de la toute récente offensive israélienne. Et au milieu de tout cela, avec l’espoir d’un minimum de répit et de reconstruction à l’horizon, des rumeurs de troisième Intifada circulent parmi les dirigeants politiques et les intellectuels comme parmi les gens du peuple.

Alors que la première puis seconde Intifadas palestiniennes étaient des réponses spontanées et prévisibles à une injustice institutionnalisée et bien que ces soulèvements favorisaient un grand sens de la communauté et de la fraternité parmi les Palestiniens du monde entier, les nombreuses années d’insurrection restent parmi les plus douloureuses dans l’histoire palestinienne.

Il n’est pas facile d’isoler des dates et des événements précis qui ont pu provoquer des révolutions populaires. La véritable rébellion collective ne peut pas être rationalisée en une ligne logique traversant le temps et l’espace ; il s’agit plutôt d’un point culminant d’expériences qui unissent l’individu au collectif, leur conscience à leur subconscient, leurs rapports avec leur environnement immédiat avec ce qui est moins immédiat, le tout se heurtant et éclatant en une fureur qui ne peut pas être endiguée.

L’éruption de la première et de la deuxième Intifadas ne peut pas être totalement expliquée par un seul individu, parce que cela a signifié différentes choses pour différentes personnes. C’était une réaction populaire et spontanée à l’injustice et à l’humiliation ressenties quotidiennement par les Palestiniens vivant dans les territoires occupés. Mais c’était également une forte déclamation, faite collectivement et disant que les Palestiniens lutteront jusqu’à ce que leur liberté soit enfin gagnée.

Il y a plusieurs facteurs qui ont amené beaucoup de personnes à croire qu’une reprise du soulèvement, ou une troisième Intifada, serait simplement une réponse normale à la situation actuelle sur le terrain. Les arrestations en masse, les emprisonnements injustes de personnes à qui ont déni le droit à un procès et les assassinats ciblés sont certaines des nombreuses cruautés imposées aux Palestiniens et qui les poussent à se révolter ou alimentent leur rébellion.

Mais certains des sujets les plus condamnables tout au long de ces années ont été les crimes de démolitions de maisons, de construction de colonies dans les territoires occupés et le nombre croissant de colons s’installant dans ces colonies qui ne cessent de s’étendre.

Dans une entrevue récente avec l’agence de presse Ma’an, le gouverneur de l’Autorité palestinienne pour Jérusalem a averti que la démolition planifiée de 100 maisons palestiniennes et le déplacement forcé de presque 1000 personnes de la zone occupée de Jérusalem renforceraient certainement la possibilité d’une troisième Intifada. « Ceci est maintenant clair pour la communauté internationale, et notre position dans l’Autorité palestinienne est très claire aussi : aucune négociation, aucun processus de paix avec des colonies, » a-t-il insisté.

On craint fortement que le plan israélien, décrit comme « un nettoyage ethnique au ralenti », évolue maintenant en un projet colonial accéléré. Ces craintes ont été confirmées par le mouvement israélien « la Paix maintenant », dans un communiqué de presse publié le 2 mars.

« Le ministère [israélien] de la construction et du logement prévoit de construire au moins 73 300 unités d’habitations en Cisjordanie, » a rapporté « la Paix maintenant ». Cette association a en outre déclaré que les plans en question au ministère israélien du logement « représentent seulement une petite partie de tous les projets existant dans les colonies ».

« Au moins 15 000 unités de logement ont été déjà approuvées et des projets pour 58 000 unités additionnelles doivent encore être approuvés, » a déclaré l’organisation qui a aussi conclu que sur le nombre d’unités déjà approuvées par le gouvernement israélien, presque 9000 ont été construites. « Si tous les projets sont réalisés, le nombre de colons dans les territoires sera doublé. »

Il en découle que la construction de milliers de logements transformerait les réalités démographiques en Cisjordanie et empêcherait toute possibilité d’un Etat palestinien, selon la « vision » courante d’une solution à deux-états.

Les nouvelles unités illégales sont construites sur des terres volées, illégalement confisquée à leurs légitimes propriétaires palestiniens. Avec une telle initiative, Israël frappe volontairement et définitivement d’incapacité la ainsi nommée solution à deux-états, tout en insistant sur le fait qu’une solution à un seul état équivaudrait à « l’annihilation » de l’état juif. Israël construit à nouveau un contexte sans espoir identique à celui qui a mené aux révoltes de 1987 et de 2000, le prix se comptant en milliers de vies humaines.

Que fait alors une nation dans de telles circonstances ? Est-ce que lancer des pierres, faire grève et boycotter les produits israéliens peut-il empêcher un tel dessein ? Et quelle est la responsabilité des pays du monde libre dans ce conflit ? Est-ce qu’ils se contenteront d’observer, comme ils l’ont fait lors des attaques récentes et tragiques contre Gaza, contemplant les crimes de loin ? Escomptent-ils que les Palestiniens courbent l’échine et endurent une réalité si dure et si cruelle, ou au contraire l’explosion d’une nouvelle révolution populaire se produira-t-elle sans surprise ?

Deux générations de Palestiniens qui ont vécu la première et deuxième Intifadas, bombant des graffiti rebelles, lançant des pierres sur les soldats de l’occupation et refusant d’acheter les produits israéliens qui leur étaient imposés (empêchant ainsi la croissance d’une industrie locale palestinienne) n’ont sans doute pas réussi à briser les chaînes d’une nation prise en otage.

Et il se peut que ce soit encore le cas à l’avenir, mais une troisième Intifada, aux yeux de beaucoup, pourrait accomplir une tâche essentielle. Elle pourrait fournir une plate-forme pour que les Palestiniens retrouvent leur unité (en dépit du sectarisme qui prévaut aujourd’hui) et déclarent qu’ils lutteront jusqu’au jour où ils recouvreront enfin leur liberté. Si c’est tout ce qu’une troisième Intifada peut accomplir, alors elle sera pour beaucoup de Palestiniens une épreuve nécessaire et digne.

* Ramzy Baroud est écrivain et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com ». Ses écrits ont été publiés dans de nombreux journaux, magazines et anthologies dans le monde entier.
Son dernier livre est « The Second Palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » (Pluto Press, London).

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

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16 mars 2009 - Communiqué par l’auteur - Traduction de l’anglais : Claude Zurbach