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Le mouvement Hamas : entre résistance et gouvernance - 1e partie
mardi 30 décembre 2014 - Asa Winstanley
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Gaza - Combattants de la résistance palestinienne

Cette contradiction réside entre son projet de résistance armée contre Israël d’une part, et son souhait de participer à un gouvernement d’autre part. Tandis que l’histoire des mouvements de libération nationale dans les pays du sud montre que ces deux buts ne s’excluent pas obligatoirement, elle prouve aussi que ces deux objectifs peuvent être la source d’importants conflits.

La contradiction a été la plus vive depuis 2005, quand la direction politique du mouvement, avec l’acceptation réservée de l’aile armée, a pris la décision de s’inscrire dans la politique électorale de l’Autorité palestinienne [AP].

Avant cela, des listes de candidatures liées au Hamas avaient concouru dans des élections locales et aussi étudiantes, mais la large victoire électorale de 2006 a propulsé le mouvement dans une position de pouvoir qui a été une surprise pour tout le monde, y compris peut-être pour les gens du Hamas eux-mêmes. De la même façon que pour le Hezbollah au Liban (bien que la comparaison soit très limitée), le Hamas n’avait probablement pas anticipé une victoire électorale aussi complète.

Il aurait sans doute préféré réaliser une très bon score électoral qui lui aurait donné une voix forte dans l’opposition à l’AP. Ceci aurait donné au mouvement un pouvoir de veto, tout en n’ayant pas la charge du gouvernement (dans un non-État, toujours occupé par Israël). Ceci lui aurait permis de se concentrer sur son projet de résistance.

Néanmoins, une fois la victoire électorale du Hamas devenue évidente, il n’y avait plus moyen de reculer et il a pris en charge le gouvernement. Après le rejet par le Fatah - qui trouvait la potion dure à avaler d’avoir été puni dans les urnes pour ses années de « négociations » futiles avec Israël - d’une tentative de courte durée de former un gouvernement « d’unité nationale » en 2006, le Hamas a formé un gouvernement avec ses propres ministres et quelques indépendants (dont un chrétien). Des négociations ultérieures ont mené à un gouvernement « d’ unité » de courte durée dont les missions ont été négociées en Arabie Saoudite.

Les contradictions inhérentes d’un mouvement de résistance participant à des élections pour une institution comme l’Autorité Palestinienne sont bientôt devenues trop fortes. L’Autorité Palestinienne n’est pas un gouvernement comme un autre, en dépit des très critiquables tentatives actuelles en Europe de le reconnaître comme « État de la Palestine ». Il n’y a aucun État palestinien de quelque substance que ce soit : l’intégralité de la Palestine historique entre le fleuve Jourdain et la mer Méditerranée est entièrement sous le contrôle d’Israël. Les forces de l’AP n’ont aucun choix si ce n’est d’obéir aux ordres des Israéliens. Et c’est même leur unique raison d’être.

L’AP a été formée dans le cadre des Accords d’Oslo de 1993, signés entre Israël et l’Organisation de Libération de Palestine. L’intention derrière cet accord a été parfaitement résumée par celui qui était alors un des plus grands intellectuels palestiniens, Edward Said, qui a presque immédiatement décrit cet accord comme « la reddition palestinienne, le Versailles palestinien ». Oslo était une victoire pour Israël : son but, sous les auspices des États-Unis, était de liquider l’OLP comme projet de résistance. Aujourd’hui, l’OLP n’a plus la moindre existence substantielle.

Depuis son commencement, le principal raisonnement de l’AP était de renforcer la l’occupation israélienne en jouant le rôle de force d’appoint. Ceci a réduit, ou même à éliminé une grande partie de la charge financière que représentait l’occupation de la Cisjordanie et la Bande de Gaza sur le budget israélien. Le budget de l’AP pour faire vivre et fonctionner toutes ses nombreuses milices armées et polices secrètes a depuis longtemps surpassé n’importe quelle dépense sociale au profit de la population palestinienne dans son ensemble. L’existence de l’AP fournit également à Israël un amortisseur commode entre lui-même et la colère des masses palestiniennes contre l’oppression et l’injustice israéliennes. C’est une soupape de sûreté pour l’occupation.

Ainsi, quand le Hamas a semblé vouloir rééquilibrer les appareils de sécurité de l’AP après l’élection, les appuis de l’AP - les États-Unis, Israël et l’Union Européenne - n’en ont rien voulu savoir. Ils ont décidé immédiatement de ne pas tenir compte des résultats d’une des élections les plus démocratiques que le Moyen-Orient avait jamais vues.

Après avoir tenté pendant plusieurs année, avant sa mort en 2004, de miner la présidence de l’AP de Yasser Arafat, le chef de l’OLP, en exerçant des pressions pour qu’il remette son pouvoir à un premier ministre non élu (Mahmoud Abbas : qui d’autre), les pouvoirs occidentaux ont bientôt mystérieusement changé d’attitude quant à la répartition du pouvoir après les élections. Le dirigeant du Hamas, Ismaël Haniyeh, a été dûment élu à la tête de liste du Hamas « Réforme et Changement », et il est ainsi devenu Premier ministre.

Soudainement, tout la question était combien il était important pour la présidence de l’AP (Abbas) de maintenir le contrôle de certaines fonctions clé et surtout des appareils de sécurité. Ainsi certains pouvoirs sont revenus à la présidence. Ceci a exposé au grand jour toute l’hypocrisie manifestée sous l’ère de George W. Bush, lorsque celui-ci disait vouloir tordre le bras d’Arafat pour qu’il nomme un premier ministre plus complaisant. Arafat était alors considéré insuffisamment docile face aux diktats israéliens. Et c’était encore plus le cas pour le Hamas.

L’histoire complète est racontée en détail ailleurs, mais il nous suffira de noter que, encouragé par leurs appuis occidentaux, les forces du Fatah à Gaza sous la férule du brutal seigneur de la guerre Mohamed Dahlan, ont tout fait pour allumer une guerre civile dans les rues de Gaza, faisant beaucoup de tués parmi les civils pris dans les échanges de tirs. Chapeauté par les Américains et leurs divers marionnettes régionales, Dahlan a tenté un coup de force pour renverser le gouvernement élu.

Cependant, le Hamas a vu le coup venir et a agi rapidement en expulsant les forces de Dahlan de la Bande de Gaza et le coup a été écrasé dans l’œuf. Mahmoud Abbas a répondu par un coup de force en Cisjordanie, pourchassant et arrêtant un grand nombre de partisans du Hamas, plus faible dans cette partie de la Palestine. Deux gouvernements ont alors fonctionné en parallèle à Gaza et à Ramallah jusqu’à la « réconciliation » au printemps de cette année.

L’accord du mois d’avril entre le Fatah et le Hamas signifiait avant tout que le Hamas rendait les rênes du pouvoir au « président » non élu, Mahmoud Abbas. Un loyaliste d’Abbas est maintenant premier ministre de la Cisjordanie et de Gaza.

À La différence du Fatah et la défunte OLP, le Hamas n’a jamais accepté de déposer les armes de la résistance, comme cela s’est prouvé cet été. Le Hamas a mené une guerre juste et défensive de libération, repoussant l’agression israélienne dans la bande de Gaza, utilisant des méthodes de guérilla et une technologie de plus en plus sophistiquées.

Maintenant, bien que, les contradictions entre les deux projets se révèlent à nouveau, les rumeurs se répandent au sujet d’une réconciliation du mouvement Hamas avec un de ses plus mortels ennemis : Mohamed Dahlan lui-même.

Dans la prochaine partie de cet article, j’examinerai plus en détail l’apparente détente avec Dahlan.

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* Asa Winstanley est un journaliste indépendant basé à Londres qui séjourne régulièrement dans les TPO. Son premier livre “Corporate Complicity in Israel’s Occupation” est publié chez Pluto Press.
Voir son site web.

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20 décembre 2014 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
https://www.middleeastmonitor.com/a...
Traduction : Info-Palestine.eu - Al-Mukhtar