Un rapport Addameer : Israël réprime durement les protestations pacifiques
mardi 28 janvier 2014 - 12h:00
Asa Winstanley
Selon un rapport récent, le soutien à l’international pour les activistes palestiniens en Cisjordanie a incité Israël à prendre des mesures plus répressives.
- Les protestations palestiniennes contre le mur sont une cible privilégiée de la répression israélienne - Photo : APA Images/Najeh Hashlamoun
Le rapport Addameer intitulé Voix Courageuses, Libertés Fragiles et publié le mois dernier détaille la résistance des Palestiniens contre la barrière de séparation israélienne depuis 2003 et les nombreux moyens mis en œuvre par Israël afin de la réprimer.
Selon le rapport, Israël a changé de tactique en 2009. L’armée d’occupation a intensifié son usage de la loi martiale sur les opposants palestiniens stigmatisant ainsi les formes de désaccord et presque toutes les expressions de la protestation palestinienne.
La réponse d’Israël au soutien grandissant à l’international pour les opposants « a été de renforcer sa campagne d’arrestation et de détention des défenseurs des droits de l’homme et de prendre des mesures plus répressives et violentes. »
Le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), lancé par une société civile palestinienne en 2005, a particulièrement fait l’objet de la répression israélienne, mentionne le rapport.
Inquiets du nombre grandissant d’opérations de boycott dans le monde, Israël a sévi les leaders palestiniens : « Les partisans de l’appel du BDS [de 2005] ont subi des arrestations et des restrictions de leurs déplacements, en particulier aux frontières lors de leurs voyages pour mobiliser la communauté active dans la campagne à l’international. »
Addameer est une organisation de défense des droits de l’homme pour les prisonniers palestiniens.
La dictature militaire
La loi titrée Ordre Militaire 101 est aussi vieille que l’occupation israélienne de 1967. Mais le rapport décrit à quel point le régime tyrannique israélien en Cisjordanie en a intensifié son usage depuis 2009.
Le décret « interdit tout rassemblement, manifestation silencieuse, procession ou publication dont l’objet est ’une affaire politique ou alors pouvant être interprété comme ayant un objet politique’ sans pour autant définir ce qui est ainsi qualifié. »
Tout rassemblement de dix personnes ou plus doit, au préalable, être permis par un officier de l’armée israélienne, et ce même au sein de foyers privés. Techniquement, cela interdit même les rassemblements de familles nombreuses suspectés de discuter « politique. »
Le rapport détaille certaines méthodes utilisant cette interdiction afin de donner à la répression israélienne une apparence extérieure légale.
Selon le rapport, ce fut Adeeb Abu Rahme, organisateur au sein du Comité Populaire contre le mur de séparation dans le village de Bilin, qui aura été le premier condamné pour « incitation » en vertu de l’Ordre Militaire 101.
Il ajoute « qu’il a été arrêté le 10 juillet 2009 et inculpé pour incitation, trouble à l’ordre public et présence illégale dans une zone militaire réglementée. »
Bilin est connu dans le monde pour ses années passées à faire campagne et à manifester régulièrement contre le mur de séparation israélien alors construit sur ses terres.
Le film 5 Broken Cameras, qui relate le combat du village, a été nominé aux Oscars et s’est vu décerner L’Emmy Award International du meilleur film documentaire l’année dernière.
Adeeb (qui joue dans le film) « a finalement été relâché le 12 décembre 2010 après une peine d’emprisonnement de 18 mois. »
L’international à l’action, Israël à la répression
D’autres campagnes internationales menées par des Palestiniens en vue de responsabiliser Israël ont également rencontré sa répression. Un nouvel habitant de Bilin a été arrêté après avoir témoigné dans une affaire devant une cour canadienne.
Le rapport mentionne que « peu après son retour du Canada où il a témoigné suite à la pétition lancée par le village de Bilin contre l’entreprise canadienne Green Park International, Mohammed Khatib, coordinateur du Comité d’organisation de la lutte populaire, a été arrêté la nuit du 3 août 2009 avec trois jeunes et deux activistes, un américain et un israélien. »
Les opérations lancées sur les foyers en pleine nuit, dont ceux prenant pour cible les enfants palestiniens, constituent une autre des méthodes favorites des forces d’occupation israéliennes.
Des tribunaux mascarades
L’injuste système d’apartheid en Cisjordanie maintenu par Israël est déjà dûment documenté.
Les colons israéliens en Cisjordanie sont soumis à un système judiciaire indépendant de la loi israélienne. Les Palestiniens vivant au même endroit sont poursuivis en justice devant une cour martiale. C’est la définition même de la loi d’apartheid.
La mascarade des tribunaux militaires israéliens a été illustrée en 2011 lorsque Haaretz a révélé un taux de condamnation grotesque de 99,7 % dans les cours militaires israéliennes en Cisjordanie. Ce sont de véritables procès spectacles.
Le rapport analyse les implications pour les opposants palestiniens organisés pour lutter contre le mur : « Si un Palestinien a été arrêté près du mur, les accusations sont régulièrement exagérées et parfois même fabriquées de toutes pièces. »
L’avocat Limor Goldstein a donné pour exemple (les rajouts viennent du rapport) :
Les preuves utilisées lors des procès ne sont jamais vérifiées. Par exemple, toute personne [palestinienne] ayant touché au microphone [lors de la protestation dans le village de Al-Masara] ont été inculpées pour incitation à la violence. Rien n’a été mentionné sur ce que ces personnes disaient [et sur ce en quoi cela relevait d’une incitation.] C’est un exemple tout à fait typique.
Le rapport se conclut avec des recommandations détaillées à destination d’entités et groupes internationaux. Il résume également les implications de ces mesures sévères prises à l’encontre des opposants Palestiniens désarmés :
C’est le témoignage des actions pacifiques menées par les Comités Populaires dans le but de mettre un terme à la construction du mur. C’est aussi le témoignage d’un régime d’occupation dans lequel Israël semble faire usage de mesures plus draconiennes, en particulier avec l’Ordre Militaire 101.
Bien que cet ordre ait été utilisé contre les Palestiniens durant la première intifada, une nouvelle politique visant à emprisonner les membres des Comités Populaires semble avoir vu le jour depuis 2009, une année clé pour la résistance populaire palestinienne contre le mur et les colonies en termes de réussites diplomatiques et de reconnaissance à l’international.
Cette reconnaissance a été renforcée du fait que l’Union Européenne et l’ONU ont admis que certains de ces Palestiniens arrêtés en vertu de l’Ordre Militaire 101 étaient des défenseurs des droits de l’homme et bénéficiaient donc de protections spéciales.
Le rapport complet est accessible sur le site d’Addameer (format PDF).
Asa Winstanley est un journaliste indépendant basé à Londres qui séjourne régulièrement dans les TPO. Son premier livre “Corporate Complicity in Israel’s Occupation” est publié chez Pluto Press.
Voir son site web.
Du même auteur :
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17 janvier 2014 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/blogs...
Traduction : Info-Palestine.eu - Alexandre C.