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Israël-Palestine : l’Europe doit expier ses fautes
samedi 24 mai 2014 - John V. Whitbeck
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Le « succès » irréversible de l’expérience sioniste doit maintenant être remis en question, écrit Whitbeck - Photo : AFP

Maintenant que le « processus de paix » sous l’égide des États-Unis a rendu l’âme, l’Europe doit prendre l’initiative et tenter de faire quelque chose d’utile pour les Israéliens, les Palestiniens et la paix.

Si les États européens imaginent toujours qu’une « solution à deux États » encore décente est concevable, plusieurs initiatives utiles sont à portée de main. Ils pourraient soutenir et renforcer l’initiative juridique de deux États et se joindre aux 134 États qui ont déjà reconnu diplomatiquement l’État de Palestine. Ils pourraient également exiger des Israéliens requérant un visa pour visiter leurs pays, de produire des documents attestant qu’ils ne sont pas résidents en Palestine occupée. Et de façon plus constructive, ils pourraient imposer et intensifier des sanctions économiques sur Israël jusqu’à ce que celui-ci respecte le droit international et les résolutions des Nations Unies (ONU ) et mette fin à son occupation vieille de 47 années.

Si les États européens ne sont pas disposés à prendre de telles initiatives ou s’ils en sont arrivés à considérer, non sans raison, qu’une « solution [décente] à deux États » n’était plus envisageable et que la seule question qui vaille aujourd’hui est de savoir si l’État unique d’aujourd’hui restera celui de l’apartheid ou pourra être transformé en un régime démocratique, ils devraient réfléchir à leur Histoire et leurs propres responsabilités afin de trouver la meilleure façon d’aller de l’avant.

La dure réalité est que le sionisme est et a toujours été, un rêve d’antisémites devenu réalité, donnant l’espoir que les Juifs puissent être incités à partir et s’installer ailleurs.

Un rêve d’antisémites devenu réalité

L’homme politique britannique Arthur J Balfour, qui a donné son nom à la fatidique déclaration de 1917, était un partisan sincère de la loi sur les étrangers de 1905, spécialement conçue pour endiguer l’afflux en Grande-Bretagne des juifs fuyant les persécutions dans la Russie tsariste.

Plus tard, à la suite de l’Holocauste, une abomination par ailleurs entièrement européenne, les gouvernements européens ainsi que celui des États- Unis, du Canada et de l’Australie ont honteusement écarté les protestations des pays arabes et ont fait de la réinstallation des Juifs déplacés un devoir et une obligation pour l’ensemble monde tout en refusant d’assouplir leurs restrictions à l’immigration, forçant ainsi la plupart [des Juifs déplacés] à chercher à construire une nouvelle vie en Palestine même si beaucoup d’entre eux auraient préféré s’établir ailleurs.

Plutôt que de continuer à s’opposer à la justice, à la dignité humaine et au droit international en soutenant de façon inconditionnelle une expérience ethno-religieuse suprématiste et coloniale, les États européens, qui ne sont plus aujourd’hui antisémites, peuvent et doivent ouvrir leurs portes à tous les juifs israéliens qui pourraient être tentés de construire une vie nouvelle et meilleure pour eux-mêmes et leurs enfants en retournant dans leur pays d’origine, ou en émigrant vers d’autres pays de leur choix. Ils devraient leur offrir un droit immédiat de résidence, une aide généreuse à la réinstallation et un accès rapide à la citoyenneté (s’ils ne l’ont pas déjà) .

Ces « lois de retour » tout à fait sincères seraient profondément philosémites, pro-juives et, oui, anti-sionistes. Elles seraient l’expression d’une reconnaissance morale, éthique et intéressée du fait que le sionisme politique - comme certains autres « ismes » importants du 20ème siècle qui ont un moment saisi l’imagination de millions de personnes - a été une terrible mauvaise idée. mauvaise non seulement pour les innocents saisis et piétinés sur son chemin, mais aussi pour ceux qui l’ont adoptée. Même si elle s’est avérée durable grâce au soutien occidental, cette idée ne mérite pas d’être soutenue. Elle n’a causé - et continuera à causer si elle se perpétue - que trop de graves problèmes pour le monde occidental et ses relations avec le reste de la planète.

Les États occidentaux aiment à invoquer des « mesures de confiance » de la part des Israéliens, des Palestiniens et des autres Arabes sans rien offrir eux-mêmes. Une initiative multinationale pour expier les péchés du passé de l’Europe à l’égard de ses ressortissants juifs en accueillant les juifs israéliens pour qu’ils se réinstallent dans les États européens, constituerait une mesure de confiance extrêmement constructive qui devrait logiquement ne soulever d’opposition que de la part des gens qui sont soit des antisémites, soit des sionistes - ou les deux à la fois.

Un espoir réaliste pour la paix

Dans le pays qui jusqu’en 1948 se nommait la Palestine, la démocratie et l’égalité des droits dans un État unitaire - couplées avec la liberté de choix et d’attrayantes options pour la réinstallation à l’étranger pour ceux qui préfèrent ne pas vivre dans un tel État - devraient offrir un espoir plus réaliste pour la paix avec une certaine mesure de justice que la poursuite sans fin d’un « processus de paix » basé sur une partition.

Cela a été largement reconnu comme un exercice cynique dont l’objectif était de faire durer les choses et en cas de « réussite », de tout simplement légitimer, récompenser et perpétuer le nettoyage ethnique, le racisme et l’apartheid - difficilement une recette pour une paix durable et encore moins pour n’importe quelle mesure de justice.

Les vieilles hypothèses dont le « succès » irréversible de l’expérience sioniste, doivent à présent être remises en question. Même des idées considérées auparavant comme hérétiques comme la transformation pacifique de l’expérience sioniste - au moins en opposition à sa forme actuelle, agressive , exclusiviste, « d’État-nation du peuple juif » - et son remplacement par la démocratie grâce à un choix volontaire plutôt que par la violence, doivent maintenant être prises en considération.

Si les hommes politiques occidentaux se souciaient davantage du bien-être et du bonheur des personnes de confession juive plutôt que d’une minorité de sionistes riches et influents (dont la plupart vivent confortablement et en toute sécurité, loin du Moyen-Orient), alors la démocratie, l’égalité des droits et la liberté de choix - tous les principes auxquels les États occidentaux prétendent être attachés - pourraient en fait venir de la « Terre Sainte ».

Pour encourager les États européens à agir, les gouvernements des États musulmans dont les ressortissants juifs ont émigré en Israël, pourraient et devraient émettre une nouvelle déclaration post-Balfour, stipulant que leurs propres anciens citoyens juifs ainsi que leurs descendants sont invités à revenir dans leur pays d’origine, tout en appelant publiquement et dans le même temps les États européens à faire de même.

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* John V Whitbeck : né en 1946 à New York, juriste international installé à Paris depuis 1976, a été très impliqué dans toutes les négociations de paix au Proche-Orient auxquelles il a participé, dès la conférence de Madrid en 1991, comme conseiller juridique des Palestiniens.

Du même auteur :

- Quelle « destruction d’Israël » ? - 4 mai 2014
- Le sionisme : un rêve pour antisémites - 6 septembre 2013
- Le sionisme : un rêve pour antisémites - 25 novembre 2009
- Si le Kosovo peut être indépendant, alors pourquoi pas la Palestine ? - 21 février 2008
- Sionisme : sur « le droit d’Israël d’exister » - 1° janvier 2007

22 mai 2014 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach