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En Cisjordanie, les "colonies sauvages" israéliennes occupent colline après colline

mercredi 28 février 2007 - 14h:27

Michel Bôle-Richard

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Constructions coloniales (dans toute leur laideur) en Cisjordanie occupée

Pour le moment, il n’y a encore que cinq mobile homes. L’endroit n’a pas encore de nom. On l’appelle la colline 468, chiffre qui correspond à l’altitude. Quelques familles y habitent. Au total, une quinzaine de personnes qui vivent dans un confort rudimentaire. Toutefois, il y a l’eau courante et l’électricité, branchées directement sur la colonie voisine, à un bon kilomètre, Nofei Prat. Une route macadamisée permet d’y accéder. De là, on domine toutes les collines de la Judée, verdoyantes en cette saison. Au loin, on aperçoit Jérusalem et le mont Scopus. Nous ne sommes qu’à 25 km à l’est de la Ville sainte.

"Il me faut une demi-heure pour m’y rendre", explique Pini, guide professionnel. Avec des laïques et des religieux, il a choisi de vivre ici parce qu’il aime le soleil, la nature et parce qu’à ses pieds "il y a deux mille ans d’histoire" et des sites mentionnés dans la Bible.

La colline 468 est une "colonie sauvage", comme les 101 autres répertoriées par l’organisation non gouvernementale Peace Now (La Paix maintenant) et que le gouvernement israélien promet perpétuellement de démanteler sans que rien ne se produise. Ce jour-là, la police interdit l’accès au site et demande aux militants de La Paix maintenant de repartir, car il s’agit d’un "rassemblement illégal". Pour Dror Etkes, dénonciateur infatigable de la progression de la colonisation en Cisjordanie, la colline 468 est la parfaite illustration des projets gouvernementaux d’étendre, petit à petit, colline par colline, la trame des implantations qui, au bout du compte, va permettre de créer un fait accompli et d’accaparer une autre portion de territoire.

Pour le moment, les Bédouins, qui vivent plutôt dans les vallées et au bord des routes, dans des constructions de fortune, sont toujours là. Mais en haut des montagnes de Judée, les zones de peuplement sont innombrables. Toujours situées au sommet des collines, elles sont reliées entre elles par des routes, dont certaines sont en construction.

Le maillage se constitue. De Kefar Adumim, l’extension des colonies se prolonge à l’est par Alon et à l’ouest par Nofei Prat puis Almon. Bientôt, ce sera un nouveau tissu urbain qui, au nord, fera le pendant de l’immense bloc de Maale Adumim au sud, avec, au centre, la zone industrielle de Mishor Adumim. Maale Adumim compte déjà 32 000 habitants, et les travaux d’extension en cours sont nettement visibles.

A l’ouest, au milieu de nulle part, surgi au sommet d’une colline, un immense bâtiment est terminé. Ce sera le commissariat de police de toute la zone. Pour le moment, il n’y a aucune construction à la périphérie, mais il est prévu d’aménager une route à quatre voies pour accéder à cet immeuble.

Nul doute que cet ensemble est destiné à faire partie, un jour, du "Grand Jérusalem". Aucune décision n’a encore été prise de construire autour de cette protubérance un mur qui compléterait celui, pratiquement terminé, qui encercle désormais la Ville sainte. Cette "bulle", comme elle est souvent désignée, serait rattachée aux contreforts de la partie orientale de Jérusalem par une zone appelée "E1" qui, pour le moment, est vierge de toute habitation, en raison du veto des Etats-Unis.

Cette zone permettrait d’assurer une continuité territoriale entre le nord et le sud et de consolider une large ceinture dans les territoires conquis par Israël en 1967 et toujours occupés. "Les autorités rendent de plus en plus difficile la création d’un Etat palestinien ayant une continuité puisque, si ce projet se réalise, la Cisjordanie sera pratiquement coupée en deux", fait remarquer Dror Etkes.

Selon les chiffres communiqués par le ministère de l’intérieur, le nombre de colons installés en Cisjordanie a progressé de 5,8 % en 2006, pour atteindre le chiffre de 268 000, c’est-à-dire un pourcentage triple de la croissance démographique en Israël. La Paix maintenant souligne que, actuellement, plus de 3 000 constructions sont en cours, même si le nombre de colonies (121) et celui des colonies sauvages (102 et 2 000 "habitants") n’ont pas augmenté. Une seule colonie sauvage a été démolie en 2006. Depuis le début de l’année, selon La Paix maintenant, 90 caravanes sont venues s’ajouter aux autres dans les colonies sauvages et dans 30 d’entre elles, des constructions en dur ont commencé. Ce qui fait dire à Dror Etkes que, "malgré la volonté affichée de vouloir mettre en place la "feuille de route" (le plan de paix international), la colonisation se poursuit, et plus elle se poursuivra, plus ce sera difficile de donner un Etat aux Palestiniens".

A cela, le premier ministre, Ehoud Olmert, réplique qu’"il s’agit d’une croissance naturelle dans les implantations déjà existantes". Au mois d’octobre, La Paix maintenant avait constaté que les colons avaient profité de la guerre au Liban pour agrandir 31 colonies sauvages. Le gouvernement avait alors promis d’en démanteler et de prendre des mesures. Rien ne s’est produit. Le temps gagné est le meilleur atout pour créer l’irréversible.

Michel Bôle-Richard, envoyé spécial du Monde à Nofei Prat (Cisjordanie), le 26 février 2007

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