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Pour Abbas, c’est le moment de démissionner

samedi 9 octobre 2010 - 07h:35

Khaled Amayreh

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Face à ce marché de dupes que sont les pourparlers israélo-palestiniens, il est temps pour Abbas de mettre ses menaces à exécution et de jeter l’éponge, explique Khalid Amayreh.

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Pâle successeur de Yasser Arafat, sans le charisme ni l’originalité de son prédécesseur, Abbas s’est engoncé dans une collaboration "sécuritaire" éhontée avec les Israéliens et leurs alliés américains et européens. A présent lâché par la Ligue Arabe, sans stratégie si ce n’est des négociations qui sont un vrai marché de dupes, le mieux que puisse faire Abbas pour conserver un minimum d’honneur... c’est de démissionner.

Le président de l’Autorité palestinienne [AP] Mahmoud Abbas a fait connaître son intention de démissionner comme président de l’AP. Un Abbas visiblement désespéré a déclaré plus tôt cette semaine que « bientôt vous ne pourrez plus parler de moi en ma qualité de président ». Un journaliste palestinien qui voyageait à bord de l’avion présidentiel a raconté qu’Abbas lui a déclaré ainsi qu’à d’autres journalistes que « c’est la dernière fois que vous voyagez avec moi en tant que président de l’Autorité palestinienne ».

Abbas a menacé de démissionner à un certain nombre d’occasions mais il est cependant toujours resté à la tête de l’Autorité palestinienne et à la tête de l’Organisation de Libération de la Palestine [OLP]. Plus important encore, il a conservé sa position de chef du Fatah.

Mais des sources proches du centre de décision à Ramallah estiment qu’Abbas est plus désabusé que jamais avec la « futilité et l’inutilité » du processus de paix et qu’il peut très bien démissionner « pour partir en retraite avec une dignité intacte ».

Beaucoup de Palestiniens critiquent Abbas, souvent durement, pour s’être investi dans un processus qui a noyé la cause palestinienne et a permis à Israël d’engoncer les Palestiniens dans un dédale de détails secondaires.

D’autres, en particulier au sein du mouvement islamique, l’ont accusé d’avoir abandonné l’autonomie de décision palestinienne à des puissances régionales - une allusion claire à l’Egypte.

Ces dernières velléités de démission du dirigeant palestinien apparaissent au milieu d’une crise sévère dans les pourparlers israélo-palestiniens, suite à la reprise tous azimuts des activités israéliennes de colonisation.

Les Palestiniens affirment que les pourparlers de paix n’ont pas de sens tant qu’Israël sera autorisé à dévorer le reste de la Cisjordanie, transformant en chimère un Etat palestinien viable et territorialement contigu.

On attendait beaucoup un discours d’Abbas cette semaine, dans lequel il déclarerait l’effondrement du processus de paix et par conséquent sa propre démission. Il semble, cependant, que l’administration Obama, et peut-être certaines puissances régionales, ont intimé l’ordre à Abbas de reconsidérer une telle décision, du moins pour le moment. De l’autre côté, Abbas reçoit des mises en garde constantes du mouvement Fatah et des organisations de l’OLP ne pas succomber à la pression israélienne et américaine.

Il semble finalement avoir accepté ces mises en garde et il insiste à présent sur le fait qu’Israël doit mettre fin aux activités d’expansion des colonies avant que les pourparlers de paix ne puissent reprendre.

Cette semaine, le comité exécutif de l’OLP, l’organisme de décision le plus élevé, a demandé à Abbas de ne pas céder aux pressions américaines et de ne pas reprendre les pourparlers sans gel total de la colonisation en Cisjordanie. Le Fatah a également averti Abbas que la manière dont le processus de paix se poursuit, nuit à l’image du mouvement et permet au Hamas de marquer des points.

Côté israélien, les possibilités que soit accepté un gel de la colonisation sont très faibles. Les colons et leurs puissants alliés politiques au sein du gouvernement israélien, semblent trop puissants pour permettre au Premier ministre Binyamin Netanyahu d’ordonner un nouveau gel de la colonisation , à supposer déjà qu’il soit en faveur d’un gel.

Des sources en provenance des médias israéliens rapportent que Netanyahu essaie désespérément d’obtenir des ministres pro-colons qu’ils acceptent un gel de deux mois, juste pour soulager la pression exercée par Washington, et surtout pour lancer la balle dans le camp palestinien. Il a également été rapporté que Washington a proposé un ensemble d’avantages militaires et diplomatiques à Netanyahu pour inciter le premier ministre israélien à faire pression pour cette extension du gel.

Il est difficile de comprendre pourquoi l’administration Obama tient tant à prolonger le gel pour juste quelques semaines. Certains observateurs suggèrent que la position américaine a plus à voir avec la création d’un meilleur climat pour les prochaines élections au Congrès qu’avec de quelconques considérations sur le terrain. Une crise totale dans les négociations, disent-ils, ne serait pas de bon augure pour le Parti Démocrate aux élections. D’où les efforts pour éviter une telle crise jusqu’à ce que les élections soient passées.

Un gel de la colonisation de deux mois représenterait peu de différence puisque Israël, disent les négociateurs palestiniens, refuse de discuter de questions telles que Jérusalem et les réfugiés, sans parler de la fin de l’occupation qui a commencé en 1967, et veut que les discussions soient limitées aux questions de sécurité [à la collaboration entre l’occupant et l’AP de Ramallah - N.d.T].

La désillusion croissante d’Abbas pourrait bien être le résultat d’une prise de conscience tardive du fait que Israël ne veut pas la paix et que le gouvernement Netanyahu est seulement intéressé à obtenir plus de temps pour créer des faits accomplis sur le terrain, rendant la création d’un Etat palestinien viable complètement impossible.

Abbas peut aussi se rendre compte que les États-Unis, alliés et tuteurs d’Israël, ne sont pas en mesure de forcer Israël à renoncer au butin de la guerre de 1967, emberlificotés comme ils le sont dans des considérations de politique intérieure.

Si Abbas, si souvent considéré comme le dirigeant le plus modéré côté palestinien, démissionne réellement, cela marquera alors un changement stratégique dans la position palestinienne et un éventuel abandon de la stratégie d’une solution à deux Etats.

Il est difficile de savoir comment le départ d’Abbas pourrait affecter la situation dans les territoires occupés. Le Fatah est trop divisé pour gérer une transition en douceur pour désigner un nouveau responsable. Et le premier ministre palestinien Salam Fayyad est probablement plus populaire en Europe et en Amérique du Nord qu’en Cisjordanie...

Le résultat le plus probable est qu’une période de désordre, de troubles et d’instabilité suivrait la retraite ou la disparition politique de l’actuel chef palestinien. En l’absence de tout espoir de paix avec Israël, et alors les Palestiniens sont exposés à la terreur des colons israéliens, une flambée soudaine de violence ne peut être écartée.

* Khalid Amayreh est un journaliste qui vit à Dura, dans le district d’Hébron, Cisjordanie, Palestine occupée. Il a un Bachelor en journalisme de l’Université d’Oklahoma (1981) et un Master en journalisme, de l’Université de Southern Illinois (1983)

Du même auteur :

- Colonies juives : une débauche de constructions - 4 octobre 2010
- Pendant les pourparlers, Israël continue de tuer - 25 septembre 2010
- Impossible dilemme pour Abbas - 12 août 2010
- Un effort futile de plus - 24 juin 2010
- Un échec clairement programmé d’Israël - 13 mai 2010
- La Cisjordanie est le « Lebensraum » d’Israël - 25 avril 2010
- Dans l’attente d’une troisième Intifada - 25 mars 2010
- L’Autorité de Ramallah est-elle tout simplement en train de capituler devant Israël ? - 12 mars 2010
- Falsifier l’histoire - 9 mars 2010
- Aucune lumière en vue - 8 mars 2010

7 octobre 2010 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2010/101...
Traduction de l’anglais : Naguib


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