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Impossible dilemme pour Abbas

jeudi 12 août 2010 - 18h:58

Khaled Amayreh - Al Ahram

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Se soumettre à Washington et garder l’Autorité palestinienne à flot, ou suivre l’opinion des Palestiniens et voir le gouvernement de Ramallah imploser ? Khaled Amayreh évalue les choix possibles pour Abbas.

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Fin de partie pour Abbas [à g.] ? Toute comédie a ses limites, et il y a des couleuvres trop grosses pour être avalées...

Le président de l’Autorité palestinienne (AP de Ramallah), Mahmoud Abbas, fait face à un dilemme de plus en plus pressant qui selon certains observateurs, pourrait peut-être même le forcer à démissionner.

Le dilemme tient à la situation impossible d’avoir à faire face à d’intenses pressions américaines - dans les coulisses - pour rejoindre des pourparlers de paix avec Israël et d’avoir à faire face d’un autre côté à la pression de la rue palestinienne, ainsi qu’au Fatah lui-même, pour rester en dehors des négociations dans les conditions actuelles, quel qu’en soit le coût.

La plupart des Palestiniens considèrent qu’une soumission à la pression des États-Unis serait équivalent à une capitulation face aux exigences israéliennes. Plus tôt cette semaine, le président Obama a envoyé une lettre à Abbas pour lui dire que l’Autorité palestinienne aurait à participer à des négociations de paix directes avec Israël ou à en subir les conséquences. Pour la plupart des Palestiniens, le mot « conséquences » est largement considéré comme une allusion au retrait de l’aide financière versée par Washington, sans laquelle il est douteux que l’Autorité palestinienne puisse survivre longtemps.

Les États-Unis versent des centaines de millions de dollars par an à l’AP, principalement pour payer les salaires de plus de 100 000 cadres militaires et fonctionnaires. Pour la majorité des Palestiniens, le versement de ces salaires constitue la fonction principale, sinon la raison d’être, du régime de l’AP.

Le négociateur en chef de l’AP, Saeb Ereikat, a parlé avec une franchise inhabituelle de la pression « américaine » au cours d’une interview à la télévision de l’AP le 31 Juillet. « Les Américains jouent l’intimidation pour que nous rejoignions de façon inconditionnelle et pour une durée indéterminée des négociations qui pourraient conduire nulle part. Le Président Abbas a dit ’non’ mais il peut ne pas être en mesure de maintenir cette position pendant une longue période sans véritable soutien palestinien, arabe et islamique. »

Selon des sources sûres à Ramallah, l’administration Obama voudrait voir l’AP rejoindre directement et quasi sans conditions des négociations avec Israël, sans que soient réunies les conditions palestiniennes, à savoir le gel de l’expansion des colonies juives et la reconnaissance par Israël que le soi-disant Etat palestinien sera établi sur la base des frontières de 1967. Israël ne considère pas la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est comme « des territoires occupés » mais plutôt comme « des territoires disputés ».

La plupart des officiels palestiniens à la Mouqataa (siège du gouvernement) voient une soumission de Ramallah à ces exigences américaines comme un suicide politique, non seulement pour Abbas, mais aussi pour le mouvement du Fatah.

Selon l’analyste politique palestinien Hani Al-Masri, rejoindre des négociations directes avec Israël en l’absence de garanties solides serait une « gaffe gigantesque ».

Il a déclaré : « Je pense que la direction palestinienne s’engagerait dans un suicide politique si elle acceptait d’entamer des pourparlers directs en fonction des conditions israéliennes, ou plus exactement, selon les diktats qu’Israël impose. Ces discussions, même si elles durent de nombreuses années, n’atteindraient aucun résultat concret pour les Palestiniens. En effet, il serait plus que naïf de s’attendre à ce que la communauté internationale, qui a totalement échoué à forcer Israël à geler l’expansion des colonies, nous restitue les dépouilles de la guerre de 1967 et mette fin à l’occupation de la Cisjordanie, de la Bande de Gaza et de Jérusalem-Est. »

Al-Masri a suggéré que le principal objectif des pourparlers directs était de dépouiller les négociateurs palestiniens de la dernière monnaie d’échange qu’ils peuvent avoir - le problème des réfugiés. « Il semble y avoir la volonté (du côté de l’AP) de mettre dans la balance le problème des réfugiés en échange d’un soi-disant Etat. Mais Israël veut liquider la cause des réfugiés sans mettre fin à l’occupation. Et en plus de cela, Israël ne veut pas supprimer les colonies de peuplement ou reconnaître le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. »

L’écrivain palestinien, un ancien confident d’Abbas, a exhorté le dirigeant palestinien à adopter une troisième position, à savoir le rejet des pressions des États-Unis. Il a affirmé que M. Abbas pourrait toujours affronter les Américains, ainsi que toute la communauté internationale en s’appuyant sur le fait que la grande majorité du peuple palestinien ainsi que le mouvement du Fatah rejettent les conditions dans lesquelles l’Autorité palestinienne est sollicitée pour participer à des négociations directes avec Israël.

« Dans tous les cas, il n’y a absolument rien qui justifierait un ’suicide politique’ pour les beaux yeux d’Obama, le président dont l’administration nous a offert rien que des fausses promesses et des paroles et discours mensongers. »

On ne sait pas comment Abbas va naviguer dans le futur, dans ces mers agitées avec peu d’espoir de s’en sortir.

Dimanche, le comité exécutif de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), théoriquement l’organe de décision le plus élevé pour les Palestiniens, a réitéré son soutien à la position d’Abbas, à savoir que la reprise des pourparlers avec Israël doit être fondée sur une reconnaissance claire que la ligne d’armistice de 1967 sera la future frontière entre Israël et un futur Etat palestinien.

Après une rencontre à Ramallah, Yasser Abed Rabbo, un officiel a déclaré que la position palestinienne était toujours d’insister sur un gel de l’expansion des colonies juives, en particulier à Jérusalem-Est. « Sans ces garanties, les négociations pourraient échouer avant même de commencer. »

Abed Rabbo a ajouté que les délibérations se poursuivraient dans les prochaines semaines et qu’un état des lieux « global » serait présenté au Comité central de l’OLP afin que celui-ci prenne une décision finale. Abed Rabbo a décrit les garanties qu’Obama aurait proposées à Abbas comme « vagues, et ayant plus à voir avec la forme qu’avec le fond. » « Soyons clairs, la reprise de pourparlers de paix sans garanties et sans limite de temps condamnerait ces pourparlers à tourner à vide et à connaître finalement le même sort que tous les précédents cycles de négociations. »

Le soutien escompté par le Comité central de l’OLP à la « fermeté » Mahmoud Abbas (à savoir son refus d’adhérer à des pourparlers directs avec Israël sans de solides garanties) pourrait renforcer la posture d’Abbas vis-à-vis de l’administration Obama et/ou conduire à l’intensification des pressions américaines sur le chef de l’AP. Par conséquent, la question posée par de nombreux Palestiniens est la suivante : Quel chemin va prendre Abbas ? Celui qui apaisera Washington ou celui qui satisfera les aspirations du peuple palestinien ?

Le comité de suivi de la Ligue arabe - qui a donné à Abbas un feu vert pour revenir à des négociations directes avec Israël, mais au moment de son choix - espère apparemment que les Palestiniens réussissent à lancer la balle du côté israélien. Toutefois, la décision du comité, qui a été interprétée par certains intellectuels palestiniens comme une trahison à l’égard de la direction palestinienne, semble avoir encore plutôt affaibli la position palestinienne.

Une des expressions de cette trahison supposée serait que le comité n’a pas établi de lien clair entre la reprise des pourparlers avec Israël et les exigences palestiniennes à l’égard d’un gel de l’expansion des colonies et sur d’autres questions relatives à un accord de statut final.
Dans le même temps le Hamas a exhorté l’Autorité palestinienne à refuser de se soumettre aux intimidations américaines, peu en importe les conséquences. Le chef du bureau politique du mouvement islamiste, Khaled Mechaal, a déclaré lors d’un rassemblement à Damas ce dimanche, que l’acquiescement officiel arabe pour des entretiens avec le « régime sioniste » était sans valeur. « La couverture donnée à M. Abbas pour reprendre des pourparlers n’a pas de légitimité. Cette position a été imposée aux Arabes par Washington. »


* Khalid Amayreh est un journaliste qui vit à Dura, dans le district d’Hébron, Cisjordanie, Palestine occupée. Il a un Bachelor en journalisme de l’Université d’Oklahoma (1981) et un Master en journalisme, de l’Université de Southern Illinois (1983)

Du même auteur :

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- Un échec clairement programmé d’Israël - 13 mai 2010
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- Irrémédiables criminels de guerre - 15 novembre 2009

5 août 2010 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2010/101...
Traduction : Nazem


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