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Bouleversements et confusion

vendredi 16 février 2007 - 11h:51

Ghassan Khatib - Bitterlemons

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La victoire du Hamas dans les élections parlementaires palestiniennes l’année dernière a pu surprendre, mais le mouvement de la résistance islamique n’était pas sorti de rien.

C’est pendant la première Intifada, commencée en 1989, que le Hamas est apparu comme un véritable acteur sur la scène sociale et politique palestinienne.


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Manifestation du mouvement Hamas à Gaza après la tentative d’assassinat dont a été victime le Premier Ministre Ismaïl Haniyeh (Photo : AP/Adel Hana)


A cette époque, il provenait des rangs de la branche palestinienne du mouvement des Frères musulmans, branche établie de longue date et qui était restée relativement marginale jusqu’à ce que le Hamas s’engage dans la résistance active à l’occupation israélienne.

Le mouvement s’est fortement opposé aux négociations de paix avec Israël en 1991, à l’accord d’Oslo de 1993 et à tous les accords ultérieurs passés entre Israël et l’Autorité palestinienne créée comme suite à Oslo. Le mouvement a également boycotté les élections parlementaires de 1996.

Cette opposition a valu au Hamas trois atouts qui lui ont acquis une popularité en hausse constante auprès du public. Le premier, et sans doute le plus important, a été son intense participation à la lutte contre l’occupation israélienne à un moment où le Fatah, qui avait commencé et mené cette lutte jusqu’au processus de paix, n’en faisait plus partie. En d’autres termes, le Hamas s’est efforcé de remplacer le Fatah en tant que mouvement de résistance de premier plan.

A cet égard, le Hamas a tiré un immense profit du refus par Israël d’arrêter l’expansion des colonies juives illégales pendant les années du processus de paix. Le deuxième gain pour le Hamas a donc été l’échec du processus de paix par rapport à ses objectifs promis et déclarés de mettre fin à l’occupation ou encore d’améliorer les conditions de vie des Palestiniens et de créer les institutions d’un futur Etat palestinien.

Le Hamas a tiré parti, tant des échecs de gestion des gouvernements palestiniens qui se sont succédés, spécialement jusqu’en 2002, que de la répugnance montrée par Israël à appliquer les accords qui avaient été signés. La mauvaise volonté d’Israël laissa peu de doutes dans l’opinion palestinienne quant au fait qu’Israël essayait de duper la direction palestinienne. Il profitait du processus de paix pour neutraliser le Fatah vis-à-vis de la résistance tout en normalisant les relations avec le monde arabe sans s’acquitter des obligations qu’il avait contractées en vertu du processus de paix.

Enfin, le Hamas a aussi reçu de fortes sommes d’argent et un important appui, de sources d’abord officielles, et ensuite officieuses comme ses partisans individuels dans la région et dans le monde, grâce auxquels il a pu établir une infrastructure utile pour promouvoir sa position politique.

En plus de ces facteurs, le fait que le mouvement ait promu les valeurs islamiques a aussi rencontré beaucoup d’écho dans une population en grande majorité musulmane. Tout cela mena le Hamas à la victoire lors des élections de l’année dernière.

En réponse à cette victoire, les parties opposées au gouvernement du Hamas ont opté pour des stratégies différentes et contradictoires.

Ce qui était devenu l’opposition menée par le Fatah décida de laisser le Hamas gouverner dans l’espoir qu’il n’accomplirait pas ses promesses électorales. Le Fatah rejeta une première démarche du Hamas l’invitant à faire partie d’un gouvernement d’union. Par cette stratégie, le Fatah comptait que, vu les pouvoirs limités de l’Autorité Palestinienne et la dureté de l’occupation israélienne, tout gouvernement palestinien devait nécessairement échouer.

De son côté, la communauté internationale, menée par les Etats-Unis, tint une conduite différente. En imposant un embargo politique et économique contre le gouvernement palestinien, Washington espérait évincer celui-ci du pouvoir.

Israël a adopté une position similaire et a décidé d’interrompre le transfert des recettes fiscales qu’il récolte pour le compte de l’Autorité Palestinienne [AP] en vertu des Accords d’Oslo, soit les deux tiers des recettes intérieurs de l’Autorité.

Toutefois, la stratégie internationale et israélienne était en contradiction avec celle de l’opposition intérieure. Le boycott de l’AP, a fait comprendre au public palestinien que la communauté internationale, qui avait initialement encouragé la tenue d’élections parlementaires, punissait les Palestiniens pour avoir exercé leurs droits démocratiques.

Par conséquent, il a été facile de persuader les Palestiniens que les insuffisances du gouvernement ainsi que son incapacité à remplir ses obligations et à respecter ses promesses étaient imputables à la communauté internationale et à Israël plutôt qu’au Hamas et le mouvement n’a donc pas pâti d’un désaveu public.

Ceci commença à changer les derniers mois quand il devint évident qu’en fait l’aide internationale et le soutien financier en provenance du monde arabe avaient augmenté depuis un an, chose que le Ministre du Plan et Ministre par intérim des finances, Samir Abu Eisheh, a finalement été forcé d’admettre.

C’était toutefois une arme à double tranchant car d’une part le Hamas ne pouvait pas continuer à blâmer uniquement la communauté internationale pour la situation financière désespérée du territoire palestinien occupé, tandis que l’opposition ne pouvait pas non plus le blâmer de façon convaincante d’être responsable de l’isolement international dans lequel il se trouvait.

Cette évolution, combinée avec l’échec de la grève des fonctionnaires contre le gouvernement, la reconnaissance progressive par le monde arabe du gouvernement dirigé par le Hamas et le cessez-le-feu entre le Hamas et Israël laissent peu de raisons au mouvement de souhaiter un gouvernement d’union.

Mais l’impasse, causée principalement par les tentatives du Hamas de changer les règles du jeu en ne reconnaissant pas le rôle de leadership de l’OLP et les engagements internationaux qu’il a pris, a mené le Fatah et le Hamas au bord de la guerre civile.

A ce stade tardif du jeu, le Hamas ne peut pas à la fois accepter les paramètres d’Oslo en participant à des élections visant à prendre le contrôle de l’AP d’une part, et vouloir les changer en refusant la légitimité de l’accord d’Oslo en vertu duquel cet organe a été créé d’autre part.

Simultanément, toutes les autres parties intéressées, qu’elles soient à l’intérieur ou à l’extérieur de Palestine, doivent aligner leurs politiques sur le fait que le Hamas a accédé au pouvoir par le biais d’élections libres et légitimes. Il s’ensuit que le mouvement ne perdra obligatoirement le pouvoir que par le même chemin.






Ghassan Khatib est le coéditeur de la famille bitterlemons de publications internet. Il est l’ancien ministre du Plan de l’Autorité palestinienne et analyste politique et contact avec les media depuis de longues années.

Ghassan Khatib - Bitterlemons, le 5 février 2007
Traduction : amg [Info-Palestine.net]

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- Toujours d’attaque
- Le Hamas et la reconnaissance d’Israël


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