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S’adapter au désastre

lundi 9 février 2009 - 13h:36

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

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Saleh Al-Naami donne quelques exemples de la cruauté des forces d’occupation israéliennes.

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Des quartiers entiers de Gaza transformés en champs de ruines... - Photo : PCHR

Bien qu’il ait vu le bulldozer s’attaquer à sa maison, Youssef Al-Najjar, 75 ans, paralysé, est resté dans son lit, incapable d’agir et subissant son destin. Il passait la nuit seul, sa famille ayant quitté la maison parce qu’elle redoutait l’invasion israélienne de la zone méridionale de la Bande de Gaza où elle vit, le village de Khazaa.

Tandis que Youssef gisait impuissant, un voisin nommé Sobhi risqua sa vie en grimpant par la fenêtre pour entrer. Il souleva le vieil homme paralysé et le porta par la porte arrière, hors de vue des soldats de l’occupant, qui protégeaient le bulldozer rasant les trois étages de l’immeuble et ses six appartements. Sobhi le porta au-delà des autres immeubles encore intacts pour atteindre une oliveraie qui les dissimulerait à la vue des soldats. Puis il emmena le vieil homme chez des parents dans les environs, où celui-ci est resté depuis cette nuit, leur imposant la charge de ses besoins particuliers. Le fauteuil roulant de Youssef a été détruit par les bulldozers de l’occupant.

Al-Ahram Weekly a visité les ruines de la maison de Youssef et a vu les restes du fauteuil roulant qui l’aidait à se déplacer de manière autonome. Mais impossible de rester dans la portion sud de la maison, car l’air est rendu pestilentiel par le cadavre d’un âne en décomposition. Les soldats occupants ont rasé la maison par-dessus l’âne de la famille, le tuant sur le coup. La famille, dépendante de l’agriculture, utilisait l’âne pour les transports entre son village et les hameaux environnants.

L’histoire de Youssef est celle de la souffrance que les Palestiniens ont subie depuis l’occupation israélienne. Le fils aîné de Youssef nous a raconté que la paralysie de son père est la conséquence d’une attaque par des soldats occupants fin 1987, lors de la première intifada. Un soir, son père rentrait à la maison après avoir passé la soirée chez un ami habitant dans les environs, quand il fut surpris par un groupe de soldats de l’occupation au milieu de la route. Ils l’arrêtèrent et le rouèrent de coups à la tête, dans le cou et dans le dos, avec des bâtons, des crosses de fusil et leurs poings. Il perdit conscience et ils l’abandonnèrent étendu sur la route. Des voisins le ramenèrent à la maison. Le lendemain matin on l’emmena l’hôpital et les médecins dirent que son système nerveux avait été endommagé et qu’il devait recevoir un traitement à l’étranger pour prévenir une paralysie. Mais les sévères restrictions imposées par Israël après le début de l’intifada empêchèrent son transport et son état ne fit qu’empirer. Finalement il fut transporté en Egypte puis en Jordanie, où les médecins confirmèrent que la paralysie était irréversible.

Ahmed dit qu’en plus de son père, deux de ses frères sont largement handicapés. Samir est aveugle et se déplace très difficilement, de même que Shadi. Al-Ahram Weekly a rencontré Shadi assis sur les décombres de leur maison familiale, les pieds encore ensanglantés d’une chute au cours da tentative de fuite. Shadi raconte que malgré la catastrophe qui les accable, lui et sa famille, il a l’intention de poursuivre ses études. Même s’il doit étudier au milieu des décombres de sa maison, il est déterminé à réaliser son rêve de devenir médecin. Shadi ajoute que malgré qu’Israël a réussi à détruire sa maison et tous les biens de sa famille, il ne détruira jamais sa volonté de vivre.

Des ruines de sa maison familiale, on aperçoit la destruction de la zone agricole environnante. Les riches vergers et les champs sont réduits à des terrains vagues avec les restes des arbres mis en pièces par de gigantesques bulldozers.

Des dizaines de milliers de Palestiniens ont vu leur maison détruite et dans bien des cas ils ne peuvent même pas vivre dans les restes de leurs maisons, à cause de la présence de bombes larguées par les avions de l’occupant et qui n’ont pas explosé. Zuweid Al-Nueimat, par exemple, a passé un mois entre la famille de sa femme et de sa fratrie, jusqu’à ce qu’il puisse enfin retourner à sa maison dans le village de Jahar Al-Dik, entre Gaza City et le camp de réfugiés de Al-Bureij dans le centre de la Bande de Gaza, près de la frontière israélienne. Bien que sa maison soit partiellement endommagée, Zuweid a décidé de retourner et d’utiliser une pièce ou deux pour y vivre, afin de mettre un terme à son long séjour auprès de sa famille. Mais lorsqu’il est arrivé à sa maison, il a trouvé une grande bombe plantée dans le sol juste au sud de sa maison, une bombe d’une demi-tonne larguée par un F-15 israélien durant la guerre sur Gaza. Alors qu’il regardait la bombe, sa femme cria qu’une autre bombe était plantée le long de la limite est de la maison. Ils n’avaient d’autre choix que de retourner chez leurs parents en attendant que ces explosifs soient enlevés, de peur qu’ils n’explosent et ne détruisent la maison. Comme Zuweid l’expliquait à Al-Ahram Weekly, s’ils étaient capables de détruire un immeuble de quatre étages, on peut imaginer ce qu’ils feraient à la maison de Zuweid qui n’a qu’un étage.

Zuweid n’est pas le seul Palestinien de la campagne qui n’a pu retourner chez lui à cause des explosifs jonchant le territoire autour de la maison. Dans la zone de Um Al-Jamal, à l’est du camp de réfugiés de Al-Maghazi, les agriculteurs ne peuvent même pas collecter les arbres détruits par les bulldozers de l’occupant, pour s’en servir comme bois de chauffage, en raison des nombreux missiles et bombes non explosés dans la zone. Adnan Al-Rajadi, dont l’oliveraie a été détruite par les soldats de l’occupation, a dit à Al-Ahram Weekly qu’il n’avait pu transporter ses arbres sur un chariot tiré par son âne, de peur de passer sur ces bombes et de les faire exploser. Au moment où nous écrivons, des explosifs laissés par les forces d’occupation ont tué deux enfants à Beit Hanoun dans le nord de la Bande de Gaza. Ce nombre réduit de victimes résulte de la grande prudence des gens se déplaçant dans les zones agricoles près de la frontière. Les avions F-15 ont largué des centaines de tonnes d’explosifs dans ces zones, expliquant que c’était une nécessité afin d’empêcher les combattants résistants d’utiliser leurs rampes de missiles contre Israël.

Mohamed Al-Agha, le Ministre de l’Agriculture du Cabinet du Hamas, nous a raconté que son ministère est préoccupé par les ramifications des bombardements en zones agricoles, y compris par l’effet sur la fertilité du sol. Il dit que le travail agricole est dangereux en ce moment en raison des missiles non explosés, difficiles à localiser par manque de moyens. Il ajoute que l’armée de l’occupation a détruit des dizaines de milliers d’arbres et la plupart des cultures, sans compter les centaines de puits et d’infrastructures agricoles. Les dégâts ont été causés par les tanks de l’occupant passant au milieu des terres cultivées. Al-Agha dit que les premières estimations chiffrent les pertes du secteur économique dues à la guerre de Gaza à plus de 100 millions de dollars.

Mais en plus de tous les problèmes causés par les bombardements et les destructions, les problèmes consécutifs au siège continuent à causer une grande détresse aux Palestiniens de Gaza. Sans parler du problème du manque de trésorerie qui affecte actuellement les fonctionnaires recevant leur salaire via les banques. Israël a bloqué le transfert de fonds vers les banques de Gaza, qui ne traitent donc qu’une partie des salaires des fonctionnaires, malgré leur besoin pressant de revenus. En conséquence, les gens s’empruntent de l’argent les uns aux autres et leur niveau de vie baisse, les femmes vendent leurs bijoux afin de nourrir leurs familles.

Du même auteur :

- Le calme après la tempête ? - 27 janvier 2009
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- Gaza : la fin de la « tahdia » - 21 novembre 2008
- Quand on veut, on peut - 13 novembre 2008
- Gaza : de si utiles mercenaires... - 28 septembre 2008

29 janvier 2009 - Al Ahram weekly - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://weekly.ahram.org.eg/2009/932...
Traduction de l’anglais : Marie Meert


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