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Gaza : de si utiles mercenaires...

dimanche 28 septembre 2008 - 07h:41

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

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Quels sont les vrais motifs de la mise en place de ces organisations salafistes dans Gaza ? Servent-elles les objectifs de forces palestiniennes hostiles au Hamas ?

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L’Armée de l’Islam

En dépit de l’épuisement évident sur son visage, le jeune officier a tenu à serrer la main à ses hommes et à les remercier de leurs efforts. Cela avait été une longue nuit de combats, et dans des conditions incroyablement dures.

Pendant plus de 11 heures dans la nuit de mardi dernier, cet officier et ses hommes si rapides à réagir avaient poursuivi des membres du clan Daghmash qui vit dans Al-Sabra, un quartier au sud-ouest de la ville de Gaza. Le gouvernement de Haniyeh et ses forces de sécurité ont annoncé que les cibles de cette intervention armée avaient été accusées de plusieurs meurtres et de vols, mais avaient refusé de se rendre aux forces de sécurité. La confrontation armée a eu pour conséquence la mort de 11 personnes, dont un policier, et des dizaines de blessés.

Quarante-huit heures après cette épreuve de force, l’organisation de l’Armée de l’Islam — qui a adopté le programme d’Al-Qaeda — a publié un communiqué où il est dit que sept des tués venaient de ses rangs.

L’organisation a également accusé le gouvernement de Haniyeh d’avoir pris pour cible l’organisation elle-même.
Au prime abord il peut sembler difficile de réconcilier les deux versions. La police palestinienne affirme qu’elle visait des membres de la famille Daghmash accusés de crimes alors que l’organisation de l’Armée de l’Islam dit de son côté que le gouvernement de Haniyeh et le Hamas l’ont visée à cause de son affiliation avec Al-Qaeda.

Pourtant un regard plus attentif à la véritable origine du différend entre le Hamas et l’Armée de l’Islam donne un aperçu sur ces petites organisations palestiniennes qui prétendent s’inspirer d’Al-Qaeda. Suivre le développement de ces organisations permet de répondre à plusieurs questions. L’environnement en Palestine favoriserait-il le développement d’organisations adoptant les vues d’Al-Qaeda ? Quels sont les vrais motifs de la mise en place de ces organisations ? Servent-elles les objectifs de forces palestiniennes hostiles au Hamas ? Quel est leur avenir ?

Quiconque vit à Gaza sait que dans beaucoup de cas la ligne séparant des organisations affiliées à Al-Qaeda et celles impliquées dans le crime organisé est mince. Certains des chefs et des membres de ces organisations islamistes appartiennent aux familles connus pour leur appât du gain, leur dévoiement, et même leur pratique du vol. Ces familles ont tiré bénéfice de leurs relations étroites avec les agences de sécurité du Président Mahmoud Abbas avant que Hamas ait pris le contrôle de Gaza, et ont appliqué leurs tactiques habituelles après avoir transféré leurs activités aux organismes islamistes.

Ihab Al-Ghasin, porte-parole du ministère de l’intérieur pour le gouvernement de Haniyeh, explique que beaucoup de ceux qui étaient visés étaient « une simple officine du gouvernement de Ramallah et de ses cercles s’occupant de sécurité, aussi bien que des responsables des agences de sécurité qui ont déjà tenté de renverser le gouvernement légitime de Haniyeh. » Il a déclaré à Al-Ahram Weekly : « Ils ont utilisé leur pouvoir dans ces organismes pour créer un climat d’insécurité, en particulier par le kidnapping d’étrangers pour mettre dans l’embarras [le gouvernement palestinien du Hamas] en connivence avec le gouvernement de Ramallah. »

Pour illustrer combien étroitement ces organisations sont en étroite coordination avec le gouvernement de Ramallah, Al-Ghasin rappellent qu’elles prennent pour cible des églises, des cafés ’Internet et des cérémonies de mariage pour faire confirmer les déclarations d’Abbas selon lesquelles Gaza, sous la direction du Hamas, était transformée en « Emirat islamique oppressif ». Il a également confirmé qu’avaient été trouvé des documents avérant ces relations et coordinations.

Yehia Moussa, responsable adjoint du bloc du Hamas au Conseil Législatif Palestinien (CLP), indique que ces organisations ont essayé de cacher leurs vraies motivations et les rôles qu’ils assumentau nom d’autres organisations palestiniennes. Il assure qu’au contraire de l’impression que quelques médias internationaux veulent imposer, les Palestiniens dans la bande de Gaza font clairement la différence entre ces orgasations et les idées qu’elles prétendent servir. Les Palestiniens savent que certaines de ces organisations ont en fait des relations avec des dirigeants palestiniens qui ont essayé en 2004 de renverser le gouvernement démocratiquement élu du Hamas.

Moussa ajoute que bien que ces groupes ne soient pas nombreux, ils accusent ceux qui sont en désaccord avec eux d’être des infidèles. Il s’inquiète de la possibilité, bien que réduite, que leur présence ait par la suite comme conséquence une tendance de chacun des côtés à dénoncer l’autre comme apostat.

Moussa condamne également le fait que ces groupes n’aient pas participé aux combats contre Israël avant la trêve. « Tous les chefs et membres de ces organisations étaient endormis dans leurs lits tandis que Hamas et les autres factions combattaient les forces d’occupation lorsqu’elles envahissaient les villes et les camps de réfugiés dans la bande de Gaza, » dit-il au Weekly. « Nous sommes certains que ces groupes disparaîtront complètement lorsque la trêve avec Israël n’existera plus. » Il met au défi ces organisations de participer à la confrontation avec les forces d’occupation, car ils ne sont pas supposés avoir été créés dans l’intéret d’Israël. Moussa fait appel également au gouvernement de Haniyeh et à ses forces de sécurité pour frapper ces groupes avec un poing de fer pour leur appliquer la loi.

Nihad Al-Sheikh Khalil, un chercheur spécialisé dans les mouvements islamistes, estime qu’il est peu probable que les groupes adoptant la pensée d’Al-Qaeda pourraient trouver une base dans la bande de Gaza, étant donné qu’ils ne peuvent rien offrir de nouveau aux factions palestiniennes. Les factions demeurent actives dans la résistance, et même pendant durant les périodes de trêve où elles mobilisent leurs forces selon l’idée qu’une nouvelle vague d’affrontements avec Israël va éclater un jour ou l’autre. « Ces groupes n’ont pas d’idéologie salafiste solide, comme c’est la cas en Afghanistan, au Pakistan et en Irak. En revanche, ce sont des groupes qui se sont développés en marge des factions de la résistance et qui ont tiré bénéfice du conflit entre le Fatah et le Hamas, » dit-il au Weekly.

Selon Al-Sheikh Khalil, ces groupes ont tiré bénéfice de la « dissolution de la sécurité » qui s’est produite dans la bande de Gaza avant la confrontation directe entre le Fatah et le Hamas et la prise de contrôle du Hamas sur Gaza. Il pense que certains des membres de ces groupes ont suivi les ordres de responsables des agences de sécurité de l’Autorité palestinienne avant le changement violent.

Dans beaucoup de cas ils ont réalisé des opérations criminelles visant à saboter la sécurité dans Gaza dans le but de mettre le gouvernement du Hamas en situation difficile et de faire passer son gouvernement comme incapable d’imposer l’ordre. Le plus grand révélateur d’une absence de sécurité était le kidnapping d’étrangers par ces groupes, dont l’enlèvement d’Alan Johnston, le correspondant de la BBC dans Gaza. Cet enlèvement, comme les autres, a été commandé par les dirigeants palestiniens cherchant à nuire au Hamas. Al-Sheikh Khalil souligne que ces groupes ne s’appuie pas sur une base idéologique solide, mais cherchent plutôt la protection dans leurs clans, lesquels sont en relation avec les responsables des agences de sécurité expulsées de Gaza.

Khalil indique aussi que le Hamas et son gouvernement étaient au début hésitants à s’affronter à ces groupes et se sont retenus d’employer la force contre eux pour deux raisons. Tout d’abord certains de ces groupes prétendent brandir le drapeau de la résistance contre l’occupation et par conséquent le Hamas n’a pas voulu apparaître comme ceux qui écrasaient la résistance. En second lieu, le Hamas est extrêmement sensible sur la question de s’affronter avec des groupes dont il diffère sur le plan idéologique, particulièrement s’ils brandissent des drapeaux islamiques. Khalil explique que le gouvernement du Hamas a essayé dans un premier temps de traiter la menace représentée par ces groupes par le dialogue sur les questions idéologiques. Par exemple, le Hamas a sollicité l’aide des cheiks d’orientation salafiste fondamentaliste pour essayer de convaincre ces groupes de libérer Johnston sur la base de la loi islamique interdisant le kidnapping.

Al-Sheik Khalil ajoute que le tournant dans les relations entre leHamas et son gouvernement et ces groupes s’est produit au moment où ces groupes ont essayé d’imposer un ordre social artificiel à la société palestinienne. Un autre facteur de cette tension était l’impression croissante qu’ils obéissaient à des projets sans relation avec des mouvements salafistes. Plusieurs de leurs membres agissaient en tant que tueurs mercenairess dans le but de répandre le chaos.

Pour Khalil, le gouvernement du Hamas a fait une erreur en ne menant pas simultanément le dialogue idéologique avec la confrontation dans ses négociations avec ces groupes, ce qui lui aurait permis de limiter la menace qu’ils représentaient. Il insiste pourtant sur le fait que la bande de Gaza n’a jamais représenté une terre fertiles pour la prolofération d’organisations extrémistes, argumentant avec le fait que ces groupes se sont seulement installés dans deux petits secteurs de Gaza, dans un contexte clanique et avec l’appui d’autres forces.

Il n’y a aucune véritable présence d’organisations adeptes de la pensée d’Al-Qaeda à Gaza, car il n’y a aucun espace pour qu’elles le remplissent. La résistance à l’occupation israélienne reste le principal défi en Palestine, et demeure ainsi la justification la plus importante pour que des organisations se mettent en place. Les organisations qui ont adopté la pensée d’Al-Qaeda n’ont rien à offrir que les autres factions ne font pas déjà, et leur absence de contribution à la résistance montre que ce n’est pas là leur raison d’être. Etant donné le caractère problématique et le rejet qu’elles subissent, on peut prédire sans risque que ces organisations n’ont aucun véritable avenir dans la bande de Gaza.

Du même auteur :

- Apprendre quelle est la souffrance de l’enfermement - 16 septembre 2008
- Le bateau de l’espoir - 2 septembre 2008
- Des tunnels pour survivre - 23 août 2008
- Les stratégies d’Israël pour saborder la paix - 1° août 2008
- Gaza : le Hamas impose le respect de la trêve - 7 juillet 2008

26 septembre 2008 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/916...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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