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Le bateau de l’espoir

mardi 2 septembre 2008 - 06h:11

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

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La manifestation internationale de solidarité qui s’est déroulée en mer pour briser le blocus israélien de Gaza a été couronnée de succès

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Un Palestinien brandit le drapeau national alors que deux bateaux chargés de militants pacifistes internationaux arrivent dans le port de Gaza

Khalil Barini a refusé d’écouter l’avis de ses médecins et les prières de ses fils et de ses filles. Il était décidé à passer 36 heures sur l’une des nombreuses embarcations qui se sont portées à la rencontre du bateau transportant 45 étrangers de plusieurs nationalités, déterminés à montrer leur opposition au blocus de Gaza qui dure depuis plus de deux ans. Le pêcheur de 72 ans qui vit dans la ville de Gaza a dit que ses problèmes de santé ne l’empêcheraient pas de faire ce qu’il considérait comme son devoir. « Je suis très heureux qu’Israël ait finalement dû se plier à la volonté de personnes honorables dans le monde en permettant au bateau d’entrer dans le port de Gaza. C’est le premier pas vers l’effondrement du blocus », a-t-il dit. « Mais en même temps, je me sens très amer. Alors que certains étrangers risquent leur vie pour essayer de forcer le blocus, d’autres, comme nos frères arabes et musulmans, aident à le renforcer ».

Asmahan Abul-Eish, 25 ans, serre son bébé garçon contre elle en embrassant certaines des étrangères à bord.
« Je ne peux pas vous décrire le respect que j’éprouve pour les personnes qui sont venues démontrer leur solidarité avec nous contre le blocus », dit-elle à Al-Ahram Weekly. Abul-Eish se fait l’écho du ressentiment de Barini et de beaucoup d’autres Gazaouis à l’égard des pays arabes voisins. L’Égypte, en particulier, est critiquée pour avoir refusé de rouvrir le passage de Rafah malgré le décès de 200 personnes à Gaza qui s’étaient vu refuser la permission de se rendre à l’étranger pour se faire soigner.

Parmi les Palestiniens qui accueillaient le bateau, il y avait des proches de patients décédés faute d’accès aux soins.

Khaled,frère d’Adel Al-Tala, est mort à 35 ans parce qu’il n’avait pas été autorisé à sortir de Gaza pour une angioplastie. Adel était dans la file de ceux qui attendaient de serrer la main du professeur Jeff Halper, seul Israélien à bord du Free Gaza, et il dit « je voudrais exprimer ma gratitude personnelle à ces personnes. Elles incarnent la conscience vivante du monde ». « L’opération qui aurait pu sauver la vie de mon frère était très simple, mais elle ne pouvait pas se faire à Gaza parce que les hôpitaux n’ont pas le matériel nécessaire. Il est mort et laisse cinq enfants, cela à cause de la fermeture du passage de Rafah.

Si les Gazouis ont exprimé avec enthousiasme leur reconnaissance à l’égard des étrangers à bord du bateau, ils se rendent compte que le geste de solidarité est purement symbolique.

Pourtant, ce geste pourrait avoir de puissants effets. L’écrivain et chercheur, Nehad Al-Sheikh Khalil, estime qu’il pourrait provoquer une lame de mouvements de base dans les pays arabes. Si des bateaux en provenance d’Égypte, d’Arabie saoudite, de Jordanie, de Syrie, du Golfe, de Maroc, d’Algérie et de Tunisie essayaient de se frayer un chemin jusqu’à Gaza, cela pourrait inciter les régimes arabes embarrassés à mettre fin à leur collaboration avec le blocus.

« Les forces populaires dans le monde arabe doivent agir avant qu’il ne soit trop tard. Cela, non seulement pour les Palestiniens, mais afin de forcer leurs propres régimes à respecter la volonté de leur peuple » dit-il.

Gamal Al-Khadari, président du Comité populaire pour la rupture du blocus, qui a participé à l’accueil du bateau, a dit au Weekly : « Étant donné le sabotage électronique, les mines sous-marines et les menaces de l’occupant israélien, ce fut un pas courageux et intrépide vers la rupture du siège de Gaza. L’arrivée des militants étrangers lance un message au monde pour la levée du blocus. « Si des Arabes entreprenaient le même type d’action « le siège serait levé en une heure ».

Les militants étrangers ont été accueillis en héros par le Hamas et le gouvernement intérimaire officieux d’Ismail Haniyeh. Dimanche dernier, Haniyeh a rencontré les 45 militants dans sa maison du camp de réfugiés d’Al-Shati et leur a décerné à chacun une médaille gravée « Rupture du blocus » en reconnaissance de leur rôle dans l’ouverture de la première route maritime vers la Palestine ». Après le déjeuner, il a promis à chacun un passeport palestinien honorifique et la nationalité palestinienne s’ils la souhaitent. Haniyeh a profité de la présence de Lauren Booth, belle-s ?ur de l’envoyé britannique auprès du Quartet, Tony Blair, pour inviter Blair à visiter Gaza afin qu’il puisse se rendre compte sur place de la situation.

« Votre présence à Al-Shati, un des huit camps palestiniens de réfugiés de Gaza, est la victoire de la volonté humanitaire et de la soif de vérité. Votre détermination pour faire ce voyage a remonté le moral des Palestiniens et a renforcé leur résolution de résister à l’occupation et au blocus » a dit Haniyeh à ses invités.

L’ancien premier ministre a aussi saisi cette occasion pour inciter le Secrétaire général de la Ligue Arabe, Amr Moussa, et les ministres arabes des affaires étrangères, à suivre cet exemple et à se rendre à Gaza via le passage de Rafah. "C’est le geste le plus simple qu’ils puissent poser pour remplir leur devoir national, religieux et humanitaire », dit-il.

Booth a averti les Palestiniens qu’ils ne devaient pas trop se fier aux bonnes intentions des pouvoirs internationaux et, précisément, de son beau-frère, Tony Blair. Elle a lancé un appel aux organisations non gouvernementales dans le monde afin qu’elles intensifient leurs actions pour la levée du siège. Les puissances internationales ont deux poids, deux mesures s’agissant d’Israël et du peuple palestinien, dit-elle, mais ce sont les Palestiniens qui sont les victimes de l’agression israélienne et non pas l’inverse.

De tous les passagers du Free Gaza, celui qui a suscité le plus de curiosité était l’unique Israélien qui avait insisté pour partir à Gaza.

Jeff Halper, professeur d’anthropologie, a dit que sa conscience l’avait obligé à participer à ce voyage et qu’il avait honte de ce que son pays infligeait à plus de 1,5 million de Palestiniens.

« Un regard sur la situation à Gaza suffit pour savoir que ces gens sont victimes d’un désastre humanitaire. C’est lamentable de rester silencieux devant les crimes qui sont commis contre un peuple pour la seule raison qu’il a exercé son droit à élire la personne qu’il jugeait la plus apte » a-t-il dit au Weekly.

Mais pourquoi n’y avait-il pas plus de militants israéliens pacifistes à bord du bateau pour rompre le blocus ?

Ils craignaient, dit Halper, que le public israélien ne les accuse de « sympathiser avec l’ennemi ».

Pour participer au voyage, tous les participants avaient dû signer une déclaration appuyant le droit des réfugiés palestiniens au retour vers les terres dont ils avaient été expulsés.

« Les Israéliens qui se considèrent pacifistes se rendent compte que rejeter le droit des Palestiniens au retour est l’un des piliers de l’unanimité sioniste et ils ne voulaient pas saper cette unanimité » dit Halper qui est membre du Comité israélien contre les démolitions de maisons, organisation qui s’oppose à la destruction par l’armée d’occupation de maisons palestiniennes en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem.

La réaction officielle d’Israël concernant le Free Gaza est passée par plusieurs stades. Initialement, le Ministère israélien des affaires étrangères a annoncé qu’il interdirait au bateau de pénétrer dans les eaux territoriales de Gaza.

Un porte-parole de l’armée israélienne a déclaré que la marine israélienne avait reçu pour instructions d’empêcher le bateau d’arriver à destination.

Après une série de consultations entre le Premier Ministre israélien, Ehud Olmert, et ses conseillers en médias, il a été décidé de laisser la voie libre au bateau.

Le porte-parole pour les médias, Yanki Galanti, a dit qu’à l’issue de consultations entre l’armée et le Ministère des affaires étrangères, il a été convenu que la meilleure réaction serait de laisser le bateau poursuivre sa course. Cela, a-t-il dit, afin de contrer le but véritable des militants qui était d’attirer l’attention des médias dans l’éventualité où leur bateau serait bloqué par les forces israéliennes.

Dans une déclaration à Maarev, Galanti a dit « Ils voulaient se cogner la tête contre un mur et nous avons donc décidé d’enlever le mur » ajoutant qu’en permettant au bateau de jeter l’ancre au large de la côte de Gaza Israël avait évité une publicité embarrassante.

Il est peut-être trop tôt pour que les officiels israéliens poussent un soupir de soulagement. Les Palestiniens de Gaza ont quant à eux l’impression que l’arrivée du bateau n’est que le début d’une série d’actions qui prendront de la vitesse et amèneront la fin du blocus.

Du même auteur :

- Gaza : au-delà du désespoir
- Une aube nouvelle ?
- Ténèbres, famine et mort imminente
- Abattre les murs de la prison

28 août 2008 - Al-Ahram- Vous pouvez consulter cet article à : http://weekly.ahram.org.eg/2008/912...
Traduction de l’anglais : amg


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