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Un "Etat" palestinien comme concept punitif

mardi 18 décembre 2007 - 05h:52

Ahmad Samih Khalidi - Counterpunch

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Merci, mais non merci.

L’Etat palestinien est maintenant devenu la norme universelle de toutes les solutions au conflit israélo-palestinien.

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Un agriculteur palestinien attend à la barrière de Cisjordanie qui le sépare de ses oliveraies situées derrière la barrière, dans la zone d’Ariel. ©ICRC/E. Linklater/il

La communauté internationale applaudit le concept. Le président Bush proclame fièrement qu’il s’agit de sa "vision". Les Israéliens ne l’ont envisagé que tardivement, après des années de refus et de rejet.
Aujourd’hui, le Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, non seulement appuie l’idée, mais la présente également comme ayant un intérêt existentiel pour Israël : sans elle, Israël est condamné à disparaître sous l’assaut de l’expansion de la population arabe en Israël et dans les territoires occupés. Cette marée humaine apparente peut même conduire à désastre pou l’État juif, en exigeant des droits civiques égaux à ceux des Juifs.

Mais l’Etat en tant que tel n’est qu’une donnée relativement récente des aspirations palestiniennes. La principale impulsion palestinienne après la catastrophe de 1948 était celle du "retour", il s’agissait plus de récupérer les terres et le patrimoine arabes perdus, que de réaliser la classique autodétermination post-coloniale, en passant par l’État.

Mené à un ébranlement national par le déplacement forcé catastrophique de 1948 et jusqu’au milieu des années 60, le sentiment d’une identité nationale "palestinienne" avait quasiment disparu. Cette " conscience perdue" ne fut inversée que par l’émergence du Fatah de Yasser Arafat dans la diaspora arabe à la fin des années 50.

Ce n’est qu’après la débâcle de 1967 qu’une nouvelle identité nationale palestinienne a commencé à prendre forme. En son coeur, la notion de lutte armée agissait comme une force de galvanisation. La lutte armée, selon le Fatah, a restauré la dignité palestinienne et donné aux Palestiniens leur mot à dire dans la détermination de leur avenir.

L’idée et la construction d’un Etat n’avaient pas de réelle place dans ce schéma. En effet, les premières tentatives timides visant à créer un Etat en Palestine (Cisjordanie) furent rejetés comme défaitistes et trahissant la cause nationale.

Ce n’était certainement pas un exercie de construction institutionnelle, d’acquisition de terrains et de construction d’un Etat par la ruse comme dans le mouvement sioniste avant 1948. Après la guerre de 1973, les dirigeants du Fatah se sont à nouveau tournés vers cette notion. C’était largement le résultat d’une lecture réaliste de l’équilibre des forces et une reconnaissance des limites de ce que la force, de la part des Etats arabes ou des Palestiniens irréguliers, était susceptible de d’obtenir.

Finalement, en 1988, Arafat lui-même a appuyé l’idée d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967 au titre de compromis historique ; Israël derrière ces frontières obtiendrait 77% de la Palestine Mandaitaire et les Palestiniens se résigneraient aux 23% restants.

Aujourd’hui, l’Etat palestinien est en grande partie une construction punitive tramée par les pires ennemis historiques des Palestiniens : Israël et ses implacables alliés, les États-Unis. L’intention derrière l’Etat, aujourd’hui, est de limiter territorialement les aspirations palestiniennes, de les forcer à renoncer à leurs droits moraux, à revenir sur leur histoire et à se soumettre aux diktats d’Israël sur les questions fondamentales de souveraineté.

Son c ?ur est l’Autorité Palestinienne croupion qui est maintenant fondamentalement soutenue par la présence de l’armée israélienne en Cisjordanie. L’Autorité Palestinienne est de plus en plus transformée en un attirail de l’occupation israélienne ; sa fonction est de servir les intérêts sécuritaires israéliens tels que désignés par Israël lui-même et les équipes de l’armée américaine qui ont supervisé la mise sur pied des forces de sécurité palestiniennes.

Ce qui n’est vraiment pas clair, c’est comment un État indépendant peut être construit avec l’appui des forces-mêmes qui l’occupent. Ou encore comment des institutions étatiques peuvent être construites alors que l’occupation continue à déterminer tous les aspects de la vie palestinienne.

La notion d’un Etat était un rejeton du combat palestinien et non son point nodal. Néanmoins, il y a eu une période, à partir du milieu des années 70, où l’Etat aurait pu représenter le point où les aspirations nationales palestiniennes rencontraient les limites du possible.

Aujourd’hui, ce concept est moins attrayant que jamais. Olmert exige des Palestiniens qu’ils renoncent à leur histoire. Le président Bush décide pour eux de ce que doivent être leurs frontières et leurs droits. Et Tony Blair agite un doigt et dit aux Palestiniens qu’ils n’obtiendront pas le moindre état si celui-ci ne répond pas à ses normes de gouvernance de qualité (sic).

La tentation est de dire : "Merci, mais non merci". Dans de telles circonstances, les Palestiniens pourront aussi bien opter pour autre chose. Ils pourraient évoquer le pire cauchemar d’Olmert et appeler à une résolution plus équitable et plus juste qui soit construite sur une base différente, faite de respect mutuel, d’égalité et de réciprocité, et un sens de véritable partenariat dans le partage des terres.

Ou les Palestiniens pourrait simplement continuer à dire non à un État qui ne répond en rien à leurs besoins essentiels. Quelle que soit la voie choisie, il est difficile de voir comment Israël peut gagner cette lutte à long terme.

* Ahmad Samih Khalidi est chercheur au St Antony’s College, Oxford. Il est l’auteur de "L’identité palestienne", Ed. La Fabrique, 2003


Sur un thème proche :

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Ahmad Samih Khalidi - Counterpunch, les 15-16 décembre 2007 : Why a Palestinian "State" is a Punitive Construct
Traduction : Blog d’Alain Gresh, Nouvelles d’Orient & Info-palestine.net


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