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Premier ministre c/opinion publique

mercredi 14 novembre 2007 - 06h:23

Caelum Moffatt - Miftah

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Nul, actuellement, n’est assez qualifié pour entreprendre cette tâche complexe : créer les conditions pour la construction d’un chemin où les deux parties pourraient marcher en confiance.

La plupart des commentaires qui inondent la presse actuellement analysent méticuleusement les conséquences qu’aurait un sommet raté [à Annapolis] et se concentrent sur le probable déclanchement d’une nouvelle Intifada, sur lequel a insisté Ahmad Qurei. Ce pourrait bien être le cas mais il est important aussi de reconnaître qu’un succès pourrait faire surgir une vive indignation chez les Israéliens, lequel pourrait à son tour affecter les Palestiniens et entraver toute prise de position positive.

En l’état actuel, la date pour Annapolis est-elle décidée ou non ? D’après le Premier ministre Ehud Olmert, le sommet de la paix se tiendrait apparemment « dans la dernière semaine de novembre », et les invitations seraient envoyées dans les jours qui viennent. Beaucoup pensent que Condoleezza Rice a dit à Mahmoud Abbas, la semaine dernière, que le sommet se tiendra, « en principe », le 26 novembre. Puis, Ahmad Qurei qui dirige le groupe de négociateurs palestiniens confirme que c’est bien le 26 novembre que le sommet se réunira. Mais de son côté, Saeb Erekat qui fait équipe avec Qurei soutient que la date, les participants et les invitations n’ont pas encore été divulgués. Le chef du département Négociations de l’OLP dit que la situation est toujours soumise à débat.

La condition préalable qu’exigeaient les USA - il n’y aurait aucune date ni invitations d’envoyer tant que les deux parties ne se seraient pas mises d’accord sur un document commun -, a sans doute été abandonnée. Le groupe des négociateurs palestiniens espérait pouvoir faire pression pour que ce soit un document détaillé avec un calendrier sur six mois pour sa mise en ?uvre, alors que Tzipi Livni, qui dirige le groupe israélien, et les Etats-Unis rejetaient cette idée, favorables à un document plus vague. Leurs attentes du sommet furent révélées par le porte-parole d’Olmert, Miri Eisin en ces termes : « Annapolis n’a rien à voir avec une mise en application. Il s’agit de définir les problèmes, de montrer comment on peut aller de l’avant sans pour autant apporter les solutions immédiates. »

Au coeur de toute cette ambiguïté, la secrétaire d’Etat américaine a reconnu qu’elle ne pensait pas qu’un document puisse être élaboré de si tôt. Les Etats-Unis ont donc pris la liberté de rédiger une « déclaration d’intentions » pour les négociations d’Annapolis, y incluant la Feuille de route, l’initiative de paix arabe et la résolution 1551 du Conseil de sécurité des Nations unies sur le statut final. Cependant, les Palestiniens ont dû céder à une dernière pression car le ministre des Affaires étrangères, Riyad al Malki, a annoncé qu’ils reculaient sur leur exigence de document détaillé, et qu’ils étaient prêts avec Annapolis à relancer les initiatives de paix antérieures avant de s’avancer sur un document traitant du statut final.

Tout semble donc parti pour un sommet de la paix. Il n’y a pas le document global sur lequel Abbas s’était avancé publiquement mais aucun doute, Abbas participera à Annapolis. Son avenir de président est en jeu, sans parler de sa réputation comme politicien respecté. Les deux dépendent d’Annapolis. Abbas risque de tomber dans l’abîme de l’impopularité politique, jusqu’à ne plus avoir aucun pouvoir et être évincé.

Admettons donc que le 26 novembre soit vraiment la date d’Annapolis. Oublions un moment l’étude de la Paix Maintenant qui dit que 8,1 % des Israéliens vivent dans les colonies, que le nombre de logements en construction est en expansion, et qu’il n’y a aucun gel de la colonisation comme demandé dans le « processus de paix ». Négligeons aussi le fait que les incursions se poursuivent, que le nombre de check-points n’a jamais été réduit, et puis imaginons que l’Arabie saoudite et la Syrie ne portent aucun intérêt au sommet. Présumons enfin qu’Olmert fera bien ce sommet. Ajoutons que le Premier ministre pourrait bien être placé en garde à vue si les trois enquêtes pénales lancées contre lui révélaient des irrégularités.

Une fois qu’on a dit tout ça, que nous apprend l’histoire sur les ramifications d’un Premier ministre israélien avec les représentants palestiniens ?

Le 3 novembre dernier, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Tel Aviv pour commémorer le 12è anniversaire de la mort de Yitzhak Rabin, assassiné par un extrémiste israélien, Yigal Amir, pour avoir signé les Accords d’Oslo avec Yasser Arafat en 1994. Il avait été jugé que le Premier ministre israélien avait accordé des concessions aux Palestiniens et cela lui a coûté la vie. Bien que les 12 dernières années n’aient pas débouché sur d’autres assassinats, on peut observer la même tendance. Un Premier ministre israélien a, aujourd’hui, l’intention d’accorder des « concessions » aux Palestiniens. Celles-ci peuvent être mineures comparées à ce que demandent les Palestiniens, mais en tous les cas, ledit Premier ministre pourrait bien se retrouver rapidement viré de la politique.

Shimon Peres avait pris la relève de Rabin et il a avancé en appliquant les Accords de Taba en 1995. Cependant, suite à une recrudescence des attaques palestiniennes et au mécontentement de l’opinion israélienne, Israël a voté pour Benjamin Nenanyahu qui a remplacé Peres en 1996. Netanyahu a relancé la colonisation qui avait été gelée, pris une position stricte sur Jérusalem-Est et a finalement mis en suspens les Accords d’Oslo en 1998. Mais à Wye River et Sharm el-Sheik, le Premier ministre a montré une volonté pour rechercher une solution avec les Palestiniens et cela a mis fin à son mandat, il fut remplacé par Ehud Barak en 1999. Barak n’a pas duré longtemps non plus. En 2000, à Camp David, Barak a paru céder sur certaines concessions que l’opinion publique israélienne a jugé trop importantes. Bien qu’Arafat ait refusé son offre, la considérant encore inacceptable, l’opinion publique israélienne a perdu confiance en son Premier ministre. Une fois que l’Intifada Al-Aqsa fut déclanchée en septembre 2000 et que les tentatives de paix eurent échouées, Barak n’a pas été réélu en février 2001. La route était alors ouverte pour Ariel Sharon, catalyseur de l’Intifada Al-Aqsa et farouche opposant à toute concession aux Palestiniens. Lui n’a pas été viré mais il a succombé à une attaque cérébrale en 2006 et il fut remplacé par Ehud Olmert.

Même si les sondages en faveur d’Olmert ont connu une légère progression par solidarité celui-ci s’étant déclaré malade du cancer de la prostate, le Premier ministre reste désespérément impopulaire. Un récent sondage, selon la Conférence de Sderot, indique que pour 56 % des gens interrogés, Olmert est le politicien le plus corrompu en Israël. De plus, et ce qui démontre le manque de confiance dans le gouvernement actuel, 33% estiment le vice-Premier ministre, Haim Ramon, corrompu, et 29 % le ministre de la Défense, Ehud Barak. L’autre volet du sondage interroge sur les plus honnêtes. La ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, arrive en tête avec 46 % et ceux qui sont les plus cyniques à l’égard du sommet, le ministre des Transports, Shaul Mofaz et Eli Yishai ,du Shas, obtiennent respectivement 34 et 25 %. Sauf pour Livni, l’opinion publique israélienne choisit d’accorder sa confiance à des personnalités qui remettent catégoriquement en question l’objectif du sommet.

« Si nous agissons résolument ensemble, nous et les Palestiniens, il y a une chance pour que nous parvenions à une vraie réussite, peut-être même avant la fin du mandat du président Bush ». Ces propos d’Olmert lui-même ont provoqué des inquiétudes chez les Israéliens à tous les niveaux. La plupart croient qu’il est en train de sacrifier la sécurité d’Israël sous la pression des Etats-Unis, dans le souci d’accélérer le processus de paix et d’éviter un échec public. Les déclarations de Condoleezza Rice et du chef des renseignements militaires israéliens, le major Amos Yadlin, qui sous-entendent simplement que le sommet « ne doit pas échouer », ne suffisent pas à laisser croire aux dirigeants qu’ils sont mandatés pour faire des concessions aux Palestiniens.

Benjamin Netanyahu du Likoud a affirmé qu’Olmert « était en train de faire la paix avec un partenaire virtuel, dans une réalité virtuelle ». Le Likoud a lui aussi pressé Olmert et Barak de ne pas participer.

Ces réserves n’émanent pas seulement de partis extérieurs à la coalition. Le président du parti Yishrael Beiteinu, Avigdor Lieberman, a affirmé que toute discussion sur les questions essentielles du statut central mettrait en pièces la coalition et avec elle, l’autorité d’Olmert. Un autre membre du parti, Yisrael Hassan, a dit que le sommet de la paix était « un fantasme, pas une vision », le comparant au paludisme avec ses symptômes de délires, de tremblements et de fièvres. Partageant les mêmes sentiments, bien que de façon moins véhémente, Eli Yishai, membre du Shas, autre parti de coalition, affirme qu’Israël n’a aucun partenaire qui puisse s’acquitter de ses obligations.

Les membres de la Knesset n’ont pas fait qu’exprimer des opinions personnelles sans aucun soutien. Deux mille manifestants d’extrême droite du groupe Yesha ont envahi les rues de Jérusalem pour protester contre Olmert et Peres. Leur tendance est représentée par Shaul Goldstein qui déclare : « Nous savons parfaitement qu’avec les concessions envisagées par Olmert, le Hamas finira en Cisjordanie et le c ?ur d’Israël sera à portée de ses roquettes. »

S’agit-il de véritables craintes pour la sécurité ou d’une façade pour préserver un profond sentiment à l’égard de leur Etat et leurs objectifs qui interdisent toute coopération ou négociation avec les Palestiniens ? Les Israéliens sont-ils vraiment préparés, collectivement, à assumer l’étape suivante ?

Abbas a déclaré que l’Autorité palestinienne avait rempli 90 % de ses obligations stipulées dans la Feuille de route alors qu’Israël n’avait pratiquement rien réalisé. En outre, Abbas affirme qu’il n’est laissé aucune chance à l’Autorité palestinienne pour sécuriser la Cisjordanie. La semaine dernière, le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, a déployé 308 officiers de police spéciaux dans Naplouse avec mission de « restaurer l’ordre public ». Ils ont même échangé des coups de feu avec des éléments des branches militaires politiques, mais leur travail a été sapé par les Israéliens qui ont lancé des raids sur Naplouse contre deux mosquées.

Il y a aussi des Israéliens qui soutiennent sans réserve la philosophie dans laquelle l’Etat d’Israël a été créé. Un livre récent du Dr Ludwig Watzal reprend un commentaire d’Akiva Eldar publié en 2003 : « La philosophie sioniste n’aspire pas à la coexistence mais à la colonisation et à une idéologie d’exclusion qui doit être imposée et maintenue par la force. » En 1937, David Ben Gurion déclarait qu’ « après la constitution d’une grande armée, aussitôt après la création de l’Etat, nous abolirons la partition et nous nous étendrons sur toute la Palestine ». Les Palestiniens furent présentés comme « des animaux marchant sur deux jambes » par l’ancien Premier ministre, Menachem Begin, puis comme « un cancer » par Moshe Ya’alon, et un autre Premier ministre, célèbre, Golda Meir, a annoncé : « Il n’y a rien qui ressemble à un Palestinien ». En 1992, une clause qui reprenait la Déclaration des Droits américaine sur l’égalité a été retirée de la Loi fondamentale israélienne par la Knesset. Plus récemment, la plupart des Israéliens refusaient toute négociation sur Jérusalem-Est à propos des colonies et d’en laisser le contrôle à l’Autorité palestinienne ; beaucoup ont approuvé vivement l’expansion des colonies en Cisjordanie ; 87 % refusent de reconnaître le droit au retour des Palestiniens et environ 62 % des Israéliens veulent voir leurs dirigeants inciter la communauté arabe d’Israël à s’en aller.

Bien sûr, il ne faut pas généraliser et supposer que tous les Israéliens gardent les propos et les convictions des anciens Premiers ministres au fond de leur c ?ur et qu’ils s’opposent à toutes concessions à l’égard des Palestiniens. Ceci étant, il y a encore un nombre significatif de personnes influentes qui, pour quelque raison que ce soit - qu’il s’agisse d’une adhésion passionnée au sionisme, ou à un sionisme extrémiste, sous couvert de préoccupations sécuritaires, ou de véritables soucis sécuritaires en cas de passation rapide des responsabilités -, croient que ce serait une erreur de faire la moindre proposition aux Palestiniens, du moins pour le moment. Si Olmert se met d’accord avec Abbas pour appliquer les accords de paix précédents [ceux qu’Israël et la communauté internationale demandaient au Hamas de faire siens - ndt] avec l’objectif d’en arriver à des solutions pour le statut final en 2009, sa coalition gouvernementale s’effondrera, et le nouveau Premier ministre - qui sera très probablement Benjamin Netanyahu, l’aile droite du Likoud - remettra les rapports à la case départ. Les fonctions de Rice prenant fin dans un peu plus d’un an, avec l’imminence d’un nouveau président pour les Etats-Unis, même un succès à Annapolis selon les normes d’Olmert pourrait se révéler gravement préjudiciable aux Palestiniens. Le peuple aura assisté à un pas en avant, puis deux pas en arrière, et n’aura plus qu’à rechercher d’autres représentants, plus efficaces. Avec une décision prise dans la frustration et la colère, qui sait ce qu’il fera.

L’émissaire du Quartet au Moyen-Orient, Tony Blair, a souligné : « L’ironie, c’est qu’un accord définitif n’est pas difficile à apercevoir. Il est visible au loin, c’est la maison sur la colline mais le chemin pour y aller est lourd de dangers ». Pour l’instant, la situation n’a rien d’ironique. Il n’y a pas de chemin pour conduire les parties jusqu’au sommet de la colline - le seul qu’il y ait tourne tout autour et en bas de la colline. Le chemin qui monte au sommet reste à construire puisque nul, actuellement, n’est assez qualifié pour entreprendre cette tâche complexe : créer les conditions pour la construction d’un chemin où les deux parties pourraient marcher en confiance.


Annapolis :

- « La conférence de paix n’est qu’une chimère »
- Annapolis ? Pour quoi faire ?
- Un vieux Palestinien s’adresse à la conférence d’Annapolis

12 novembre 2007 - Miftah - traduction : JPP


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