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Sarah, Mahmoud et Yehya

jeudi 27 septembre 2007 - 06h:17

Yassmin Moor - The Electronic Intifada

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L’uniforme scolaire de Sarah Abu Ghazal est toujours posé sur son matelas, il n’a pas bougé depuis que Sarah est sortie jouer avec ses cousins Mahmoud et Yehia Abu Ghazal, le mercredi 29 août.

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Sarah, Mahmoud et Yehya - PCHR Gaza

Le 02 septembre, elle devait commencer sa 4° année d’école, mais son ami Amani, qui l’accompagnait depuis la 1° année, fera le trajet tout seul cette année. La maman de Sarah lui avait acheté l’uniforme bleu de l’école, un jean et des chaussures noires la veille du jour où elle fut tuée par un tir de tank israëlien. La mère avait attendu la dernière minute pour acheter les fournitures scolaires car elle attendait le salaire de son mari, qui n’avait rien reçu depuis le mois de juin. Encore en vie, Sarah se préparait avec ses nouveaux vêtements pour la rentrée des classes, quand Yehva l’a appelée pour jouer.

Agé de 10 ans, Mahmoud admirait Yehya, il le suivait partout comme s’il était son propre frère. Le jour de sa mort, il venait de dire à sa mère de ne rien lui acheter avant que Yehya n’ait acheté ses affaires. Il lui avait fait promettre de lui acheter les mêmes choses que Yehya. Mahmoud a été tué à côté de Yehya et il est maintenant enterré contre lui.

Issu d’une famille de 9 enfants, Yehia accédait à la 6° année d’école après avoir passé presque tout l’été à garder le troupeau de chèvres familial. Appartenant à une petite communauté de Bédouins installée à la frontière nord de la bande de Gaza, près de Beit Hannoun et du poste frontalier d’Erez, la famille de Yehya a toujours supporté les incursions fréquentes d’Israël et les attaques sur Gaza. L’armée pénètre presque chaque semaine et généralement rase quelques maisons, arrête quelques hommes et se retire de nouveau. Le père de Yehya a été arrêté en septembre 2006 et attend encore dans une prison israëlienne d’ être inculpé ou jugé. Après le retrait unilatéral de Gaza en 2005, le territoire était apparemment libéré, jusqu’à ce que les tanks israéliens pénètrent dans Gaza à 3h de l’après-midi, attaquent la maison familiale et arrêtent le père et l’oncle de Yehya.

Ce mercredi après-midi, selon sa mère, Yehya menait ses chèvres tout près de la maison quand il les perdit de vue. Il les aperçut plus loin, reniflant des lance-roquettes abandonnés, aussi il s’approcha pour les ramener. Yehya suivit ses chèvres, accompagné par Mahmoud et Sarah. D’invisibles soldats dans des tanks israëliens les identifièrent comme des “activistes” et tirèrent. Les garçons moururent immédiatement des blessures causées par les éclats, Sarah décéda plus tard, seule, à l’hôpital. Sa famille est arrivée trop tard pour la voir du fait que son corps avait été transféré à l’hôpital Beit Lahiya.

L’armée israëlienne a indiqué qu’elle avait “identifié et abattu plusieurs lanceurs de roquettes visant Israël”. Selon la famille Abu Ghazal, aucune roquette n’a été tirée de cette région pendant les 9 derniers mois et ceci est connu de l’armée israélienne. De toutes façons, les tanks étaient suffisamment proches pour que les soldats puissent voir les enfants et ils pouvaient également compter sur le grand ballon blanc de reconnaissance qui survole constamment Beit Hanoun.

Tenter de trouver un chauffeur pour se rendre aux funérailles des enfants au nord de Beit Hanoun, le second des 3 jours de deuil, a été quasi impossible, c’était comme si on leur demandait de passer au feu rouge. Beit Hanoun paraît différente du reste de Gaza. Les rues sont vides, il y a des débris partout, des arbres déracinés, des zones rasées, et très peu de commerces. D’une région traditionnellement verte et agricole, ne subsiste qu’un no man’s land vidé où personne n’ose aller. S’il existe un endroit à Gaza qui ressemble à une zone de guerre dévastée par des années de conflit, c’est Beit Hanoun. On peut voir et entendre les infames Quassams quand ils survolent la Bande de Gaza et le territoire d’Israël en représailles des bombardements des F-16 et des tanks israéliens. Les F-16 survolent la ville plus fréquemment qu’aucun autre endroit à Gaza ; pas étonnant que les chauffeurs, ou quiconque, refusent de se rendre dans la zone de Beit Hanoun.

La communauté Bédouine, dont sont originaires les enfants , est installée au nord de la bande de Gaza entre les plantations d’agrumes rasées et des bâtiments démolis. Les pères de Yehya et Mahmoud sont frères, aussi ils vivent dans la même maison de 3 chambres. Les chambres sont couvertes de tôles amiantée, le séjour est un espace sableux en face des chambres et la cuisine consiste en une petite cuisinière, une table et quelques casseroles. Ils n’ont ni électricité et ni eau courante. Le fruit du travail quotidien des villageois sur leurs terres assurait leur subsistance, mais les incursions israëliennes hebdomadaires ont détruits leurs terres, et par conséquent leur gagne-pain. Ils reçoivent de l’aide de l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés Palestiniens, UNRWA, mais doivent se rendre à Beit Hanoun ou Beit Lahiya pour tout le reste. Leurs moyens de transports sont des charettes tirées par des animaux.

Les mères des trois enfants se sont assises les unes à côté des autres pour les funérailles, avec en arrière plan les tanks israëliens postés à la frontière. Les mères de Yehia et Mahmoud tenaient chacunes une photo de leur fils, tandis que la mère de Sarah tenait une affiche représentant Yehya et Mahmoud avec leurs noms inscrits sous leurs photos, et, entre celles-ci, l’image d’un bouquet de roses rouges, souligné du nom de Sarah. “Israël veut seulement verser notre sang”, la mère de Yehya a prononcé ces mots en s’étranglant. “Ils n’avaient rien fait de mal ... ils n’avaient ni roquettes, ni tanks ... ils étaient juste en train de jouer” a jouté la mère de Mahmoud. Elles étaient assises toutes les trois sur le matelas que Yehya partageait avec Mahmoud. La nuit, Mahmoud se glissait hors de la chambre de sa mère pour aller dormir avec Yehya. “Ils avaient décidé de faire les choses ensemble”, dit encore la mère de Yehya, “Mahmoud n’aurait pas voulu vivre sans Yehya. Que Dieu garde leurs âmes ensemble.”

Le jour qui suivit, à la BBC, les militaires israëliens déclarèrent que le meurtre de Yehya, Mahmoud et Sarah était un accident : “ à la toute dernière seconde, on a pu voir que c’était des enfants, mais il a été impossible d’arrêter l’explosion.” Il n’y eut aucune allusion à la responsabilité des soldats qui les ont tués, ou, c’est le minimum, aucune offre de soutien aux familles ou à la communauté. Ils ne peuvent quitter leur région, ou leur terre, car ils n’ont nul part où aller. Où est la justice pour Yehya âgé de 12 ans et son enfance brisée, ou pour Mahmoud qui ne voulait rien de plus qu’avoir les mêmes affaires que son ami, ou pour Sarah qui ne portera jamais son nouvel uniforme d’école ?

* Yassmin Moor est palestinienne et américaine et écrit depuis Rafah, dans la bande de Gaza. Elle travaille actuellement sur un projet de jardin d’enfants à travers une organisation dont elle est co-fondatrice : Save Gaza

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De la même auteure :

- Bonjour de Rafah

5 septembre 2007 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
[Traduction : Brigitte Cope - Info-Palestine.net]


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