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Les Américains et la course à l’armement

mercredi 29 août 2007 - 09h:09

Pascal Boniface - Réalités Online

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Un voyage commun de la Secrétaire d’Etat et du Secrétaire à la Défense américains n’est pas chose courante. Mais si Condolezza Rice et Robert Gates se déplaçaient ensemble c’était avec un projet faramineux de vente d’armes pour un montant de 20 milliards de dollars aux six pays membres du Conseil de Coopération du Golfe : Arabie Saoudite, Koweit, Qatar, Emirats Arabes Unis, Bahrein et Oman. L’objectif, selon Madame Rice, est d’aider les forces de modération et de soutenir une stratégie plus globale visant à contrer les influences négatives d’Al Qaïda, du Hezbollah, de la Syrie et de l’Iran.

Les pays concernés sont placés devant un dilemme embarrassant. Refuser cette offre c’est se priver des moyens de défense en cas de menaces ultérieures à leur sécurité. Les Etats-Unis pourraient leur reprocher d’avoir refusé des moyens de dissuasion qu’ils leur proposaient. Mais l’accepter risque d’aggraver une situation géopolitique déjà passablement compliquée. Non pas que les pays en question n’ont pas les moyens d’acquérir ses armes. L’augmentation de leurs revenus pétroliers les place dans une situation financière confortable. La véritable question est de savoir s’ils en ont le besoin ? Et si ce projet américain peut faire partie d’une solution aux problèmes du Moyen-Orient ou s’il ne risque pas au contraire de les aggraver ? Il n’est pas certain que la région ait besoin de plus d’armes. S’il y a un manque dont elle souffre, c’est bien plus celui de perspectives politiques afin de stabiliser la situation stratégique.

C’est bien là que repose la source majeure d’insécurité et des livraisons d’armes n’y changeront rien, bien au contraire. Les craintes des pays du Golfe, par rapport à l’Iran, concernent plutôt l’accession de ce pays au statut nucléaire. Les moyens conventionnels proposés par les Etats-Unis ne sont d’aucune efficacité. Leur autre source majeure de préoccupation est la menace du terrorisme. Ce ne sont pas des missiles guidés ou des avions de chasse qui permettent d’y faire face. Ils risquent au contraire d’antagoniser un peu plus les relations de la région. Il est vrai que l’Iran ne fait pas grand chose pour améliorer la situation. Il est depuis déjà assez longtemps vécu comme une menace par ses voisins arabes, menace qui justifie en grande partie la présence militaire américaine dans la région. L’Iran n’a certainement pas fait les efforts nécessaires pour améliorer ses relations avec ses voisins et faire diminuer le sentiment de peur qu’il inspire.

Mais relancer la course aux armements dans la région aura pour effet de renforcer en Iran les partisans de la ligne dure, pas ceux d’une ligne modérée.

Les Etats-Unis s’inscrivent-ils dans une nouvelle perspective de guerre des civilisations qui n’opposerait pas le Monde musulman au Monde occidental, mais qui passerait à l’intérieur du Monde musulman entre Chiites et Sunnites ? Est-il raisonnable de prendre le risque d’exporter dans la région les affrontements communautaires qui ont lieu en Irak ? Qui aura à y gagner ? Certainement pas les Etats et les populations de la région. Est-il vraiment sérieux de mettre dans la même catégorie Al Qaïda qui se revendique clairement du terrorisme et le Hezbollah qui est un parti politique de masse au Liban, ou encore la Syrie et l’Iran dont le comportement international est loin d’être irréprochable mais dont l’objectif de la communauté internationale doit être plutôt de le réintégrer dans le jeu que de les diaboliser et de les antagoniser ? Ce projet va s’accompagner d’une aide militaire accrue à Israël de plus de 25% afin qu’Israël conserve un avantage comparatif par rapport aux armées arabes, et afin de mieux faire accepter ce projet par le Congrès, Israël va recevoir 3 milliards de dollars annuels d’aide militaire pour les dix prochaines années. Un article de l’Herald Tribune était même titré “Israël accepte les ventes d’armes américaines aux pays du Golfe”.

Ceci en dit long sur la relation américano-israélienne. Là encore, on a du mal à voir en quoi l’augmentation de l’aide militaire américaine à Israël peut constituer un facteur de stabilité régionale. Même si l’on part du besoin de sécurité d’Israël, croit-on vraiment que le problème principal pour l’Etat hébreu consiste en un équilibre conventionnel avec les voisins arabes, lui qui de surcroît possède l’arme nucléaire ? Non, là encore ce sont les perspectives politiques qui font défaut. Ou plutôt l’absence de volonté politique. Comment expliquer qu’alors qu’avec le plan Abdallah les pays arabes proposent depuis 2002 un projet de règlement du conflit du Proche-Orient, celui-ci reste toujours sans réponse ?


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Pascal Boniface

Pascal Boniface est géopolitologue et directeur de l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques). Ses travaux portent sur les thèmes des relations internationales, des questions nucléaires et de désarmement, les rapports de force entre les puissances, la politique étrangère française ou encore l’impact du sport dans les relations internationales.


Du même auteur :

- La politique du carnet de chèques
- Chaos en Palestine : La responsabilité israélo-américaine
- Iran : le scénario catastrophe

Pascal Boniface - Réalités Online, le 23 août 2007


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