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L’amertume des anciens colons de Gaza

mardi 28 août 2007 - 08h:04

Karim Lebhour - RFI

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Deux ans après leur évacuation de la bande de Gaza qui s’est achevée le 23 août 2005, les anciens colons israéliens attendent toujours de retrouver un logement définitif. L’obstacle à leur relogement tient autant à la bureaucratie, largement dénoncée, qu’aux exigences des évacués qui refusent, par exemple, d’être séparés.


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Des maisons en préfabriqué construites à la hâte par le gouvernement israélien, à Nitzan (Ph. : AFP)

« C’était un lundi ! » Ilana Ben Naïm n’a rien oublié de cette journée du 15 août 2005, quand elle a été forcée de quitter sa maison du Goush Katif, le principal bloc de colonies au sud de la Bande de Gaza, où elle vivait depuis vingt-cinq ans avec son mari et ses six enfants. Deux ans plus tard, la famille Ben Naïm occupe toujours une « caravilla » provisoire à Nitzan, une zone en bordure de mer, entre Ashdod et Ashkelon. Ces maisons en préfabriqué d’une centaine de mètres carrés, construites à la hâte par le gouvernement israélien dans les dunes de sable d’une réserve naturelle, au grand dam des écologistes, accueillent environ 3 500 anciens colons de Gaza.

Les rues tracées au cordeau portent le nom des implantations d’où sont originaires les habitants : Neve Dekalim, Nissanit, Bedolah. « Nous avons accepté de venir ici sans résistance pour construire une nouvelle communauté. Nous pensions que cela durerait un an tout au plus, mais rien n’est fait et nous vivons toujours comme des réfugiés ! » lance Ilana. Pour ce couple de quinquagénaires qui exploitait des serres agricoles dans l’implantation de Gadid, la reconversion est difficile. Ilana a repris son travail d’institutrice et Eli, son mari, ronge son frein en attendant de trouver de nouvelles terres à cultiver. « Ce que nous demandons est très simple. Nous voulons retrouver tout ce que nous avions au Goush Katif. Que l’on nous rende l’équivalent de nos terres et de nos maisons. Rien de plus, rien de moins ! » martèle l’ancien fermier.

Malgré la promesse d’Ariel Sharon d’une solution rapide pour les colons de Gaza, la quasi-totalité des familles sont encore dans l’attente d’un relogement définitif. Seules quelques dizaines de familles se sont réinstallées, ailleurs en Israël ou dans des implantations de Cisjordanie. « Deux ans après le désengagement, nous sommes toujours très loin d’une solution. La phase de transition va encore durer cinq ou six ans avant que les logements définitifs ne soient construits. Il y a beaucoup de frustration et de déception parmi les gens du Goush Katif » note Lior Halfa, l’ancien maire de la colonie de Neve Dekalim qui accuse le gouvernement israélien d’avoir manqué à ses engagements. « Le gouvernement d’Israël a pris nos vies, nos maisons et nos moyens de subsistance. Je me suis installé dans la bande de Gaza, parce que le gouvernement de l’époque nous encourageait à le faire. C’est le devoir de ce pays de nous aider ».

On peut forcer les gens à partir, pas à s’intégrer

Si les choses prennent tant de temps, c’est autant en raison de la « bureaucratie » dénoncée par les évacués, que de leurs propres exigences. Habitués à vivre dans des communautés solidaires, les anciens colons de Gaza refusent d’être séparés. « Nous avons offert des solutions, mais les familles veulent rester ensembles. On peut forcer les gens à partir, mais on ne peut les forcer à s’intégrer » se défend Adiel Shimron, directeur adjoint de Sela, l’administration chargée du relogement et des compensations, soulignant la mauvaise volonté des évacués qui, jusqu’à la dernière minute, ont refusé de parler d’une solution de relogement avec le gouvernement.

Les évacués demandent également de nouvelles terres à cultiver. Une intransigeance qui agace en Israël où les colons sont souvent perçus comme des privilégiés. D’autant que chaque famille a reçu une compensation financière moyenne de 260.000 euros.(!) « Ce n’est même pas le prix d’un appartement à Ashdod ! » s’exclame Ilana Ben Naïm, pour qui cette somme est bien insuffisante pour espérer reconstruire en Israël la maison de plus de 360 m2 qu’elle possédait à Gaza.

En comptant les compensations et les dépenses militaires liées au retrait, la facture totale du désengagement de Gaza s’élève à plus d’un milliard et demi d’euros pour le gouvernement israélien. « C’est la seconde fois dans l’histoire d’Israël que nous sommes engagés dans un retrait [Israël a évacué des colonies du Sinaï égyptien en 1982, ndr]. « Nous n’avons pas beaucoup d’expérience dans l’évacuation forcée de gens » (!) explique Adiel Shimron pour justifier les difficultés des colons de Gaza, dont le sort ne manquera pas d’être rappelé, quand viendra le jour de parler d’évacuation en Cisjordanie, où vivent plus de 200 000 colons.


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Du même auteur :

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Karim Lebhour, envoyé spécial à Nitzan - RFI (Radio France Internationale), le 23 août 2007


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