16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Des milliers de colons israéliens ruinés par un promoteur en fuite

mercredi 22 août 2007 - 18h:22

Serge Dumont - Le Temps

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Colonie de Matitiyahou : des milliers de colons israéliens ruinés par un promoteur en fuite (y aurait-il finalement une justice dans ce bas monde ?)

La société Heftsiba, qui s’est développée notamment grâce à la construction de logements dans les territoires occupés, est menacée de faillite. Témoignages de gens spoliés.


« Nous avions 80000 euros d’économie. Ils ont été engloutis dans cette carcasse de béton et sans doute jamais on pourra les récupérer. » Pendant des années, Haïm Sizer et son épouse ont rêvé d’un grand appartement dans lequel chacun de leurs quatre enfants aurait sa propre chambre. Un endroit calme doté d’un grand balcon avec une baie vitrée donnant sur les collines avoisinantes.

Doté de moyens limités, le couple a donc acheté sur plan. Et en confiance puisque Heftsiba, le promoteur du projet immobilier, était jusqu’à ces derniers jours considéré comme le plus solide de tous les entrepreneurs israéliens. Créée en 1968 par l’homme d’affaires Mordekhaï Yona, cette entreprise s’est en effet développée de manière exponentielle. Grâce à des projets bas de gamme dans les villes excentrées d’Israël mais également en construisant à tour de bras dans les territoires occupés.

Cette success story s’est pourtant arrêtée en janvier 2006 lorsque la Cour suprême de l’Etat hébreu a donné raison à l’organisation La Paix Maintenant qui exigeait l’arrêt de plusieurs chantiers ouverts en Cisjordanie. Des projets lancés sans autorisation et sur des terres volées à des paysans palestiniens.

A la suite du jugement, 450 appartements en cours de construction dans les implantations religieuses de Modiin-Ilit ont donc été laissés en plan. Mille cinq cents autres qui devaient constituer les premiers quartiers de la ville de Matitiyahou-Est sont également restés en l’état.

« Ces lotissements ont été érigés grâce à une combine », explique le secrétaire général de La Paix Maintenant, Yariv Oppenheimer. « En résumé, un Israélien activiste du Likoud achetait les parcelles convoitées grâce à des complices qui se faisaient passer pour les propriétaires du terrain en exhibant des documents trafiqués. Or, nous connaissons les agriculteurs palestiniens qui ont reçu ces terres de leurs ancêtres. Ils ne les ont jamais vendues et n’ont jamais manifesté l’intention de s’en séparer. »

« Cette affaire jette une lumière crue sur ce qui se passe quotidiennement en Cisjordanie malgré les discours apaisants des dirigeants israéliens, poursuit le militant. Elle est d’autant plus scandaleuse que l’armée, qui a toute autorité sur les Territoires, ainsi que les pouvoirs publics n’ont rien fait pour empêcher Heftsiba de spolier de pauvres gens. »

Peu après la publication de l’arrêt de la Cour suprême, Boaz Yona, le fils du fondateur de Heftsiba, a cherché des investisseurs susceptibles de renflouer son entreprise. Il n’en a pas trouvé. Dans le même temps, il encourageait ses équipes de marketing à vendre des appartements en sachant qu’ils ne seraient pas terminés. L’escroquerie s’est poursuivie jusqu’à ce que la presse israélienne révèle l’affaire le 3 août dernier et que le patron de Heftsiba prenne la fuite à l’étranger. Résultat : quelque 10000 ménages se retrouvent sur le pavé et la société de construction est menacée de faillite.

Apprenant la nouvelle, des centaines de familles se sont alors ruées sur les immeubles de Modiin-Ilit et de Matitiyahou-Est dans l’espoir d’éviter la mise de leur bien sous scellés. Trois semaines plus tard, certains y campent encore. Sans eau ni électricité. Entre des murs de béton nu, au milieu de sacs de ciment et de piles de dalles pour salle de bain.

A Matitiyahou-Est, certains des 42 immeubles érigés par Heftsiba semblent achevés mais ils sont vides. D’autres sont encore à l’état de carcasse. Quelques routes sont tracées et l’éclairage public ne fonctionne pas. Les rues n’ont pas de nom. Dans l’appartement E-33 dont la porte a été soudée sur ordre de la curatelle, il faut entrer par la fenêtre pour rencontrer Hana Cohen, et ses six enfants. Faute de mieux, elle propose du café recuit sur un petit réchaud à gaz. « A Jérusalem, les prix sont beaucoup trop élevés pour les petites gens, dit-elle. Ici, mon mari et moi pensions trouver le moyen de vivre dans des conditions décentes. » Etait-elle consciente de participer à la colonisation de la Cisjordanie ? « Je ne me suis pas posé la question, reconnaît-elle. Ce qui m’intéressait, c’était d’améliorer notre quotidien. »

Originaire des Etats-Unis, Aaron Greenblum, le squatter de l’appartement B-7 affirme, lui, avoir délibérément choisi de s’installer en Cisjordanie pour des raisons politico-religieuses. Il dit cependant « regretter que les terres n’aient pas été achetées aux Palestiniens parce que la Bible interdit de voler ». Et de poursuivre : « Les vendeurs de Heftsiba nous disaient que tout était en ordre, que la barrière de sécurité ne passerait pas loin de la communauté pour nous protéger des infiltrations terroristes. Ils promettaient une réduction supplémentaire si l’on payait l’appartement en liquide. Pourquoi me serais-je méfié ? »

Selon les chiffres publiés par le Ministère israélien de l’intérieur, la population des colonies juives ultraorthodoxe s’accroît deux fois plus vite que celle des implantations « ordinaires ». Le marché est très porteur et plusieurs concurrents de Heftsiba ont d’ores et déjà manifesté leur intention de racheter les projets abandonnés.



Du même auteur :

- Des soldats obéissent aux rabbins plutôt qu’à l’état-major
- L’enjeu des prisonniers palestiniens
- Les émigrants ont le blues

Sur le même thème :

- Les colons appellent les Juifs américains à acheter des maisons en Cisjordanie
- Les colons lancent la première initiative de vente de logements aux USA

Serge Dumont, colonie de Matitiyahou (Cisjordanie) - Le Temps, le 22 août 2007


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.