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Réfugiés palestiniens, citoyenneté et Etat - partie 2/2

samedi 18 août 2007 - 06h:46

Sari Hanafi - Ceped

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Réfugiés palestiniens, citoyenneté et Etat (partie 1/2)

3. Crise du modèle classique d’État-nation

Le modèle classique de l’Etat-naton est basé sur la « trinité », État-territoire-nation. J’argumente que ce modèle est en crise profonde. Moyennant quoi, un nouveau modèle d’État-nation devrait être expérimenté, qui s’appuierait sur des frontières flexibles, une citoyenneté flexible et un certain degré de séparation entre la nation et l’État. C’est ce que j’appelle l’État-nation extra-territorial.

Dans le communiqué de Bethléem de décembre 2003, le Fatah considère l’État palestinien comme un substitut au droit au retour : « si nous devons choisir entre l’État palestinien et le droit au retour, nous choisirons le second ». Mais y a-t-il une solution qui englobe à la fois le droit au retour et l’État palestinien ? Je défends l’idée qu’une telle possibilité est impossible en dehors d’une évolution vers un État-nation extra-territorialisé. Une révision de toutes les catégories politico-légales traditionnelles au Moyen-Orient est non seulement nécessaire pour résoudre le problème des réfugiés dans des pays où ils constituent parfois jusqu’au tiers de la population, mais aussi pour aborder la question de l’identité et de la mobilité de la population entière. La crise de l’État-nation moderne est évidente à plusieurs niveaux. Trois d’entre eux méritent d’être signalés.

La capacité du souverain à utiliser l’état d’exception au niveau des lois qui régissent la citoyenneté, fait que l’exception est devenue la règle et que le statut ontologique des populations en tant que sujets de droit est suspendu. Le souverain a la capacité de transformer soudainement l’ensemble d’une population en apatrides, réfugiés et de les dénaturaliser. La politique d’exception israélienne à Jérusalem a fait de tous les Palestiniens une population temporairement résidente qui doit prouver que son lieu de vie est bien Jérusalem ; l’expulsion massive des réfugiés palestiniens de Libye ; l’absence de droits civils et socio-économiques des réfugiés palestiniens au Liban ne sont que quelques exemples de l’usage de l’exception par le souverain pour suspendre le statut d’une population indésirable.

Le deuxième niveau porte sur le problème de savoir qui est bénéficiaire des droits dans l’État-nation. Pour avoir des droits, il faut être citoyen. Les réfugiés et les apatrides n’ont pas de droits, mais sont « bénéficiaires » de certains avantages offerts par l’État et leur statut ontologique dépend des appareils disciplinaires de la police et des forces de sécurité. Ceci ne concerne pas uniquement le Moyen-Orient. Dans beaucoup de pays européens, de plus en plus de réfugiés sont également exclus des normes légales. Même après l’acquisition de la nationalité le statut des réfugiés reste vulnérable. La criminalité ou d’autres activités indésirables leur fait courir le risque de la dénaturalisation.

Le troisième niveau concerne la volonté du souverain d’identifier l’État avec une nation ou une religion : « Israël est un État juif », la « Jordanie est d’abord... », etc. et pose problème pour les catégories de population en situation difficile qui ont acquis une autre nationalité, une autre allégeance, une autre terre, voire une autre patrie, à la suite d’une migration (forcée ou volontaire).

Les négociateurs palestiniens se réfèrent à un pays, une nation et une allégeance, ils proposent une solution qui consiste à dénombrer les réfugiés dans un endroit donné et à leur imposer un ultimatum de quelques mois pour décider de leur destin, comme dans le cas de l’initiative de Genève signée par des partenaires palestiniens et israéliens. Les individus préfèrent maintenir la citoyenneté flexible et les passeports multiples, même s’ils choisissent de résider dans un seul endroit. Selon l’enquête du Palestinian Center for Policy and Survey Research conduite en 2003, environ 60 % des Palestiniens désireux de retourner en Israël souhaitent acquérir la nationalité palestinienne. Ils sont seulement 2 % à vouloir acquérir la nationalité israélienne et un quart de l’échantillon préfèrerait avoir les deux nationalités.

Si accumuler des passeports étrangers pour certains hommes d’affaires, à l’ère de la mondialisation, est « une question de convenance et de confiance », pour les Palestiniens de la diaspora il s’agit d’une question de survie, tant l’incertitude politique est grande. Pour ceux qui n’ont jamais possédé un passeport de leur vie, après avoir été forcés de se contenter d’un document de voyage, le passeport représente la possibilité d’entrer en relation, au minimum, avec la famille et les marchés du travail. A ce sujet, alors que les études sur les retours de migration travaillent sur un modèle classique qui envisage principalement un retour définitif, le concept de retour pourrait parfaitement être développé de manière à inclure une forme d’être « entre deux mondes ». Les études transnationales fournissent un excellent cadre conceptuel pour analyser les expériences des migrants qui choisissent de vivre entre deux mondes. Cette nouvelle forme de « refugeeness » et de migration est marquée par une participation active à la vie culturelle, sociale, économique et politique du pays d’origine et du pays d’accueil, et ouvre de nouvelles perspectives pour le problème des réfugiés palestiniens. Mais ceci restera impossible à réaliser si le futur État palestinien se conçoit comme un État-nation classique.

Ceci amène à aborder le problème des réfugiés palestiniens en tant qu’aspect fondamental de toute solution au conflit israélo-palestinien. En effet, ce problème des réfugiés ne peut se réduire à une simple question technique d’absorption, ni à une récitation du droit international comme on réciterait le Coran ! Le retour fait partie de la mise en place et de la négociation de l’identité palestinienne et, à ce titre, il contrarie le projet colonial israélien. Il s’agit donc à la fois d’un enjeu de la lutte nationaliste mais aussi d’un enjeu local.

4. Conclusion : Matrices de solution du réfugié

C’est difficile de parler du ’identité de-territorialisé comme désincarnation d’espace particuliere. Dans le contexte palestinien, l’identité est encore en particulier, hautement territorialisée, surtout tant que il existe une lutte de libération nationale dans leur vie quotidienne. Dans cette région c’est très dur d’imaginer un tel Etat. La discussion de Smith que les Etats-nation sont ’territorial par définition’, a un sens dans dans ce contexte (1998).

Cependant, le rapport entre identité nationale et le territoire est très chargé de ambivalence considérable et de dynamique contradictoire et plurivalente. Cependant cette identité territorialisé n’a pas entravé les transmigrants de montrer un comportement flexible malgré les politiques inflexibles des états dans la région, politiques qui ont vu flexibilité et mobilité comme une menace au modèle autoritaire classique de souveraineté. A la recherche pour une solution au problème de réfugiés palestiniens, ce papier a discuté un modèle de deux Etats-nation exterritorialités (israélien et palestinien). Ce modèle se situe quelque part entre la solution basée sur la constitution de deux états qui, dû aux déséquilibre dans la structure de pouvoir amène maintenant à la création d’un système d’apartheid, et la solution de l’Etat bi-national qui est très impopulaire pour les deux côtés. Une sorte de "confédération" peut être une solution plus faisable : deux Etat-nations exterritorialisés, avec Jérusalem comme capital partagé, forme, sans division territoriale, deux états différents. Cette conclusion va avec celle d’Eyal Weizman à propos de l’échec de toute solution basée sur séparation complète. (2004).

Je proposerai deux matrices qui montrent la possibilité pour résoudre le problème du réfugié palestinien, un qui correspond à une solution de deux Etats rigides et l’autre sur le modèle d’Etat-nations extra-territorialisés.

La matrice courante est basée sur les négociations accomplies dans les Taba ou les Initiatives de Genève. C’est très restrictif :

Dans cette structure, il n’y a aucune recognition de la responsabilité Israëlienne pour la naissance de problème des réfugiés palestiniens mais seulement compassion pour la situation critique du réfugié, exactement comme la déclaré le Premier ministre précédent israélien Ehud Barak à Camp David.

Si cette matrice avait été basée sur la supposition que le retour de réfugiés est un problème de stabilité démographique et politique, dans la nouvelle matrice au-dessous, je discute que le débat devrait changer pour penser la question de la citoyenneté. Cette matrice différencie entre ayant une nationalité et être résident. Pendant que tous les réfugiés devraient bénéficier des nationalités multiples, cela ne va par traduire nécessairement par dans un mouvement de masse de populations.

Il y a trois conditions pour une matrice basée sur un modèle d’Etat-nation extra-territorialisé : la capacité de tenir trois nationalités, un de pays hôte (ou un pays tiers qui accepte le déplacement de réfugié dans leur territoires), la Palestine et l’Israël ; la responsabilité de la part d’Israël pour la création du problème des réfugiés palestiniens ; et toute restriction de ces avantages devrait être soumise à accord bilatéral ou multilatéral entre états concernés. Toute solution dans ce sens doit être régionale, autrement le manque de coordination entre pays hôtes et le pays d’origine, pourrait finir par envoyer des réfugiés dans une orbite perpétuelle entre pays parce qu’ils sont niés le statut de résidence.


Matrice pour Réfugiés de 1948

Bien sûr, d’autres arrangements constitutionnels basés sur la notion de résidence et pas sur la nationalité peuvent être faisable pour permettre aux réfugiés d’avoir des résidences officielles multiples au lieu de nationalités multiples. Cependant, il est possible que cela produise plutôt le conflit que solution, comme on a vu dans l’histoire récent que les pays de la région peuvent expulser rapidement des non-citoyens en cas de conflit social ou politique.




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Sari Hanafi

Sari Hanafi est un ingénieur civil (Damas, 1984) et un sociologue (DEA à Strasbourg et doctorat à Paris) franco-palestinien. Il a travaillé pour le CNRS de 1991 à 1994. Sari Hanafi, ancien directeur du Palestinian Refugee and Diaspora Centre à Ramallah, chercheur au Centre d’études et de documentation économique juridique et sociale au Caire (CEDEJ) et chercheur à l’Université Al-Qods, est aujourd’hui professeur de sociologie à l’Université américaine de Beyrouth (AUB)


Adresse mail :
sh41@aub.edu.lb

Sari Hanafi - Ceped (Centre Population et Développement)
Colloque "L’asile du sud : Afrique, Méditerranée..." du 6 au 8 juin 2006, à Ouagadougou (Burkina Faso)
Ceped, décembre 2006, n° 53


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