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Territoires palestiniens - Une journée à Gaza

vendredi 15 juin 2007 - 07h:58

Karim Lebhour - RFI

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Une journée à Gaza, où les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne subissent une offensive sans précédent menée par le Hamas pour le contrôle de la bande de Gaza.

11h. Les postes militaires abandonnés sur la grand route qui relie le nord de la bande de Gaza témoignent de la bérézina des forces de sécurité loyales au Fatah. « Le Fatah est fini. Ils sont tous partis », soupire un jeune homme devant le passage d’Erez. Tout le Nord de la bande de Gaza est désormais sous le contrôle des forces du Hamas. Les miliciens islamistes, en uniformes noirs, ont mis en place une série de barrages et arrêtent les voitures à la recherche de membres du Fatah. Dans ce qui était hier encore le siège de la garde nationale, fidèle au Fatah, près du camp de Jabalya, les hommes de la Force Exécutive et des Brigades Ezzedine El-Qassam, les deux principales forces militaires du Hamas, paradent volontiers devant les journalistes.

Une cinquantaine de combattants islamistes ont pris position sur ce promontoire sablonneux qui assure le contrôle du nord de la bande de Gaza et sur lequel flotte désormais le drapeau vert du Hamas. « Les gens du Fatah se servaient de cette position pour tirer sur les habitants du camp de Jabalya, assure Abou Talal, Officier de la Force Exécutive qui a pris part à l’assaut du camp militaire. Nous leur avons donné un ultimatum d’une heure, puis une demi-heure, puis un quart d’heure, alors seulement nous avons attaqué ».

Les traces des combats sont assez discrètes. Les recrues de la garde nationale, mal payées et peu motivées, n’ont guère opposé de résistance. « Beaucoup d’entre eux ne voulaient pas se battre et sont restés dans leurs quartiers. Nous n’avons fait que riposter à ceux qui nous ont attaqué à coup de mitrailleuse et de lance-roquettes », explique Abou Talal qui affirme le Hamas n’a « pas besoin de grands moyens » pour l’emporter sur le Fatah. « Sans la religion et sans la détermination, ils ne peuvent pas gagner cette guerre », poursuit le chef islamiste, persuadé que « les Palestiniens veulent en finir avec le désordre sécuritaire et la corruption du Fatah ».

14h. Dans les rues de Gaza, les hommes cagoulés du Fatah sont nerveux et menacent de leurs kalachnikovs quiconque s’approche d’un peu trop près. Le Hamas continue son avancée vers la conquête de la bande Gaza. Dans le Sud, à Khan Younès, les forces de sécurité affirment « avoir perdu le contrôle de la ville ». La rumeur court qu’une quarantaine de policiers de la sécurité préventive de Rafah se sont réfugiés en Egypte. Information démentie par un diplomate égyptien. Seule la ville de Gaza, centre névralgique de l’Autorité palestinienne, semble offrir encore un espace de résistance pour des forces de sécurité retranchées autour de leurs places fortes. « Ce n’est pas une guerre civile, c’est une guerre d’élimination préparée depuis longtemps. Le Fatah ne s’attendait pas à un assaut d’une telle violence », avance Maher Mekdad, porte-parole du Fatah, pour expliquer les revers militaires de son mouvement, tout en reconnaissant que les forces du Fatah « ne sont pas vraiment ordonnées. Ca se ressent sur le moral des troupes ».

18h30. Quelques gamins improvisent une partie de football près de la rue Wahde, dans le centre de Gaza, malgré les fusillades qui claquent à tout bout de champ. Tous les magasins sont fermés, les rues désertes. Un homme entre en courant dans son immeuble, des sacs plastiques à la main. « C’est dangereux de sortir, mais je n’ai pas le choix. J’ai un bébé à la maison et il faut bien le nourrir », explique-t-il. « C’est une catastrophe. Nous ne sommes pas sortis depuis trois jours. On ne travaille pas. Toute la vie quotidienne est bloquée », renchérit Abdallah, 26 ans, sur le pas de sa porte, en souhaitant que « les Israéliens réoccupent la bande de Gaza. Au moins, tous ceux qui meurt aujourd’hui dans les rues mourront en martyrs ».

19h. Une poignée d’hommes de la sécurité nationale, débraillés, tirent vers le toit des immeubles sur des ennemis invisibles. A quelques centaines de mètres, les forces du Hamas sont en train d’attaquer la « Saraya », une caserne de la garde nationale dans le centre de Gaza. Les rafales d’armes automatiques claquent plus fort que jamais. Terrifiantes. Il faut appeler une voiture blindée pour sortir sans encombre de cette bataille de rue.

22h. Des feux d’artifices mortels illuminent la nuit de Gaza. Le quartier général de la sécurité préventive est attaqué par des obus de mortier. « Si la sécurité préventive tombe, s’en en fini. La garde présidentielle ne se battra pas », prédit un expert étranger. Pas une voiture ne circule dans les rues. Les Gazaouis se terrent chez eux pour une nouvelle nuit sans sommeil, pris au piège dans une bande de Gaza d’où il est impossible de sortir.

Karim Lebhour, envoyé spécial à Gaza - RFI, le 13 juin, 2007

Du même auteur :
- Gaza s’enlise dans le chaos sécuritaire
- A Bil’in, deux ans de résistance contre le « mur »


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