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Gaza s’enlise dans le chaos sécuritaire

dimanche 29 avril 2007 - 06h:35

Karim Lebhour - RFI

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Des groupes qui se réclament d’Al Qaïda font leur apparition, alors que le gouvernement d’union nationale ne parvient pas à enrayer les violences.

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Rebhi Salem, le directeur de l’école américainede Gaza, dans ce qui reste de son bureau.
(Photo : Karim Lebhour)

Le directeur de l’école américaine de Gaza est encore sous le choc. Samedi dernier, vers trois heures du matin, une douzaine d’hommes armés et masqués ont fait irruption dans l’établissement qui accueille les enfants de la bourgeoisie de Gaza. Ils ont aspergé le sol d’essence et déclenché deux charges explosives. « Je n’arrive toujours pas à croire que des Palestiniens ont fait cela à une école, se lamente Rebhi Salem, en montrant les restes calcinés de son bureau. L’école n’a aucun lien avec les Etats-Unis, c’est un juste nom pour donner une connotation internationale ».

L’incendie de l’école américaine n’est pas un incident isolé. En quelques semaines, des cybercafés accusés de diffuser de la « pornographie », une librairie chrétienne, des magasins de vêtements ou de disques proposant de la musique occidentale ont également été touchés par des attaques similaires dans la bande de Gaza, parfois revendiquées par des groupes se faisant appeler « Armée de l’Islam », « Les épées de la vérité » ou « Al Qaïda Palestine ».

Une phraséologie djihadiste jusqu’ici étrangère à la lutte palestinienne. Des salons de coiffure ont reçu des lettres de menace leur demandant de ne plus raser les barbes. « C’est une bataille contre les libéraux de Gaza. Ils veulent nous ramener des siècles en arrière, poursuit Rabhi Salem qui refuse pourtant de croire à la présence d’Al Qaïda dans la bande de Gaza. C’est un prétexte utilisé pour prouver que le gouvernement est incapable de maintenir l’ordre. Le problème est que nous n’avons pas d’Autorité capable de faire appliquer la loi. La police n’attrape jamais personne et ne conclut aucune enquête ».

Un plan sécuritaire de 100 jours

L’irruption de ces nouveaux groupes témoigne du vide laissé par les affrontements entre le Fatah et le Hamas. Même si les heurts entre les milices des deux camps se sont réduits, la formation d’un gouvernement d’union regroupant le Fatah et le Hamas, en mars dernier, leur rivalité persistance profite à des groupes et clans familiaux puissamment armés qui cherchent à imposer leur loi. « Il fallait s’y attendre, explique Omar Shaban, économiste et fin connaisseur de la scène politique de Gaza. Le fait d’être dirigé par le Hamas qui encourage un agenda et une terminologie religieuse a changé l’environnement politique. Certains y voient une opportunité d’exprimer leurs idées. Ils veulent envoyer un message et imiter ce qui se passe en Irak. Quiconque possède quelques armes peut créer son propre groupe armé à Gaza. De toute façon, ils sont certains de ne pas être punis. C’est la conséquence de l’absence de loi. »

Dans son bureau du centre de Gaza, Adel Heles, directeur du Département central des enquêtes, reconnaît son impuissance. « Nous avons des noms de ceux qui sont derrière tout ça, mais on ne peut pas les arrêter, car ils sont protégés par des groupes armés bien mieux équipés que nous. Si le Hamas et le Fatah ne collaborent pas pour nous aider on ne peut rien faire » affirme le fonctionnaire qui dit disposer en tout et pour tout d’une voiture et d’une vingtaine d’enquêteurs pour la ville de Gaza.

Il suffit de circuler dans les rues de Gaza pour constater l’état d’anarchie qui y règne. Des hommes armés de kalachnikovs ou de lance-roquettes se déplacent en toute impunité, sous l’ ?il impassible des très nombreuses forces de sécurité, pas moins de 60 000 hommes dans la bande de Gaza, mal équipés et peu efficaces.

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Des hommes armés patrouillent dans Gaza. (Photo : Karim Lebhour)

Les forces loyales au Fatah et la « Force exécutive » du Hamas, se contentent de garder leurs « secteurs » délimités par des barrages et des blocs de béton. « Depuis la formation du gouvernement la situation entre Fatah et Hamas est assez calme. Le problème ce sont les attentats et des vendettas familiales », assure Alian Hassanat qui se présente comme un responsable des brigades des Martyrs d’Al Aqsa (liées au Fatah) dans un quartier de Gaza. Pour rentrer dans son quartier, les forces de police doivent d’abord en référer à ce jeune caïd d’une vingtaine d’années. « C’est mieux pour eux. Il y a des armes dans toutes les maisons ici ». Est-il prêt à ranger ses armes ? Le jeune pistolero esquisse un sourire : « Oui, mais si les autres font la même chose ».

Le nouveau ministre de l’Intérieur, Hani Al-Qawasmeh, avait proposé un plan sécuritaire de cent jours pour rétablir la loi et l’ordre et intégrer les groupes armés dans les services de sécurité. Il a jeté l’éponge et présenté sa démission en début de semaine, après s’être heurté aux chefs de l’appareil de sécurité fidèles au Fatah.

Le sujet doit être abordé ce week-end, au Caire, entre Mahmoud Abbas et Khaled Meeshal, le chef politique du Hamas en exil. En attendant les violences continuent et les rafales d’armes automatiques claquent à tout bout de champ dans les rues de Gaza. Selon une étude du centre palestinien des droits de l’homme Al-Mazan, 147 personnes ont été tuées au cours des trois premiers mois de l’année. C’est déjà plus que pendant toute l’année 2006. « Nous vivons dans l’insécurité permanente, témoigne Béatrice Albert Adouan, professeur de musique à l’école américaine. On passe du travail à la maison et on ne sort plus. Pendant les incursions israéliennes, les tirs étaient tout de même ciblés. Aujourd’hui, les affrontements éclatent n’importe où dans Gaza. Ca devient dangereux même d’aller faire ses courses ».

Ceux qui le peuvent sont de plus en plus tentés de quitter la bande de Gaza. L’école a déjà perdu une centaine d’élèves et leurs familles depuis l’année dernière.

28 avril 2007 - RFI


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