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La Vallée du Jourdain et le mur invisible d’Israël

mardi 12 juin 2007 - 08h:50

Anna Baltzer - The Electronic Intifada

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Les Israéliens viennent dans la Vallée pour leurs vacances, profiter des vergers généreux, des montagnes désertiques et de la Mer Morte. Leurs belles routes sont bordées de palmiers et de sanitaires confortables, sans un Palestinien en vue.

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Un tableau de Morshid Graï, un artiste de Jénine, dont les oeuvres dépeignent la souffrance du peuple palestinien.

Il y quelques semaines, j’assistai à la commémoration du Jour des Prisonniers palestiniens, au camp de réfugiés d’Al Far’a, dans la région de Tubas [entre Naplouse et Jénine]. Pour entrer à ce spectacle théâtral et culturel, il nous fallait passer un check-point impromptu avec des soldats qui nous pointaient leurs armes sur la figure et nous criaient en hébreu de rentrer. Bien que je savais qu’il s’agissait d’acteurs palestiniens simulant le harcèlement enduré par eux quotidiennement, j’ai vraiment eu peur de voir ces hommes avec des armes me hurlant dessus dans une langue étrangère et me pointant leurs machines à tuer sur le visage.

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Un jeune acteur palestinien du camp de réfugiés d’Al Far’a, illustrant les humiliations quotidiennes aux check-points de l’armée.

J’ai immédiatement réalisé - alors que je suis témoin constamment de ce harcèlement aux check-points - qu’en tant que femme juive américaine, donc d’extrême privilège, je ne savais pas vraiment ce que l’on ressentait quand on passe un check-point et qu’on est Palestinien. Je soupçonne les acteurs d’avoir reçu pour instruction de viser spécialement les participants occidentaux afin d’illustrer certains des comportements abusifs qui nous sont épargnés. Ce fut très efficace.

A l’intérieur de la salle de spectacle, des centaines de gens d’ici et de visiteurs observaient des artistes interpréter des scènes typiques d’interrogatoire, de mauvais traitements et de tortures des Palestiniens dans les prisons et les centres de détention israéliens. Certains des acteurs portaient des bandeaux, des menottes ou des chaînes, ils animaient des monologues sur l’injustice de ces traitements et de ces emprisonnements sans procès dans le pays de l’occupant. D’autres jouaient le rôle de soldats et de gardes israéliens. Pour la finale de la pièce, des jeunes garçons palestiniens ont dansé la debka pour montrer la fierté de leur culture et sa survivance malgré les énormes difficultés et injustices.

La pièce se jouait dans un ancien centre d’emprisonnement et de tortures et les spectateurs ont visité les vieilles salles de détention, hantées par le souvenir des internés d’autrefois, recouvertes des graffitis et de l’ombre des prisonniers. J’y ai vu une maman qui tenait un cadre avec la photo de son fils actuellement détenu dans une prison israélienne, un parmi plus de 9 000 autres Palestiniens, dont beaucoup de femmes et d’enfants. Près des anciennes salles de tortures se trouve un centre de détention transformé aujourd’hui en atelier d’art où j’ai rencontré Morshid Graib, un artiste dont les nombreux tableaux impressionnants dépeignent la souffrance du peuple palestinien. Ses peintures et réalisations m’ont rappelé, une fois encore, l’extraordinaire créativité des Palestiniens dans leur résistance non-violente à l’occupation.

Le lendemain, je partais pour le nord de la Vallée du Jourdain, à environ 10 km (6 miles) de Tubas à vol d’oiseau. Par la route, ça fait plus de 22 km (13 miles), via le check-point de Tayseer, mais que seuls les colons israéliens et les habitants palestiniens de la Vallée du Jourdain ont l’autorisation de passer. A Tayseer, la plupart des Palestiniens et des internationaux sont refoulés, aussi j’ai été obligée de rejoindre ma destination en faisant un long détour par Ramallah dans le centre de la Cisjordanie. Au lieu de 10 minutes, j’ai passé 6 heures sur la route le premier jour en descendant vers le sud-est, passant trois check-points, et 4 heures à remonter, avec deux check-points, le jour suivant, pour arriver de l’autre côté des montagnes, à l’est de Tuba. 10 heures au lieu de 10 minutes.

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Un autre tableau de Morshid Graïb.

Je n’étais pas en très bon état avec ce long voyage à mon arrivée à Ramallah, mais un commerçant a remarqué mon malaise et m’a emmenée dans sa boutique pour prendre un thé et du pain frais. Son nom est Ali et il parlait parfaitement l’anglais. Jérusalémite de l’Est, Ali a vécu aux Etats-Unis pendant 19 ans. Il a étudié le génie civil à l’institut de technologie de l’Illinois et fut l’un des principaux ingénieurs travaillant à un important projet d’infrastructures de transport public à Chicago. Pendant 19 ans, Ali est revenu tous les trois mois en Israël pour renouveler sa carte d’identité de Jérusalem, laquelle ne l’est automatiquement - alors que lui et sa famille sont nés et ont grandi dans la ville - parce qu’il n’est pas juif. Après qu’Ali ait acquis la nationalité américaine, il a continué à revenir tous les trois mois jusqu’au jour où Israël a retiré toutes les cartes d’identité de Jérusalem aux Palestiniens qui avaient une autre nationalité. C’était la première fois qu’Ali entendait parler d’une telle loi, mais soudain, sa carte lui a été confisquée et on l’a empêché de revenir dans la ville où se trouvent sa maison et sa famille (naturellement, tous les Juifs américains qui font aliyah et deviennent Israéliens, n’ont aucun problème de double nationalité). Ingénieur efficace et cultivé, Ali travaille maintenant dans un magasin de souvenirs, vendant des bibelots, à Ramallah. Il ne peut obtenir un travail normal pour lui parce qu’il n’a pas la carte d’identité de Cisjordanie non plus.

Ma rencontre avec Ali a été un bon prélude à mon circuit dans la Vallée du Jourdain où, comme à Jérusalem-Est, la plupart des Palestiniens ne peuvent même pas entrer, et ceux qui y habitent sont constamment menacés de la démolition de leur maison démolie, de la confiscation de leur carte d’identité et d’autres actes visant à les inciter ou les obliger à s’en aller ailleurs. D’après Fathi, notre guide qui est de la région, avant 1967 il y avait 350 000 Palestiniens vivant dans la Vallée du Jourdain. Aujourd’hui, ils sont 52 000, moins de 15%.

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Un Palestinien travaillant dans une colonie de la Vallée du Jourdain.

Une grande partie de la population indigène de la Vallée du Jourdain a fui lors d’expulsions violentes durant les 5 premières années de l’occupation, mais la purification ethnique se poursuit aujourd’hui, de plus en plus arrivent les Juifs israéliens et partent les Palestiniens. Israël n’accorde plus de demandes de Palestiniens pour venir dans la Vallée du Jourdain, seulement pour en sortir. (Selon l’organisation palestinienne Al-Haq pour les droits de l’homme, un transfert identique, dans le même sens unique, se produit pour faire partir de Cisjordanie : « depuis le déclanchement de la seconde Intifada, Israël n’accepte plus un seul changement d’adresse de Gaza vers la Cisjordanie », les Palestiniens sont transférés de force dans d’autres directions.) Les Palestiniens de la Vallée du Jourdain qui ont passé un long moment hors de la région perdent eux aussi leur permis de résidence, tout comme Ali. Et comme à Jérusalem-Est, l’annexion par Israël est si avancée que de nombreux Israéliens ne savent même pas que la région est occupée. Les Israéliens viennent dans la Vallée pour leurs vacances, profiter des vergers généreux, des montagnes désertiques et de la Mer Morte. Leurs belles routes sont bordées de palmiers et de sanitaires confortables, sans un Palestinien en vue.

A un moment, notre car s’est arrêté à une buvette et nous ne pouvions à peine entendre la voix de Fathi couverte par les grondements des voitures des colons et des vacanciers roulant à toute allure : « J’ai 40 ans et je suis de la Vallée du Jourdan, mais j’ai vu le fleuve du Jourdain seulement deux fois dans ma vie, à mon arrivée et depuis la Jordanie. Ils disent que c’est à cause de la résistance, mais Israël a assuré un contrôle implacable sur cette région avec des dizaines de check-points bien avant les attentats suicide et le début de l’Intifada. En tant que Palestinien, je ne suis pas autorisé à aller sur la rivière, ni même sur la Mer Morte - cette merveille naturelle si précieuse dont les scientifiques disent aujourd’hui qu’elle sera tarie dans 12 ans à cause d’utilisations excessives... la Vallée est réservée aux Juifs et aux touristes. Mais elle appartient aux Palestiniens, jusqu’à Bethléhem à l’ouest, à Jérusalem, et au-delà. »

Traditionnellement, les familles palestiniennes avaient l’habitude de vivre dans la Vallée du Jourdain l’hiver à cause du climat tempéré et de la terre fertile. Mais maintenant, sur ses 2 400 km carré - 30% de la Cisjordanie -, la moitié est couverte par des colonies israéliennes et presque tout le reste se répartit en secteurs militaires fermés, secteurs frontaliers fermés, et en secteurs écologiques « verts » fermés. La stratégie des secteurs fermés est familière à tous ceux qui ont étudié le développement urbain à Jérusalem-Est : Israël déclare un secteur « fermé » ou « secteur vert », puis il y rase toutes les maisons palestiniennes et les bâtiments publics au bulldozer, et quand ils soient resté vides pendant quelques années, l’Etat y implante des colonies.

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Maison du village de Fasayel.

Certains de ces « secteurs fermés » dans la Vallée sont des villages où les Palestiniens vivent depuis des générations. Nous sommes allés à Fasayel, un village palestinien qu’Israël refuse de reconnaître depuis 40 ans, depuis le début de l’occupation. Et parce que Fasayel n’est pas reconnu, les villageois ne sont pas autorisés à y construire ou même à réparer leurs propres maisons. Ils n’ont aucune infrastructure pour l’eau pour la même raison. Le village a obtenu récemment l’électricité mais les poteaux électriques sont frappés d’un ordre de démolition parce qu’ils ont été montés sans permis. Dans le village voisin d’Al Jiflik, Israël a refusé le permis de construire pour une école, soutenant que les familles devaient, ou s’en aller ailleurs ou conduire leurs enfants - plus d’une heure chaque voyage - à Tubas. Répondant à cela d’une manière pacifique, les enseignants d’Al Jiflik ont commencé à tenir des classes sous une tente dans le village. L’année dernière, Al Jiflik a pu, en fin de compte, construire une vraie école que fréquenteront les élèves jusqu’à ce qu’elle soit démolie par Israël car illégale.

A l’extérieur de Fasayel, nous avons vu deux jardins de 300 à 500 pieds carré avec un panneau en évidence, « USAID ». Sur son site, cette agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), la plus grande organisation non gouvernementale internationale associée au gouvernement américain, se vante que les Etats-Unis auraient apporté environ 1,7 milliard d’aide économique aux Palestiniens en projets divers de l’USAID depuis 1993 « plus que tout autre pays donateur ». Mais en voyant ces deux parcelles minuscules, l’effort paraissait plutôt comme symbolique étant donné que le gouvernement US donne deux fois cette somme à Israël chaque année, et participe ainsi à une occupation qui empêche les Palestiniens de développer par eux-mêmes tout type de structures véritables. Peut-être que, à la place de ces projets lancés par les USA touchant à l’enseignement, la santé, l’eau, au développement économique, et la démocratie, les Palestiniens préfèreraient que cesse l’aide militaire et économique américaine utilisée invariablement par Israël pour couper les Palestiniens de leurs écoles, de leurs hôpitaux, de leurs ressources en eau, et pour saper tout progrès économique et démocratique assurés par les Palestiniens. L’origine de l’aide qui finance les deux petits jardins à l’extérieur de Fasayel - les impôts américains - est celle-là même qui fournit les bulldozers qu’Israël aimerait un jour utiliser pour détruire le village tout entier. C’est la même source qui aide au financement des colonies entourant Fasayel et sa terre qu’elles se sont appropriées. Les objectifs de l’USAID pour « la promotion de la paix et de la sécurité » ne se réaliseront-ils pas plus vite en conditionnant les milliards d’aide annuelle à Israël au respect du droit international et des droits de l’homme pour tous dans la région ?

Environ 4 500 Palestiniens vivent dans les deux villages, Fasayel et à Al Jiflik. La population totale des colons dans la Vallée du Jourdain ne les dépasse que de 1 800 : 6 300 Israéliens vivant dans 36 colonies. Cette population infime contrôle la terre de dizaines de milliers de Palestiniens. Certaines colonies sont constituées par une ou deux familles seulement mais se sont emparées d’étendues énormes de cultures palestiniennes. La colonie Naama a remplacé le camp de réfugiés palestiniens de Ne’ama et 172 Israéliens s’y sont installés accaparant plus de 10 000 dunums (1 000 ha). Du tiers de la terre cultivable de Cisjordanie, seuls 4% ont été laissés aux 52 000 Palestiniens restants. Cela inclut la cité de Jéricho et quelques villages urbanisés palestiniens, mais ne laisse à peine plus de 0% à l’usage agricole. Ce fut dramatique pour une société qui est fondée sur l’agriculture et cela explique l’exode massif de Palestiniens après même que la tactique d’Israël pour les expulser de façon violente ait cessé. Ayant perdu leur gagne-pain, les fermiers de la Vallée ont le choix de partir vers l’ouest, ou de rester et travailler pour les colons, sur leur propre terre.

A Fasayel, nous avons rencontré un jeune homme du nom de Zafar qui travaille à plein temps à emballer le raisin dans des cartons à la colonie de Beit Sayel parce que sa famille a perdu toute sa terre. Zafar dit que les salariés y sont payés entre 30 et 50 NIS (nouveau shekel israélien - entre $7,5 et $12,5) pour une journée de 8 heures, en fonction de leur âge : 50 NIS pour les adultes, 30 pour les enfants quelquefois âgés de 10 ans ou plus jeunes encore. Il dit qu’il n’y aucun contrat, ni assurance, ni congés payés ni indemnités en cas de maladie, mais ils travaillent comme des esclaves, c’est la seule alternative à leur départ. Nous demandons à Zafar s’il était d’accord avec le boycott des produits israéliens, car celui-ci pourrait indirectement affecter son travail, il nous répond sans hésiter : « Oui, j’espère que tout le monde boycottera. Je travaille juste parce que j’ai nulle part ailleurs où travailler, ils ont pris toute notre terre. »

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Le mur oublié.

Au cours de notre périple, nous avons aussi rencontré un fermier, Abu Hashem, qui a été l’un des plus riches propriétaires terriens de Palestine. De ses 8 000 dunums à l’origine, seuls 70 lui sont restés après que les Israéliens aient construit ce que Fathi appelle « le mur oublié ». Du côté est de la route nationale des colons se trouve une barrière similaire, dans la forme et dans ses conséquences, au mur d’apartheid d’Israël mieux connu ; cette barrière fut construite en 1971 et renforcée en 1999. De sa modeste maison, Abu Hashem aperçoit le mur qui traverse les milliers de dunums de sa terre sur laquelle il ne peut retourner, englobant le chemin qui mène au fleuve du Jourdain.

Les fils d’Abu Hashem alternent les années d’université et de travail à la ferme pour répondre aux besoins de la famille. Abu Hashem engagerait bien des travailleurs palestiniens, ainsi ses fils pourraient étudier à plein temps, mais Israël interdit aux Palestiniens de faire venir des salariés de l’extérieur. Un autre fermier que nous avons vu nous dit qu’il avait besoin de 50 ouvriers agricoles pour cultiver sa terre, mais il n’en a que 10 car beaucoup de gens ici sont partis. Les colonies, par contre, sont libres d’apporter autant de main-d’ ?uvre bon marché qu’elles le veulent depuis le reste de la Cisjordanie, du moment que les Palestiniens s’en retournent vers l’ouest quand ils ont fini de façon à ne pas remettre en cause la tendance démographique à la judaïsation.

Une grande partie des produits récoltés par les salariés palestiniens si bon marché dans les colonies israéliennes est ensuite exportée par la compagnie Carmel-Agrexco, possédée à 50% par l’Etat israélien, et qui a rapporté dans les trois quarts de milliard de dollars pour la seule année dernière (The Grassroots Anti-Apartheid Wall Campaign). Tous ceux qui prétendant qu’Israël ne tire pas profit de l’occupation devraient, au moins une fois, venir faire un tour dans la Vallée du Jourdain pour voir, camion après camion, les marchandises partir d’ici pour être vendues sur les marchés européens. Carmel-Agrexco se vante de faire arriver les produits de la Vallée du Jourdain (souvent déclarés comme venant d’Israël) au Royaume-Uni en 24 heures, quand cela prend aux Palestiniens trois fois plus de temps en passant par les check-points. Israël a systématiquement empêché les Palestiniens d’exporter leurs propres produits, de sorte qu’ils pourrissent sur les chemins en allant d’un village à l’autre, pendant que les Européens profitent des citrons et avocats frais « israéliens » et que montent les actions de l’Etat d’Israël.

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Les récoltes d’une ferme palestinienne pourrissent car elles ne peuvent plus passer les check-points et être vendues sur les marchés sur lesquels les compagnies israéliennes imposent leur monopole.

Comme toujours, les Palestiniens ont cherché comment résister de façon non violente à la monopolisation de leur terre. Nous avons visité une coopérative agricole où les fermiers locaux ont mis en commun leurs ressources qui se réduisent pour faire un essai et produire la nourriture nécessaire à leur communauté afin de ne pas dépendre des productions des colonies. Deux représentants de la coopérative disent qu’Israël - qui contrôle toute l’eau de la Vallée du Jourdain, comme dans le reste de la Cisjordanie - autorise les fermiers à se servir de l’eau courante seulement une fois par semaine, pas assez pour assurer leurs cultures sous la chaleur du désert (en attendant, plusieurs colonies profitent d’une piscine pour rafraîchir sous la chaleur du désert). En outre, quand les fermiers parviennent à produire suffisamment pour vendre en dehors de leurs communautés, Carmel-Agrexco et les autres compagnies israéliennes baissent leur prix jusqu’à ce que les Palestiniens n’aient pas de marchés. Alors, sûrs d’elles avec leur monopole, les compagnies remontent leurs prix.

Les politiciens et les analystes présentent la Vallée du Jourdain comme la seconde priorité après Jérusalem, mais la raison déterminante n’en est pas le contrôle de la frontière. Carmel-Agrexco n’est qu’une compagnie parmi tant d’autres qui font un massacre avec l’occupation, dans la Vallée du Jourdain et au-delà. L’électricité, le gaz, l’eau, et les autres monopoles gouvernementaux et privés, ont largement prospéré depuis que l’économie palestinienne est captive et que les Palestiniens se retrouvent obligés, ou d’acheter directement à Israël ou de lui payer des droits sur la marchandise étrangère.

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Un panneau d’affichage du Fonds national juif et d’une organisation mondiale sioniste se vante du contrôle de l’eau de la Vallée du Jourdain par Israël.

Ce dernier cas n’est certainement pas une option par les temps qui courent, les millions passant directement de la poche des Palestiniens dans celle des Israéliens. L’aide financière extérieure destinée aux Palestiniens se trouve absorbée par la suite par l’économie israélienne en plus des milliards d’aides qu’Israël reçoit déjà des Etats-Unis, et assez pour compenser la plus grande partie du coût de l’occupation. Avec la perception des impôts, une source pour un travail captif, non protégé et bon marché, et une expansion industrielle souvent sans contrôle sur une terre et avec des ressources volées, l’économie israélienne dans son ensemble profite bien de l’occupation, depuis beaucoup, beaucoup d’années.

De façon surprenante - ou peut-être pas si surprenante que ça - il est difficile de trouver toutes ces informations, mais une coalition de femmes en Israël s’y emploie précisément (dès maintenant, le mieux est de consulter les premiers bulletins publiés sur le site d’Alternative Information Center).

En attendant, des gens continuent de ne pas voir l’annexion qui arrive de presque un tiers de la Cisjordanie, pour « sécurité », n’arrêtant jamais de demander qui sont les vrais gagnants et les vrais perdants. Les Etats-Unis sont-ils en Iraq pour la sécurité ? ou pour les grandes industries et les entrepreneurs privés ? Comme pour la guerre de l’Amérique en Iraq, la motivation qui se cache derrière la politique d’Israël dans la Vallée du Jourdain et dans tous les territoires occupés n’est pas la sécurité ; c’est le pouvoir, le contrôle, et l’argent. Les gagnants, ce sont l’Etat israélien, les secteurs privés, les colons sur le plan économique et les fondamentalistes idéologues. Les perdants sont trop nombreux pour les citer tous : ce sont les millions de Palestiniens qui vivent sous une occupation militaire brutale, dont chaque histoire est d’une certaine façon aussi tragique que celles d’Ali et Zafar ; ce sont les Israéliens qui vivent dans la crainte et qui pleurent les victimes de la résistance armée palestinienne ; et ce sont nous, le peuple américain, qui continuons de payer la facture pour tant de carnages, et dont beaucoup y restent toujours indifférents.


Anna Baltzer est une volontaire de « International Women’s Peace Service » (IWPS) en Cisjordanie et auteur du livre Témoignage de Palestine : journal d’une femme juive américaine dans les Territoires occupés. (édition 2006 Paradigm épuisée, la nouvelle édition paraîtra en juin 2007).

Pour toutes informations, visiter son site.

15 mai 2007, Vallée du Jourdain en Palestine occupée - Live from Palestine, les photos sont d’Anna Baltzer.
Publié le 4 juin sur Electronic Intifada - traduction : JPP

Par la même auteure :
- Prélude à une Troisième Intifada ?
- Le crime d’être né Palestinien


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