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Israël a perdu le contact avec la Cisjordanie

lundi 4 juin 2007 - 10h:02

Serge Dumont - Le Temps

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La guerre a provoqué une déchirure qui ne s’est jamais refermée.

« L’événement le plus marquant de l’histoire d’Israël. » C’est en ces termes que la plupart des commentateurs qualifient la guerre des Six-Jours dont l’Etat hébreu fête à partir d’aujourd’hui le 40e anniversaire. Outre les nombreux colloques universitaires, les conférences et les dizaines d’heures d’émissions spéciales programmées par les radiotélévisions, une coalition d’organisations hostiles à la poursuite de l’occupation des territoires conquis en juin 1967 prévoit une série de manifestations à Tel-Aviv ainsi que devant le mur de séparation. Les grands quotidiens publient également des dossiers spéciaux dans lesquels les généraux de Tsahal (l’armée) ayant participé aux combats dévoilent certains aspects inédits des opérations. Quant à la chaîne de télévision de la Knesset, elle a diffusé un sondage exclusif révélant que 89% refuseraient d’évacuer la partie arabe de Jérusalem « même en cas de paix avec les Palestiniens ». Cette enquête montre par ailleurs que 68,9% des ressortissants de l’Etat hébreu estiment également que le plateau du Golan (conquis en juin 1967 mais annexé le 14 décembre 1981) ne devrait pas être évacué.

Même le Mossad participe à la commémoration de la guerre des Six-Jours puisque sa direction a autorisé la diffusion d’informations confidentielles révélant comment l’un de ses agents a, en 1966, recruté un pilote de chasse irakien qui a ensuite fait défection en Israël avec son Mig 21. A l’époque, ce chasseur représentait le nec plus ultra de la technologie militaire soviétique et son étude a facilité la tâche de l’aviation israélienne quelques mois plus tard.

La plupart des événements et émissions spéciales consacrés à la guerre des Six-Jours célèbrent la gloire de Tsahal (l’armée) et de ses généraux de l’époque. Seuls les cercles conscientisés - mais minoritaires - procèdent à une analyse des effets de ce conflit sur l’évolution du Proche-Orient. « Le drame de cette guerre, c’est qu’elle nous a transformés en un peuple insensible au malheur de ses voisins », affirme Hadass, la secrétaire général du mouvement Médecins pour les droits de l’homme. Qui poursuit : « Les Israéliens savent que la Cisjordanie est occupée depuis 1967 mais ils ne veulent pas savoir ce qui s’y passe. C’est le problème de l’armée, pas le leur. Ils vivent dans leur confort et avec l’assurance d’avoir raison puisque « les Arabes ne veulent pas la paix » selon eux. Au fil du temps, mes compatriotes ont perdu tout contact avec les Palestiniens. Ils ne leur parlent plus et ils ne les voient qu’aux actualités télévisées dans le cadre de reportages sur les violences. Les deux sociétés sont devenues étrangères l’un pour l’autre alors que, physiquement, elles ne se sont pourtant séparées que de quelques kilomètres. La distance entre Tel-Aviv et Gaza est plus courte qu’entre Tel-Aviv et Jérusalem, mais on a l’impression qu’ils sont à des années-lumière. »

Peu connu en Europe mais jouissant d’une grande aura au Proche-Orient, l’écrivant israélien d’origine irakienne Samy Michaël estime, lui, qu’Israël « a perdu son âme en poursuivant l’occupation ». « Au fil du temps, le message de tolérance délivré par le judaïsme s’est transformé en une sorte de nationalisme cocardier et agressif avec lequel des gens de plume comme moi ont du mal à s’identifier », affirme-t-il. Et d’ajouter : « Avant 1967, la société israélienne était plus solidaire, son tissu social était plus solide. Mais depuis la victoire de juin 1967, notre esprit collectif s’est transformé. Je devrais plutôt dire qu’il s’est détérioré, car le fait de devoir servir en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza a poussé beaucoup de nos jeunes soldats à adopter des comportements négatifs qu’ils n’auraient sans doute jamais eus autrement. Tout cela a fini par rejaillir sur la société civile israélienne, qui est elle aussi devenue plus individualiste et plus brutale. »

Dans les Territoires, plusieurs manifestations seront également organisées pour commémorer l’exil de 200 000 Palestiniens qui ont, entre les 8 et 10 juin 1967, fui l’avance militaire israélienne en Cisjordanie. Mais ces événements se dérouleront sur un mode mineur. « Nous n’avons pas la tête à commémorer quoi que ce soit », affirme l’intellectuel palestinien Ala Hahloul qui participait vendredi à un colloque sur les conséquences de la guerre des Six-Jours organisé à Tel-Aviv. « Cet anniversaire ne signifie pas grand-chose pour moi qui suis né bien après la conclusion du cessez-le-feu (le 10 juin 1967, ndlr). Il me rappelle simplement que je n’ai jamais eu la chance de voir un paysage de Cisjordanie sans jeeps militaires israéliennes en patrouilles et sans barrages sur les routes. »

Emprisonné à vie en Israël, le député Marwan Barghouti (Fatah) avait, en avril dernier, proposé à l’AP de faire descendre un million de Palestiniens dans les rues pour célébrer les « catastrophes » de 1948 (création de l’Etat hébreu) et de 1967. Son projet a été abandonné en raison de la reprise des violences entre le Hamas et le Fatah.

Le Temps

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