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1967 : On découvre le peuple palestinien

vendredi 1er juin 2007 - 06h:47

Michel Warschawski - Le Courrier international

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Ancien dirigeant du mouvement israélien d’extrême gauche Matzpen, aujourd’hui directeur du centre d’information alternative à Jérusalem, Michel Warschawski revient sur la guerre des Six-Jours (5 juin 1967).


Quel est votre souvenir personnel de la guerre des Six-Jours ?

Pendant les premiers jours de la guerre, j’étais volontaire dans un kibboutz se trouvant à la frontière, à quelques kilomètres de l’abbaye de Latroun, en Cisjordanie. Me trouvant près de la clôture du kibboutz, j’ai vu, de l’autre côté de la frontière, une longue file d’hommes et de femmes qui s’en allaient vers le nord-est, emportant avec eux une partie de leurs biens. Une image d’exil. C’était impressionnant, mais je n’y ai rien vu de particulièrement choquant. On m’expliqua que les Arabes de la plaine de Latroun - Yalou, Beit Nouba et Emmaüs - quittaient leurs villages. Quelques semaines plus tard, leurs maisons furent rasées pour faire place au parc Canada, où, depuis, des groupes scolaires israéliens et des touristes viennent voir des ruines de l’époque byzantine et apprendre à connaître la flore typique d’Eretz Israël...

Quelle conséquence a eu cet évènement sur votre itinéraire ?

Quelques mois plus tard, étudiant à l’Université hébraïque de Jérusalem, je suis témoin d’une échauffourée entre étudiants. De nature curieuse, je m’approche et comprends que la cause de la bagarre est un dépliant qui porte le titre "Ras le bol" et dans lequel, entre autres choses, est décrit le sort des villages arabes de Latroun. Je n’étais pas militant du tout et n’avais que des notions très primaires du conflit israélo-arabe, mais l’image de l’exode dont j’avais été témoin quelques mois plus tôt m’est revenue. J’interviens donc et confirme que ce qui est décrit dans le dépliant est l’exacte vérité, et que je peux en témoigner.

La calotte que je portais encore sur la tête et qui confirmait pourtant que je n’étais pas un de ces gauchistes qui dénigraient l’Etat hébreu [à l’époque, Warschawski faisait des études talmudiques], ne m’a pas protégé : j’ai eu droit, moi aussi, à ma part de coups. C’est ainsi que j’ai rencontré le groupe d’extrême gauche Matzpen - qui à cette époque était seul à s’exprimer contre l’occupation. J’ai commencé à m’instruire sur le conflit et son histoire, et à militer contre la répression dans les territoires occupés. Ma longue marche de militant pour une paix de coexistence entre Palestiniens et Israéliens, fondée sur le droit et la justice, a commencé avec cet incident et se poursuit jusqu’aujourd’hui.

Quel regard portez-vous sur cette guerre, quarante ans plus tard ?

La guerre de 1967 marque la fin de ce que l’on peut appeler l’époque "naïve" d’Israël, où son caractère colonial et son agressivité sont encore couverts, y compris aux yeux de sa propre population, par l’image d’un Etat faible et pacifique, l’Etat des rescapés d’Auschwitz une fois de plus menacés d’extermination, cette fois par un monde arabe qui veut les jeter à la mer. Avec la guerre de juin 1967, Israël s’affirme comme une puissance militaire et économique régionale, capable non seulement d’imposer son existence au monde arabe, mais de lui dicter ses conditions et de poursuivre ses velléités coloniales et annexionnistes.

La guerre de 1967 marque, en Israël, le passage de l’angoisse à l’arrogance impériale, mais c’est aussi pour les Israéliens la découverte du peuple palestinien, qui est propulsé à l’avant-scène de la politique moyen-orientale, à cause de la défaite arabe et de l’apparition de l’OLP. En un sens, 1967, c’est la fin de deux décennies de déni face aux Palestiniens, et le passage d’un conflit essentiellement israélo-arabe à un conflit d’abord et avant tout israélo-palestinien.


Du même auteur :

- Leçons d’une guerre
- Droits des Palestiniens d’Israël
- Les activistes israéliens et le choix de partir d’Israël

Michel Warschawski - Le Courrier international, le 31 mai 2007


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