Je suis anxieuse de voir arriver le printemps. Le parfum des fleurs et la brise ni chaude ni froide, parfaite.
- Faihaa Shalash et le plus jeune de ses deux enfants - Photo : APA/Wisam Hashlamoun
Ce ne serait pas exagéré de dire que j’y pense tous les jours. Les images ne se brouillent pas avec le passage du temps. Elles reviennent comme neuves en février et au début du mois de mars.
Cet hiver a été coloré de différentes nuances de souffrance. Le jour où Mohammad [Al-Qiq] et moi, nous nous sommes levés pour nettoyer les tapis, une tâche qui nous a pris toute la journée, je ne savais pas que nous ne passerions pas le reste de l’hiver ensemble dans la chaleur de notre foyer. Je ne savais pas que cet hiver serait différent de tous ceux où nous avons appris à vivre ensemble, dans la joie et la peine.
Après tout, même les jours difficiles ont quelque chose de doux lorsqu’on est en bonne compagnie.
J’aimais regarder les fleurs d’amandiers chaque fois que j’allais d’un quartier à l’autre. En fait, j’en voyais presque tous les jours. Je portais toujours aussi sur moi une lettre de mon mari qui souffrait sur un lit d’hôpital. C’est une lettre magnifique, elle est porteuse d’un message de dignité que tout le monde doit entendre, même s’il est difficile à entendre.
J’admire les amandiers, qui sont connus pour leur joli vert tendre quand les fruits arrivent à maturité, et pour leur combat solitaire contre les pluies et les vents violents.
Il n’est pas possible de décrire ces journées et je ne vais pas tenter de le faire parce que les sentiments dont je vais parler sont trop difficiles à décrire. Il faut continuer à vivre sans crainte et, donc, j’ai refoulé mes émotions d’épouse éprouvée et de mère inquiète. Je les ai ensevelies en moi parce qu’il fallait que, devant le public, je me montre dynamique et forte.
J’évitais de regarder les images et les reportages concernant mon mari et j’essayais de vaquer à mes occupations sans laisser la tristesse m’envahir. Si je m’étais laissée aller, cela aurait eu des conséquences désastreuses. Cela aurait également inquiété tous ceux qui nous entouraient, y compris les hypocrites. Oui, ça a été très difficile, mais je n’avais pas le choix.
Un jour, pendant la semaine de protestation, j’ai ouvert la fenêtre de la voiture, alors que nous passions dans l’un des districts du nord : mon cœur s’est empli de lumière quand j’ai vu les fleurs d’amandiers. Je ne sais pas d’où venait cette lumière. Elle m’a envahie quand j’ai posé les yeux sur les fleurs blanches des amandiers. J’ai eu un sentiment de fierté et d’acceptation en regardant la magnifique floraison de ces fleurs qui triomphaient de la rudesse de l’hiver.
Cela m’est arrivé quelques heures seulement avant d’apprendre qu’un début d’accord avait été conclu qui mettrait fin à la souffrance de mon mari qui durait depuis près de 100 jours, depuis qu’il avait été placé en détention administrative, tout au long de l’hiver froid et neigeux.
Oui, les fleurs d’amandiers viennent en leur temps. Nos rêves se croisent avec une vérité chère : nos précieuses enveloppes charnelles se flétrissent, mais nous prouvons que nous sommes une nation de gens qui aiment la vie et, grâce à cet amour, nous trouvons notre voie. Nous n’aimons pas la mort, ni la faim. Nous ne voulons pas vivre seulement d’eau, mais nous voulons adresser ce message aux opprimés : nous sommes résolus soit à vivre libres soit à mourir, avec notre dignité intacte.
8 mars 2016 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.eu - Dominique Muselet