Contre toute attente, les médias israéliens se sont mis à publier, depuis début avril 2015, un journal de la guerre de Gaza de 2014. Ces documents évoquent les échecs de l’armée Israélienne dans sa confrontation avec le Hamas.

Un soldat Israélien espionne Gaza à l’aide de ses jumelles depuis un poste d’observation surplombant le territoire sous blocus, pas loin de la frontière séparant Gaza et Israël, le 20 août 2014 - Photo Baz Ratner/Reuters

Mais la déclaration la plus grave qui a provoqué des réactions véhémentes reste celle d’Ofer Shelah, membre de la Commission des Affaires Etrangères et de la Défense de la Knesset, publiée en date du 2 avril. Presque un mois avant, soit le 7 mars, c’était Yoav Galant, ancien chef du Commandement Sud de l’armée israélienne qui avait accusé le gouvernement israélien d’avoir échoué à trouver une solution pour la question des tunnels du Hamas.

En parallèle, la Chaîne 10 de la télévision israélienne a, le 6 avril dernier, diffusé une vidéo sur l’enquête menée par l’armée au sujet de la frappe qui a ciblé un véhicule blindé de transport de troupes dans le quartier de Shejaiya, le 20 juillet 2014, soit au tout début de la guerre contre Gaza.

Manœuvres du renseignement

Fait intéressant, les organes de presse affiliés au Hamas ont rapidement diffusé ces aveux. Les déclarations israéliennes, traduites en langue arabe et diffusés sur tous les réseaux, exposent la faiblesse de l’armée israélienne et le courage des combattants palestiniens.

Interrogé par Al-Monitor, le porte-parole du Hamas, Sami Abu Zuhri a affirmé que « les fuites israéliennes constituent une reconnaissance supplémentaire de la défaite de l’occupation israélienne et la victoire de la résistance lors de la dernière guerre contre Gaza, et que toutes les tentatives visant à atténuer l’impact de la défaite Israélienne ont échoué. »

L’euphorie du Hamas est compréhensible. Le mouvement a peut-être raison de jubiler à la suite des déclarations Israéliennes car il est lui-même concerné par le côté positif des journées de guerre et de combat contre l’armée israélienne, notamment après son échec à obtenir les objectifs déclarés de la guerre, à savoir la levée du siège sur Gaza, l’ouverture des passages frontaliers et l’inauguration des ports et de l’aéroport.

Les fuites israéliennes sans précédent qui ont largement circulé parmi les palestiniens ont joué en faveur du Hamas qui avait besoin d’un témoignage capable d’apaiser les esprits des Palestiniens, mécontents du statu quo et des promesses non tenues du Hamas pour améliorer la situation dans la Bande après la guerre.

Cependant, les aveux israéliens sont à prendre avec des pincettes tout en analysant leur aspect négatif. En effet, ils pourraient dissimuler des objectifs de renseignement que le Hamas appréhende et qui viseraient à faire divulguer quelques secrets militaires dont a besoin Israël.

Le porte-parole du Hamas, Mushir al-Masri a confié à Al-Monitor : « Israël ne nie pas sa défaite majeure dans la guerre contre Gaza. Toutefois, la publication des aveux d’une dizaine d’officiers et de soldats soulève des questions et suscite des interrogations quant aux objectifs cachés de telles déclarations. En effet, tout le monde connait l’arrogance de l’état d’Israël qui refuse la défaite et qui n’aurait pas permis que de tels aveux soient rendus publics. En donnant l’impression de vouloir informer le peuple israélien, ces fuites viseraient à obtenir des informations sécuritaires relatives au sort réservé à ses soldats portés disparus durant la guerre. »

En date du 15 avril, les organes de presse affiliés au Hamas, tel que Quds Press et Aqsa TV ont publié une enquête militaire israélienne qui évoque les soi-disant compétences et talents des Brigades Izz ad-Din al-Qassam dans la capture du soldat israélien Hadar Goldin au sud de Rafah, le 1er août 2014.

Le site web Al Majd qui est proche des services de sécurité du Hamas a révélé, le 15 avril dernier, que les débats israéliens intensifiés au sujet du journal de guerre de Gaza prouvent qu’Israël ne possède aucune information avérée sur le sort de ses soldats disparus et que le Hamas ne réagira que lors d’un accord d’échange de prisonniers.

Nouvelle guerre

La question des fuites israéliennes est devenue le sujet principal des sites des réseaux sociaux. Le 14 avril dernier, des militants du Hamas ainsi que quelques proches du mouvement ont considéré qu’il s’agit de la culture israélienne d’évaluation des performances de son armée. D’autres estiment que ces déclarations entrent dans le cadre d’une stratégie à travers laquelle Israël cherche à pousser le Hamas à dévoiler ses informations sécuritaires et d’aucuns considèrent ces fuites comme une opportunité que les Palestiniens doivent saisir afin de revoir et corriger leurs erreurs commises durant la récente guerre.

Le 12 avril, des membres du Hamas ont, quant à eux, estimé que les fuites israéliennes aspiraient à encourager le Hamas à renforcer ses capacités militaires ; une raison valable pour que l’opinion publique israélienne accepte une nouvelle guerre.

Quant au Hamas qui est très au fait de l’histoire de l’armée israélienne, il est pleinement conscient que l’occupant mettra des années sinon des décennies pour passer aux aveux et finir par admettre son échec, comme ce fut le cas dans la guerre de 1973 contre l’Egypte et la Syrie, ou encore celle de 2006 contre le Liban. Et c’est pourquoi, de telles déclarations qui commencent à circuler à moins d’une année de la fin de la guerre de Gaza ont à la fois éveillé les soupçons du Hamas et suscité sa joie et son intérêt.

En prenant conscience de la publication en cours des aveux israéliens, des sources proches du Hamas ont récemment laissé supposer que l’armée israélienne chercherait à lancer une nouvelle guerre contre Gaza, tout en préparant le terrain à davantage d’assassinats et de destructions, une action qui nécessite bien évidemment une préparation psychologique des troupes armées à faire face aux éventuelles pertes indiscutables.

Les sources du Hamas ont continué plusieurs jours durant de faire circuler les déclarations israéliennes comme pour louer les prouesses militaires des Brigades Qassam, sans pour autant se soucier du côté négatif qu’elles peuvent cacher.

Mais après quelques jours de la publication des fuites israéliennes, la presse affiliée au Hamas a publié une liste d’objectifs qu’Israël tente d’atteindre à travers ces révélations. Il s’agit, entre autres, de gonfler les capacités du Hamas dans le but de justifier une action contre lui, de susciter l’inquiétude des régimes arabes en les encourageant à attaquer le Hamas qui constituerait une menace pour eux et à pousser les Brigades Qassam à s’enivrer de leurs prouesses au point de croire qu’ils ont atteint les plus hauts niveaux de compétence en matière de combats et de leurs préparations.

Parallèlement aux révélations israéliennes, un responsable de la sécurité palestinienne à Gaza a, sous couvert de l’anonymat, a indiqué à Al-Monitor : « Le renseignement israélien a intensifié ses activités à Gaza dans le but d’obtenir des informations au sujet des soldats israéliens capturés par la résistance. Les activités du renseignement tentent d’identifier leur emplacement et leur état. C’est pourquoi, il a diffusé quelques informations et rapports de presse pour alimenter un débat entre les Palestiniens qui pourrait éventuellement laisser échapper des bribes d’informations. »

Ces propos ont été confirmés par le porte-parole du Ministère de l’Intérieur de Gaza, Iyad al-Bazm. Il a confié à Al-Monitor : « Les services de sécurité israéliens déploient des efforts concertés, notamment à travers des sites internet et des pages suspectes, pour le recrutement de collaborateurs à Gaza dans l’objectif de s’infiltrer par tous les moyens au cœur du front interne palestinien. »

Face à une armée israélienne qui reconnait sa propre défaite militaire lors de la récente guerre contre Gaza, le Hamas ne cache ni sa joie ni sa préoccupation. D’une part, le mouvement salue l’impact de ces fuites car il estime que les responsables et les décideurs israéliens sont en train de répandre l’inquiétude et la peur dans l’opinion publique israélienne qui, dans l’avenir, rejetterait toute guerre potentielle contre Gaza qui n’engendrera que tragédies et pertes humaines.

D’autre part, le Hamas appréhende le fait qu’Israël ait rapidement reconnu sa défaite et craint que les révélations faites ne soient qu’un motif pour préparer l’opinion Israélienne à une éventuelle nouvelle guerre qui vengera ses victimes et ses blessés, apportant ainsi un coup fatal au Hamas et à son opinion publique. C’est pour ces raisons que le Hamas traite les aveux israéliens avec des pincettes.

* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé sur l’Histoire de la question palestinienne, la sécurité nationale, les sciences politiques et la civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.

Du même auteur :

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20 avril 2015 – Al Monitor – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha