La résistance armée aux dirigeants politiques : « C’est à nous de décider ! »
lundi 28 juillet 2014 - 05h:03
Sanaa Kamal
Il est clair que la force des leaders politiques des factions palestiniennes découle directement des résultats obtenus par la Résistance sur le terrain. Mais même si la vision politique des militaires est parfois en avance sur celle des politiciens, au bout de compte les deux sont complémentaires.
- Abu Ubeida (à d.), le porte-parole officiel du groupe militant palestinien de la brigade Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, donne une conférence de presse le 3 uillet 2014, dans la ville de Gaza
Gaza – Israël a déclenché l’attaque actuelle contre Gaza, dans le but explicite d’éliminer la Résistance en profitant d’évènements régionaux favorables et du remplacement au pouvoir égyptien des Frères Musulmans par l’armée. Ces évènements avaient fortement limité l’action des factions palestiniennes dirigées par le Hamas à Gaza et provoqué une grave crise économique et politique doublée d’une campagne médiatique très hostile ; tout cela avait mené Gaza à une situation catastrophique. Mais la guerre a remis les pendules à l’heure, en quelque sorte.
La Résistance affirme aujourd’hui que le camp qui a déclenché les hostilités ne sera pas celui qui décidera de leur fin. De plus, même si la branche militaire est subordonnée au leadership politique des diverses factions selon l’ordre hiérarchique, il semble que la branche militaire et les combattants de la Résistance sur le terrain auront le dernier mot cette fois-ci.
Une source digne de foi appartenant aux Brigades al-Qassam, la branche militaire du Hamas, a dit à Al-Akhbar que les Brigades avaient suivi de près les évènements politiques qui avaient précédé l’attaque et ils s’étaient préparés en élaborant des tactiques et une stratégie à la hauteur de l’assaut qui s’annonçait.
Cette guerre est différente des précédentes, parce que cette fois ce sont les commandants militaires palestiniens qui semblent être aux commandes et qui planifient les opérations, décident de les mettre en œuvre et dictent leurs termes. Selon cette source, les politiciens relaient les chefs militaires et négocient en leur nom "alors qu’auparavant le commandement militaire attendait les ordres des politiques pour intensifier ce qui est devenu une confrontation sans issue."
Ce n’est pas une surprise. Peu avant la guerre, dans un interview à Al-Akhbar, le porte-parole officiel de al-Qassam, Abu Ubaida, avait dit à peu près la même chose : « L’occupation est notre ennemi et elle le sera toujours. Pourquoi faudrait-il une décision politique pour répondre aux attaques d’Israël ? Est-ce raisonnable d’attendre que quelqu’un prenne la décision de se défendre alors que c’est un droit élémentaire qui est d’ailleurs inscrit dans les Accords de Réconciliation * ? »
Et donc, le leadership politique ne donne pas d’ordre précis à la Résistance concernant les cibles ni les méthodes d’action. Il donne des objectifs généraux et laissent aux commandants de terrain le choix des méthodes.
Selon des sources appartenant au Hamas, c’est le contraire du fonctionnement traditionnel de l’organisation. Pour organiser le partage des tâches entre le gouvernement et l’aile militaire, « le mouvement s’est inspiré du Hezbollah libanais [...] qui laisse les négociations et la gestion des affaires courantes aux forces gouvernementales et nationales. »
Et de fait, les développements sur le terrain ont eu une influence décisive sur le cours des négociations politiques. Bien qu’Israël veuille un cessez-le-feu à tout prix, le Hamas et notamment les Brigades al-Qassam l’ont rejeté parce qu’il ne correspondait pas à leurs exigences, manifestant ainsi leur force et leur capacité à imposer leurs propres termes à l’autre camp.
Une source appartenant aux Brigades al-Qassam a dit à Al-Akhbar que l’organisation était capable de poursuivre la guerre pendant des mois encore. C’est pourquoi, a précisé la source, « nous avons dit au gouvernement de ne pas faire de compromis sur les conditions d’un cessez-le-feu, notamment sur la réouverture des points de passage, la levée du siège, et la libre circulation des gens. » Selon la source, le gouvernement les a suivis comme en atteste la récente déclaration du chef du bureau politique du Hamas, Khaled Meshaal, mercredi dernier.
Toujours selon la source, « Peu importe le temps que prendra la négociation pour un cessez-le-feu, ni le Hamas ni le Jihad [Islamique Palestinien] ne changeront d’avis. Les leaders des deux organisations sont parfaitement conscients des capacités des commandements militaires sur le terrain. »
Cela a donné à la branche militaire de la Résistance palestinienne une plus grande liberté de mouvement dans le nord, le sud et l’est de Gaza, comme le prouvent les impressionnantes opérations de la Résistance. Israël a été forcé de reconnaître ses pertes et d’admettre que cette bataille est une des plus difficiles qu’il ait eu à mener.
Mais, toujours selon la même source, la guerre de l’information entre Israël et la Résistance rend difficile l’analyse de la situation spécialement pour ceux qui se rendent compte de l’importance de l’enjeu. La phase actuelle de la guerre qui entre dans sa troisième semaine, est la plus délicate « parce que la Résistance ne peut pas se permettre de perdre si elle veut modifier l’équation politique. »
Hussam al-Dajani est plus nuancé. Pour cet écrivain et analyste politique, al-Qassam n’a pas le monopole des décisions, il se réfère au leadership politique comme toutes les autres factions de la Résistance même s’il est vrai que les décisions se prennent surtout en fonction de ce qui se passe sur le terrain. Il a dit à Al-Akhbar, « Tant que la Résistance a le dessus, il est normal de soutenir ses exigences qui reflètent d’ailleurs celles du peuple, c’est pourquoi les politiques soutiennent ses revendications. »
Étant donné ce qui se passe sur le terrain, Dajani pense probable qu’Israël veuille conclure un cessez-le-feu rapidement et qu’il accepte certaines des conditions de la Résistance, tout en essayant de sauver la face. Dajani pense que les deux prochains jours pourraient se révéler cruciaux.
De son côté, l’analyste Akram Atallah, souligne que le Hamas est une organisation intégrée et interdépendante, « dans laquelle on ne peut pas distinguer le militaire du politique parce que ce sont les deux faces d’une même pièce. »
En ce qui concerne les derniers développements, Atallah pense que le Hamas dans son ensemble rejette l’initiative de cessez-le-feu égyptienne ; selon lui « on peut penser que ce rejet vient des militaires mais les cadres de la Résistance ne peuvent pas mener la bataille des négociations et ce sont les politiciens qui le font. »
La source appartenant à al-Qassam ajoute que les combattants du Hamas ont réussi a garder en captivité le soldat israélien pendant les 5 années qu’ont duré les négociations menées par Ahmed Jabari, assassiné depuis, jusqu’à l’accord de 2011, et que « ce succès n’aurait pas été possible sans la sagacité de la [branche] armée qui est connue pour sa fermeté et son assurance et ne se laisse pas impressionner par les changements sur le terrain militaire ou politique parce qu’elle connaît ses capacités. »
A ceci, Atallah répond « Sans aucun doute, ce qui se passe sur le champ de bataille influence les politiciens, mais la décision leur revient en fin de compte parce qu’ils connaissent mieux les forces politiques en présence au niveau régional comme international même si leurs déclarations reflètent clairement la volonté des combattants de la Résistance et du peuple. »
Note :
27 juillet 2014 - Al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.eu - Dominique Muselet