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« Pas de réponse aux questions des enfants de Gaza »

mardi 29 juillet 2014 - 06h:12

Dr Yasser Abou Jamei

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Interview du Dr Abou Jamei, directeur du Centre de Santé Mentale fondé par le psychiatre Eyad Sarraj, qui aide les enfants traumatisés de la bande de Gaza .

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Un enfant palestinien devant sa maison détruite dans Gaza Ville - Photo : AFP/Getty Images

Les combats entre l’armée israélienne et le Hamas dans la bande de Gaza durent depuis plus de deux semaines déjà.

DW : Dans la bande de Gaza, depuis 2006, les gens ont vécu plusieurs guerres avec des attaques aériennes et des invasions au sol. Quelles conséquences cette situation a-t-elle sur leur état d’esprit ?

Yasser Abu Jamei : Depuis plus de 7 ans nous vivons sous un blocus ininterrompu, les gens ne peuvent pas voyager. Cela a une grande incidence sur la vie sociale et cela a pour effet que les personnes – plus que partout ailleurs – peuvent développer des troubles mentaux. Si les conditions d’existence étaient un peu meilleures, la façon de vivre la guerre actuelle serait plus simple. On continue toujours à entendre l’impact des bombes, on voit sans cesse le regard de ses enfants. Ils posent des questions auxquelles on ne peut tout simplement pas répondre. Impossible de les amener à comprendre ce qui se passe tout autour d’eux. Comment expliquer à un enfant de 4 ou 5 ans qui entend des cris dans la rue ?

DW : Ce ne sont pas seulement les enfants qui sont concernés ?

AJ : Plus de 97 % des personnes subissent de telles atteintes sous l’une ou l’autre forme. C’est ce qu’a établi une étude réalisée après l’opération Plomb Fondu (l’offensive de 2008-2009) et l’opération Pilier de Défense (2012). Le pourcentage élevé de personnes qui sont exposées aux événements traumatisants est lié à la superficie réduite du territoire qui fait l’objet des attaques.

DW : Comment réagissent les enfants au stress provoqué par les attaques et l’absence d’abris ?

AJ : Les symptômes qui sont visibles déjà maintenant chez les enfants, sont physiques. Beaucoup d’enfants ont mal au ventre ou aux jambes, ou ont d’autres douleurs. Beaucoup manifestent le symptôme de se cramponner. Ils veulent rester le plus près possible de leurs parents. Ils ont une peur intense quand les parents quittent la maison pour aller chercher à manger ou acheter autre chose. Ce sont surtout des problèmes physiques et des anomalies du comportement qui sont l’indice des difficultés psychologiques des enfants. Quelques enfants deviennent hyperactifs ou nerveux. Ils n’ont pas la possibilité de s’exprimer comme les autres enfants ni de parler de leurs angoisses et de leurs problèmes.

DW : Après les attaques du passé, est-ce qu’on constate des conséquences à long terme ?

AJ : Dans une étude de novembre 2013 sur les conséquences à long terme de l’opération Plomb Durci, nous avons découvert qu’il y avait encore 30 % des enfants et des familles qui étaient traumatisés à un degré élevé, c’est à dire qui manifestent un état de stress post-traumatique ("Syndrome de choc post-traumatique").

DW : Comment peut-on aider psychologiquement les personnes concernées ?

AJ : Nous vivons à Gaza dans un territoire très densément peuplé. Un million huit cent mille personnes vivent ici, dont plus de la moitié sont des enfants. Il est extrêmement difficile de devenir un actif. Nous commençons habituellement avec des équipes qui offrent une aide directe. Nous travaillons avec des hôpitaux et des écoles. Nous essayons de fournir une aide de première urgence. Nous offrons aussi une aide et un conseil gratuits par téléphone. Les personnes peuvent tout simplement former le numéro pour obtenir un soutien. Nous avons des équipes interdisciplinaires avec des infirmières psychiatriques, des psychologues, des travailleurs sociaux et des spécialistes en orthopédie, qui essaient d’aider les gens. Les moyens financiers et le nombre de collaborateurs sont toujours trop réduits. Nous ne serons jamais en mesure d’aider toutes les personnes qui ont besoin d’un soutien psychologique.

* Le Dr Yasser Abou Jamei est psychiatre et directeur général du Programme de Santé Mentale de la Communauté de Gaza [successeur du regretté Dr Eyad Sarraj]. Le programme est spécialisé dans le travail avec les enfants, les femmes et les victimes de tortures et abus des droits. Le Docteur a lui-même perdu 28 membres de sa famille le dimanche 21 juillet près de Khan Younis, seuls 4 de ses parents ont survécu.

24 juillet 2014 - Deutche Welle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.dw.de/abu-jamei-keine-an...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM


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