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D’anciens soldats israéliens témoignent contre l’armée israélienne

jeudi 19 juin 2014 - 06h:01

Andrea DiCenzo

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Le groupe de militants Breaking the Silence a organisé un évènement durant lequel la parole a été donnée aux anciens soldats israéliens et à d’autres qui sont toujours en service, pour livrer leurs témoignages en public contre l’armée israélienne.

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Adi Mazor, une des soldats de l’armée de défense israélienne livre son témoignage contre l’armée israélienne (Andrea DiCenzo)

Dans une session de 10 heures, organisée le vendredi 6 juin à la place Habima au centre de Tel Aviv, l’organisation israélienne Breaking the Silencea permis à d’anciens et à d’actuels soldats israéliens de lire leurs témoignages devant une foule d’individus israéliens à la fois curieux et partageant les mêmes opinions.

Les dix heures de cet évènement-marathon marquent le dixième anniversaire de l’organisation, fondée en 2004, durant la Seconde Intifada, par un groupe d’anciens soldats de l’armée de défense israélienne. Breaking the Silence a été créée afin de donner l’opportunité aux soldats de parler et de raconter leurs expériences dans les Territoires Palestiniens Occupés. Depuis sa création, l’organisation a recueilli plus de 700 témoignages de la part de soldats ayant servi en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est.

On estime 350 à 400 le nombre de lecteurs qui ont pris part à cet évènement. S’emparant du microphone, ils se sont exprimés sur ce qu’ils ont vécu pendant leur service afin de sensibiliser et d’attirer l’attention sur les objectifs de la charité et les 47 ans de l’implication militaire israélienne en Cisjordanie.

Ci-après les noms de quelques-uns des anciens soldats qui ont pris part à l’évènement ainsi que des passages de leurs témoignages qu’ils ont tenu à lire à haute voix devant la foule présente pour l’occasion.

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Photo de la foule qui assiste à l’évènement (Photo credit - Active Stills)

Avner Guaryahs

Vous entrez dans une maison, et vous trouvez juste la famille à l’intérieur. Vous constatez le regard courroucé que l’enfant pose sur vous. Il n’y a aucun doute mais ne nous faisions que jeter l’huile sur le feu. L’enfant vous regarde dans les yeux. Vous humiliez son père. Vous le réveillez au beau milieu de la nuit. Vous pénétrez dans sa maison plusieurs fois. Son père vous dit : « L’armée a déjà défoncé la porte mais personne n’a rien remboursé. » Pendant ce temps, le regard de l’enfant s’alimente de plus en plus de colère. Les parents essaient de calmer leur fils « du calme, du calme. » Vous avez vraiment envie que l’enfant vous crie dessus, qu’il hurle, qu’il laisse sa colère éclater. Il s’agit donc des petites choses que nous rencontrons.

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Itamar Shwartz

Nous étions en 2002, le jour de la finale de la Coupe du Monde. Il était environ 13h ou 14h heure israélienne. C’était la canicule et nous étions très fatigués. Je me souviens que ce jour-là, nous nous sommes arrêtés devant une des maisons pendant qu’une voix dans notre radio répétait « Nous devons trouver un endroit avec télévision. Nous devons suivre la finale. » C’était la chose la plus absurde. Ils ont fait irruption dans une maison où il n’y avait que des femmes et des enfants. Les soldats ont enfermé tout le monde dans la cuisine et se sont installés pour regarder le match, pendant deux heures. Je ne pouvais même pas concevoir ce qui se passait.

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Adi Mazor

Vous pouvez mentir, juste comme ça. Mon commandant a pris le téléphone et a dit : « Nous voyons là quelques enfants qui jettent des pierres sur le mur. » Bien sûr, il n’y avait aucun enfant. Rien. Il avait menti. Nous avons dit d’accord et mon collègue et moi sommes montés sur le char. Nous avons dégoupillé une grenade incapacitante et nous l’avons jetée par-dessus le mur. Il y a eu un grand boum. J’ai aperçu un Palestinien qui travaillait son champ. Il était terrifié.

Je me souviens avoir été très fière de mon geste. Puis le sentiment d’héroïsme est vite devenu un sentiment de honte. J’avais honte de moi. C’était comme si le territoire Palestinien était notre terrain de jeu où nous pouvions faire ce que nous voulions et à n’importe quel moment.

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Adi Mazor, une des soldats de l’armée de défense israélienne livre son témoignage contre l’armée israélienne (Andrea DiCenzo)

Yoni Levy

Les nuits se ressemblaient à Jénine, en Cisjordanie. Chaque soir, nous conduisions des opérations dans toute la ville. Nous avions l’habitude de commencer par des embuscades et des détentions dans la ville, mais l’opération la plus fréquente est notre entrée agressive dans le centre-ville en pleine nuit. Pour marquer notre entrée agressive, nous annoncions notre arrivée avec une volée de grenades incapacitantes et des feux d’armes automatiques. Même si l’effet des grenades n’est que lumière intense et bruit assourdissant, et même si nous tirons en l’air ou sur des réverbères, l’effet de l’attaque reste particulièrement terrifiant. Et nous voulions que ce soit ainsi.

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Shay Davidovich

S’agissant du village lui-même, les chars ont bombardé et attaqué la zone tout autour pendant que les hélicoptères d’attaque s’entrainaient à proximité. Bien évidemment, les soldats firent irruption dans le village et se sont déplacés un peu partout. Il y avait beaucoup de gens, tout un bataillon. Aussi, chaque maison avait son propre champ que les soldats ont traversé librement. Il y avait de véritables explosions émanant des entrainements et des manœuvres en direct. Des tirs réels. Je suis persuadé qu’ils n’étaient pas destinés au village, mais on pouvait clairement les entendre et les sentir. Nous avons surtout marché à travers les cultures Palestiniennes pour enfin accéder au village. Nous passions dans les rues en deux rangées. Il a été convenu que c’était une simulation d’un village réel, c’est pourquoi les soldats sont arrivés de façon très organisée. Je me souviens que certains commençaient à tirer à blanc, mais je ne sais pas combien.

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Nadav Bigelman

Se trouver avec les colons était une mission délicate. Nous étions au centre, le centre de la kasbah et le centre de la colonie, et la plupart de nos ennuis nous parvenaient des colons. La violence quotidienne, dans son ensemble, n’était pas un acte Palestinien, après tout, ils n’osaient rien faire avec les soldats en face d’eux. Ce sont plutôt les colons qui étaient violents. Lorsque je suis en service, j’avais toujours mon calepin dans la poche, et chaque fois qu’un colon maudissant ou agissait violemment, je prenais note. J’ai également interrogé d’autres soldats et j’ai noté toutes les actions des colons.

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Gil Hellel

Par principe, nous étions une unité mixte sur le terrain afin de gérer les troubles causés par les Juifs. La population dans la colonie juive d’Avraham Avinu est connue pour être difficile à gérer et source de beaucoup de problèmes. Toute la ville d’Hébron est le foyer des colons les plus extrémistes, arrivés sur les lieux pour une mission, pour ainsi dire, la reconquête de la Terre d’Israël. Ils harcèlent constamment et quotidiennement les Palestiniens qui vivent là-bas. Au beau milieu de tout cela, je me souviens avoir pensé en mon for intérieur « Mais pour l’amour de Dieu, qu’est-ce que je fais là ? Qui suis-je réellement en train de défendre ? »

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Noam Chayut

Il y avait de grandes foules qui tentaient de traverser le checkpoint pour voyager de Jérusalem à Ramallah, c’est-à-dire sortir de ce que nous définissons comme le légitime Israël. Nous les fouillions de la même façon dans les deux côtés du passage. Une fois, il y avait parmi la foule une adolescente ou une jeune dame occidentale, ou européenne. Je l’ai regardée et je lui ai en quelque sorte fait signe de faire le tour au lieu d’attendre avec les autres. Elle a reculé d’un pas et elle a commencé à hurler en anglais : « Pourquoi ? Quelle différence y a-t-il entre moi et cette femme avec ses mômes qui pleurent dans la queue ? » Évidemment, je n’ai pas pu répondre car je n’avais pas de réponse.

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12 juin 2014 – Middle East Eye – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://www.middleeasteye.net/news/f...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha


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