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En Cisjordanie, le constat alarmant du commissaire européen Louis Michel

dimanche 29 avril 2007 - 06h:37

Michel Bôle-Richard - Le Monde

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Louis Michel, commissaire européen pour le développement et l’aide humanitaire :
"Est-ce que la sécurité d’un pays justifie pareille mesure ?"

Ce n’est pas une forteresse, c’est seulement une maison. Pas bien grande, pourtant coquette, bordée d’arbres et de rosiers mais entourée de tous les côtés par une haute clôture, double à l’arrière, équipée d’un système d’alerte électronique.

Devant, sur une centaine de mètres, un mur de huit mètres de haut barre l’horizon. Ce ne sont pas les fresques peintes sur la partie inférieure qui lui donne un aspect rassurant. La route goudronnée qui passe devant la maison ne mène nulle part. Elle est barrée à chaque extrémité par de lourdes portes métalliques. Pour rentrer ou sortir de chez lui, Hani Amer, sa femme et ses six enfants disposent d’une clé qui leur permet d’ouvrir la porte de "la clôture de sécurité".

Il ne l’a pas toujours eue. Il a dû batailler ferme auprès des autorités israéliennes avec l’aide d’organisations humanitaires internationales pour l’obtenir et pouvoir ainsi sortir de la prison qu’est devenue sa maison, coupée du village de Masha parce que légèrement excentrée.

C’est ce qui a fait le malheur de la famille Amer. Pour protéger les maisons de la colonie d’Elkana construite à cinq kilomètres à l’est de la Ligne verte, la frontière d’avant la guerre de 1967, le gouvernement d’Ariel Sharon a décidé d’établir la barrière de sécurité juste après la maison de la famille Amer, englobant celle-ci dans l’enceinte de la colonie. Un bâtiment adjacent ainsi qu’une serre appartenant à cette famille d’agriculteurs ont été détruits mais Hani Amer, paysan opiniâtre et résolu, a décidé de ne pas se laisser faire.

Il a fait appel à plusieurs organisations humanitaires internationales qui l’ont soutenu dans son combat. "Les Israéliens m’ont tout promis, de l’argent, un visa pour partir à l’étranger. Ils ont tenté de m’intimider. Ils ont construit ce mur pour me gâcher la vie mais si Dieu le veut, je resterai ici", dit-il. Pourtant depuis 2003, date de la construction de tout ce réseau de barrières, la vie n’est pas facile pour cette famille de reclus.

Cet agriculteur de 50 ans, issu d’une famille de réfugiés de la région de Kafr Kasem, aujourd’hui en Israël, à une dizaine de kilomètres à l’ouest, refuse de s’en aller une deuxième fois. Il doit subir les jets de pierre des colons installés juste derrière sa maison, parcourir 15 kilomètres et franchir trois check-points pour aller cultiver ses champs. Il éprouve les plus grandes difficultés pour vendre les produits de ses terres. Il doit affronter les vexations des soldats et se soumettre à leur bon vouloir pour pouvoir se déplacer.

Hani Amer est devenu le prisonnier de sa maison : "Telle est notre vie et je ne peux rien y faire. Si je laisse la porte ouverte trop longtemps, les soldats arrivent tout de suite. Ils savent tout ce que je fais." Le commissaire européen pour le développement et l’aide humanitaire, Louis Michel, en visite sur place, jeudi 26 avril, l’écoute et déplore : "Cette famille vit dans un état de siège et de terreur permanents. Ma question est simplement celle-ci : "Est-ce que la sécurité d’un pays justifie pareille mesure ?"

Au cours de cette visite de trois jours, qui doit se poursuivre en Jordanie et en Syrie, M. Michel a constaté que "la situation humanitaire dans les territoires (occupés) n’a sans doute jamais été aussi mauvaise. Près de 60 % de la population vivent désormais sous le seuil de pauvreté de 2 euros par jour. Depuis 2006, la pauvreté a augmenté de 30 %. Près de 35 % de la population, soit 1,3 million de Palestiniens, sont victimes d’insécurité alimentaire.

Selon le commissaire européen, "près de la moitié des enfants souffrent d’anémie. La mortalité infantile a augmenté de 15 % au cours de ces dernières années. Près d’un quart de la population n’a pas accès à l’eau. L ?économie dans les territoires est devenue largement une économie de subsistance, voire de survie au quotidien".

Le commissaire s’est insurgé contre les contraintes imposées à la population palestinienne. "Le système de fermeture et de contrôle mis en place par Israël, combiné avec un système routier exclusif au bénéfice des colonies, est certainement la cause la plus décisive dans la crise humanitaire actuelle, a-t-il dénoncé. En morcelant le territoire, en bloquant ou limitant les mouvements de manière imprévisible et arbitraire au travers de plus de 800 points de contrôle fixes et de 80 mobiles, ce système annihile toute chance de développement économique dans les territoires."

Pour des raisons de sécurité, il ne s’est pas rendu à Gaza, mais il a rencontré la ministre israélienne des affaires étrangères, Tzipi Livni, pour lui faire part de ses préoccupations.


Du même auteur :

- En Cisjordanie, les "colonies sauvages" israéliennes occupent colline après colline
- Effervescence diplomatique autour du conflit israélo-palestinien

Michel Bôle-Richard, envoyé spécial à Masha (Cisjordanie) - Le Monde, le 28 avril 2007


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