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Hébron : une situation hautement explosive

vendredi 11 octobre 2013 - 06h:45

Naela Khalil

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27 septembre 2013 - Violents affrontements contre les forces israéliennes d’occupation à Hébron (Al-Khalil) - Photo : reuters/Mussa Qawasma

Hébron, Cisjordanie – Les autorités israéliennes d’occupation tentent toujours de résoudre le mystère du soldat abattu le 23 septembre dernier. Cela les amène à effectuer des arrestations et des descentes, faisant monter la tension déjà forte dans la ville de Hébron.

Criblé de points de contrôle et négligé par l’Autorité palestinienne, Hébron est un baril de poudre qui peut exploser à tout moment.

Issa Amer, coordinateur du groupe des « Jeunes contre les colonies », résume la situation à Hébron : « La ville vit dans un état de tension maximale, elle peut exploser à tout moment ».

Amer travaille sans répit partout dans la ville, se déplaçant d’un endroit à l’autre. Son téléphone cellulaire ne cesse de sonner. Le 30 septembre, Amer se trouvait dans la région de al-Sahle, où le soldat israélien a été abattu alors qu’il contrôlait une maison, propriété du Palestinien Issa Abou Miala, saisie par des colons juste avant la Fête des Tabernacles.

Hébron est la deuxième ville importante de Cisjordanie, et la seule ville palestinienne dont les colons occupent certains districts.

« Même si la situation est tendue en permanence à Hébron, la mort du soldat l’a exacerbée. Les forces d’occupation ont arrêté plus de 1.500 citoyens pendant les trois premiers jours après le meurtre. La majorité d’entre eux ont été relâchés, mais des dizaines sont toujours détenus. La partie au sud du Caveau des Patriarches est complètement bouclée » dit Amer au Monitor.

Amer est encore plus préoccupé par le fait que « les forces d’occupation ont fermé des portes réservées aux patients [médicalisés], généralement situées près des checkpoints israéliens ».

Al-Sahle se trouve à 1 km au sud du Caveau des Patriarches. Le village semble relativement calme. Les rues sont silencieuses et on ne voit pas un seul enfant. La raison est sans doute que le point de contrôle militaire de Beit Mirkaht se trouve à quelques mètres de là, il est connu des Palestiniens sous le nom de « pharmacie ». Ce checkpoint rend les habitants nerveux.

Mohamad al-Atrash, un journaliste vivant dans cette zone, a été arrêté et détenu pendant quelques heures. Il a déclaré au Monitor : « Deux semaines après l’opération, il y a toujours des descentes. Ils ont pénétré dans des maisons à plusieurs reprises ».

Hashem Sharbati, chercheur auprès de l’organisation [défendant les droits de l’homme] al-Haq, a expliqué que les Israéliens « tentent de résoudre le mystère du meurtre du soldat. L’armée, les services secrets et la police criminelle ont fait de la vie des habitants un enfer ».

Des enfants se rassemblent près de l’école al-Ibrahimia, à 200 mètres de la scène. Des barricades de fils barbelés ont été installées autour de l’école pour protéger les étudiants des agressions perpétrées par les colons, tandis que la cour de récréation attenante au bâtiment est devenue un parking pour véhicules israéliens.

Il y a deux mois, les Forces israéliennes d’occupation [FIO] ont détenu pendant plusieurs heures Mohamad Qafisha, 11 ans. L’enfant jouait près d’une maison palestinienne, dont une partie avait été saisie par des colons israéliens. Son père et des agents de liaison palestiniens ont cherché à le faire libérer.

« Pendant que je jouais au foot avec mes copains, des soldats nous ont attaqués. Mes copains se sont enfuis et [les soldats] m’ont attrapé » a dit Qafisha au Monitor.

En ce moment, Qafisha joue avec son ami dans un espace qui ne dépasse pas 50 m², à cause des checkpoints israéliens.

« Il y a six postes de contrôle israéliens dans la zone entourant le Caveau des Patriarches », dit Sharbati .

« Il y a 90 postes de contrôle et barrages routiers, dont 20 postes de contrôle équipés de détecteurs de métaux. La raison derrière cela est qu’il y a 500 colons protégés par plus de 2000 soldats », explique Amer.

Ces points de contrôle sont soit fortement ou modérément déployés, en fonction de la tension dans la ville. Toutefois, il y a des rues où les Palestiniens ne peuvent pas entrer avec leurs véhicules et sont soigneusement inspectés, comme c’est le cas rue des Martyres dans la vieille ville, laquelle est devenue une ville fantôme dans tous les sens du terme.

La vieille ville d’Hébron est désignée comme zone H2, qui est sous le contrôle d’Israël, alors que les Palestiniens sont censés contrôler la zone H1, selon le « protocole de redéploiement » signé entre l’Autorité palestinienne (AP) et Israël en 1997. Mais avec l’éclatement de la seconde Intifada, toute la zone est passée sous contrôle israélien.

Pour entrer dans la rue des Martyres, il faut passer par un poste de contrôle militaire et être inspectés par des détecteurs de métaux, pour ne pas mentionner la fouille des effets personnels et un examen attentif des cartes d’identité.

Vous seriez surpris par cette rue qui s’étend aussi loin que l’œil le permet. Sur les deux côtés de celle-ci, vous pouvez voir des magasins avec des portes vertes fermées de force avec des barres de fer sur les ordres des militaires, l’année 2000. Un silence complet est depuis descendu sur cette rue avec ses boutiques fermées, sans acheteurs et sans piétons.

Le silence est interrompu de temps à autre par le passage de voitures de colons avec leurs plaques d’immatriculation jaunes. Quand une voiture s’approche de vous, vous pouvez voir le conducteur avec sa kippa et portant une barbe semblable à celle de n’importe quel musulman religieux. Il se peut qu’il vous jette un regard surpris alors qu’il passe devant vous.

Depuis 60 ans, Mofida al- Sharabati a vécu dans une petite maison sur la rue des Martyres, où elle a donné naissance à ses sept enfants et est devenue une grand-mère de 20 petits-enfants. En face de sa maison se trouve l’immeuble Beit Hadassah, entouré par les maisons des colons.

« Ma maison est souvent attaquée par des colons. Deux de mes fils ont été blessés dans ces attaques. Mofid souffre d’ une vertèbre cassée, tandis que Zidane a perdu la vue de son oeil gauche », dit-elle.

La femme, qui est dans sa soixante-dixième année, soupira et dit : « Ce sont les pires voisins dans le monde, et personne ne nous vient en aide, politiquement ou économiquement ».

« Je n’ai pas travaillé pendant les six dernières années à cause de ma blessure », déclare Mofid , interrompant sa mère. « Les colons peuvent attaquer notre maison à tout moment pour terroriser nos femmes et nos enfants. Nous les hommes, devons donc rester à la maison et les protéger. Dans tous les cas, il n’y a pas de travail là-bas. »

« Cela fait 10 ans depuis la dernière fois qu’un responsable palestinien a visité le rue des Martyres. Ils disent qu’elle est sous contrôle israélien et qu’ils ont besoin d’une coordination en matière de sécurité pour pouvoir entrer. S’ils décident d’entrer sans surveillance [des Israéliens], ils peuvent le faire, mais ils ne veulent pas », ajoute-t-il.

Amer déclare aussi que « 70% des habitants de Hébron en zone H2 sont au chômage et vivent en dessous du seuil de pauvreté en raison de l’échec de l’Autorité palestinienne ».

Négligée par l’Autorité palestinienne, économiquement démunie et criblée de points de contrôle israéliens, Hébron est une ville dans un état de colère généralisée, un baril de poudre qui pourrait bien signifier la ruine des pourparlers de paix .

* Naela Khalil est une journaliste travaillant pour le quotidien palestinien Al-Ayyam. Elle a réalisé des reportages pour l’agence des nouvelles humanitaire de l’ONU et l’agence d’analyse IRIN, le magazine Al Maraa el-Muslema de l’UAE, le quotidien jordanien Al-Dustour et le bureau An-Najah pour les médias.

De la même auteure :

- Brigades des Martyrs al-Aqsa : le retour à la résistance armée ? - 28 septembre 2013
- La guerre en Syrie polarise les Palestiniens de Cisjordanie - 24 septembre 2013

2 octobre 2013 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach & Marie Meert


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