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Message d’Emad Burnat au monde
Mon voyage de Palestine jusqu’à Hollywood

mercredi 27 février 2013 - 10h:43

Emad Burnat - Mondoweiss/Le Huffington Post

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Emad Burnat :

"Voici mon message au monde.

Merci à l’Académie pour ce prix.

C’est un jour historique pour la Palestine, pour le peuple palestinien. C’est le premier film palestinien à remporter un Oscar. Mon fils est le premier enfant palestinien à être ici, sur cette scène.

Nous recherchons la liberté et la paix - pour mon fils Gibreel et sa génération. Nous recherchons un avenir sans murs et sans checkpoints. Sans soldats. Sans colonies.

Nous voulons ce que vous voulez : la Vie. La Liberté. Et la poursuite du bonheur.

Nous avons besoin de votre soutien et de votre aide. Rappelez-vous de cela. Souvenez-vous de nous.

Gibreel : LIBERTÉ"

Mondoweiss

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OSCARS - Ma femme et moi avons déjà vu ce regard, sur le visage de nos enfants principalement. Après tout, comme tous les enfants palestiniens vivant en Cisjordanie, les nôtres ont grandi habitués à l’humiliation des vérifications d’identité et des interrogatoires.

Mais nous n’avions jamais vu notre plus jeune fils, Gibreel, aussi déçu qu’il l’était mardi, quand les fonctionnaires de l’immigration américaine ont menacé de nous refuser l’entrée sur le territoire américain et donc l’accès à la 85ème cérémonie des Oscars pour laquelle nous venions de voyager pendant deux jours.

Comme mon ami et collègue réalisateur Michael Moore -qui est intervenu pour m’aider à rentrer aux Etats-Unis- l’a ensuite twitté :

"Apparemment, les fonctionnaires de l’Immigration et des douanes ne pouvaient pas croire qu’un Palestinien pouvait être nominé aux Oscars".

Et bien oui, je suis nominé aux Oscars. Mais surtout, mon film, 5 Caméras brisées -qui raconte le combat pacifique de mon village, Bil’in, pour résister à l’occupation israélienne- parle précisément du genre d’humiliation que ma famille et moi avons endurée à l’aéroport international de Los Angeles (LAX). La seule différence est que les victimes se comptent en millions d’où je viens, et que ces épisodes font tellement partie du quotidien là-bas que ce qui nous est arrivé, paraît bien pâle en comparaison.

C’est parce que, chaque jour là-bas, Israël met en place plus de 500 checkpoints, barrages routiers, et autres obstacles au mouvement en Cisjordanie - une région qui représente moins de 2 % de la taille de la Californie et dans laquelle 2,5 millions de Palestiniens vivent soumis à une répression constante.

Dans mon film, que j’ai co-réalisé avec l’Israélien Guy Davidi, vous pouvez voir cette répression de près.

Vous pouvez voir la construction de ce que des personnalités respectées (comme l’archevêque Desmond Tutu) ont qualifié de mur de "l’apartheid", nous séparant de nos terres, et permettant ainsi aux colonies juives de voler nos ressources. Vous pouvez voir les enfants de mon village bousculés par des hommes en treillis et armés. Vous pouvez voir des civils non armés, y compris des pacifistes israéliens, se faire tirer dessus par des soldats de l’occupation. Et vous pouvez voir que notre réponse -la réponse palestinienne- a été digne, non-violente et déterminée.

Mais par dessus tout, vous pouvez constater comme ces scènes sont devenues banales pour les Palestiniens. Cette banalité est la raison pour laquelle tant d’entre nous à Bil’in ont été frappés par le succès du film. Des gens que je n’aurais jamais imaginé rencontrer -des acteurs, des politiciens, des musiciens de légende- m’ont confié à quel point ils avaient été émus par le film, et immanquablement, la façon dont ils "n’avaient aucune idée de la situation si terrible" des Palestiniens.

La vérité est qu’ils connaissent bien pire. Je ne suis pas seul à le dire. Ecoutez des Américains comme l’ancien président Jimmy Carter ou l’auteur de La Couleur pourpre, Alice Walker, qui ont dénoncé les injustices dont ils ont été témoins en Palestine.

Comme eux, les Américains qui ont vu mon film et observé les effets de l’occupation israélienne se sont mobilisés à nos côtés. Pas contre Israël, mais du côté des Israéliens et des Palestiniens qui ont compris que, comme Martin Luther King Jr., le grand porte-parole du mouvement des droits civiques, l’a écrit un jour, le véritable sens de la paix n’est pas l’absence de tensions, mais la présence de la justice.

Alors qu’on m’interrogeait au LAX, les membres de l’Académie des Oscars se réunissaient pour une soirée en l’honneur des nominés 2013 pour le Meilleur documentaire. J’étais invité et quand le bruit a couru que j’étais retenu à l’immigration, le groupe a insisté de sauter le dîner jusqu’à ce que j’arrive. Leur solidarité m’a rappelé une autre citation de King :

"Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier".

Agissant selon ce principe, mes compagnons de repas ont jeûné ce soir-là pour un fermier et sa famille d’un petit village de Palestine. Bien plus que des déclarations d’hommes politiques ou de journalistes -ou des actes d’intimidation des fonctionnaires de l’immigration-, ce sont de tels gestes de décence et de courage moral qui ramèneront la paix en Terre Sainte.



Emad Burnat, qui a co-réalisé le long métrage documentaire 5 Broken Cameras, était à Hollywood à l’occasion de la 85ème cérémonie des Oscars. Emad est venu sur le HuffPost Live pour évoquer sa détention par la Sécurité nationale au LAX.



Lire aussi :

- Comment mon ami et nominé aux Oscars, Emad Burnat, a été détenu et menacé d’expulsion à l’aéroport de Los Angeles - Michael Moore - 20 février 2013
- « Cinq caméras brisées » nominé pour les Oscars est-il un film israélien, ou palestinien ? - Asa Winstanley - The Electronic Intifada - 11 janvier 2013
- À hurler de Pierre Foglia - 22 novembre 2012

26 février 2013 - Le Huffington Post - Ce billet a initialement été publié sur Le HuffPost World. - traduction du message d’Emad Burnat : Info-Palestine


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